Arsène, Auguste, Trével naît le 29 décembre 1892 à Allemagne/Fleury-sur-Orne [1], à proximité de Caen (Calvados – 14), chez ses parents, Félix Trével, 44 ans, journalier, et Julia Marguerin, 42 ans, son épouse.
Le 10 octobre 1913, Arsène Trével est incorporé comme soldat de 2e classe au 1er régiment du Génie. Son service militaire est prolongé par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Dès la publication de l’ordre de mobilisation générale, le 2 août 1914, il part « aux armées » (en zone de combat), au sein de la compagnie 4/5. Le 19 septembre suivant, il est évacué pour amygdalite aigüe et admis à l’hôpital de Tours, qu’il quitte le 24 octobre. Il rejoint son unité le 20 janvier 1915 et reste en zone de combat jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918. Le 28 août 1919, il est « mis en congé illimité de démobilisation », titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire à Fleury-sur-Orne.
Cependant, dès le 2 août 1919, à la mairie de Mondjoie(-Saint-Martin – Manche ?), Arsène Trével se marie avec Germaine Juliette Eugénie Fleury, née le 31 juillet 1900 à Champ-du-Boult (14).
Dès le 4 septembre 1919, l’armée classe Arsène Trével “affecté spécial” de l’administration des PTT (Poste, Téléphone et Télégraphe) comme agent des lignes à Caen, ce qui correspond à son emploi civil.
Arsène et Marguerite Trével ont une fille, Marguerite Georgette, née le 2 janvier 1920 à Fleury.
En 1921, ils habitent route de Caen à Fleury. En 1926, ils sont domiciliés rue Bouquet à Fleury (peut-être la même rue ayant changé de nom). Au moment de son arrestation, Arsène Trével est domicilié place (?) Bouquet à Fleury.
Sous l’occupation, il est actif dans la Résistance au sein du Réseau PTT des Forces françaises combattantes, selon une attestation ultérieure.
Le 7 mai 1942, Arsène Trével est arrêté à Caen par la police allemande, comme otage communiste lors de la deuxième vague d’arrestations qui a suivi le déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [2]. Il est certainement parmi les détenus qui sont passés par le “petit lycée” de Caen avant d’être transférés le 9 mai au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 5676.
Entre fin avril et fin juin 1942, Arsène Trével est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Arsène Trével est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45157 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Arsène Trével.
Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Ce jour-là, 29 autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection à Auschwitz (coups, manque de sommeil…).
Arsène Trével est homologué comme “Déporté politique”.
Le 26 août 1987, à Caen, est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi.
En 1991, une cellule du PCF de Fleury porte son nom (lettre de Didier Rossi, petit-fils d’André Félix, 6-03-1991).
Le nom d’Arsène Trevel est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen côté avenue Albert Sorel afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
Notes :
[1] Allemagne : la commune est débaptisée et rebaptisée Fleury-sur-Orne en hommage à Fleury-devant-Douaumont, par le décret du 12 avril 1917.
[2] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).
Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen).
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 126.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 422.
Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 13X (n° XX) et 138.
Archives départementales du Calvados, archives en ligne ; état civil de Fleury-sur-Orne 1877-1892, registre d’état civil N.M.D., année 1892, acte n° 21 (vue 643/675) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1912, bureau de Caen, n° 1001-1317, matricule 1256 (vues 412-413/506).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (« Verstorbene Häftlinge).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1255 (21103/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 30-09-2014)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.