Peut-être informé de la déclaration de Bernard, le commissaire de la circonscription de Colombes désigne son père, Maurice Castille, au préfet de police comme un « meneur communiste se livrant à une active propagande communiste ». Le 26 juin, celui-ci est appréhendé par les services du commissariat de Colombes, le préfet de police signant le même jour l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 14 novembre 1939. Conduit aussitôt dans la cour de l’Hôtel Matignon, Maurice Castille y est remis aux autorités allemandes. Le lendemain, il est conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise). Mais il est libéré en décembre.
Le 20 septembre 1941, la section spéciale de la cour d’appel de Paris (ou section de Paris du tribunal d’État ?) a condamné Charles B. À dix ans de travaux forcés.
Entre temps, en novembre 1941, dans le métro, Madeleine Castille a rencontré un nommé « Raoul » – Raoul Bey [2] (ultérieurement, elle déclarera le connaître depuis trois ans). Celui-ci lui déclare avoir été prisonnier de guerre et s’être évadé du camp où il était interné. Ayant le contact avec l’organisation clandestine du Parti communiste, un certain « Henri » – après lui avoir fait remplir une biographie – lui fournit de faux papiers (certificat de démobilisation et certificat de vie en blanc) au nom de « Jean Lagarrigue », sous lequel il se fait dès lors désigner. À plusieurs reprises, il vient rendre visite à Madeleine Castille chez ses parents, à Bois-Colombes, y étant hébergé ensuite pendant environ un mois. Puis ils décident de s’installer ensemble : le 17 janvier 1942, Madeleine emménage avec lui au 8, impasse Dombasle à Paris 15e. Son compagnon ne travaillant pas, l’employée de bureau pourvoit seule aux frais du ménage. De son côté, « Jean Lagarrigue » se voit confier par « Henri » un stock de feuilles de papier vierges à dissimuler en attendant leur l’utilisation pour l’impression de tracts. Conservant deux paquets de mille feuilles à son domicile, « Jean Lagarrigue » décide d’en entreposer la plus grande partie (12 000 ou 15 000 feuilles en huit paquets) chez les parents de Madeleine, à leur insu ; seuls Pierre Castille, le plus jeune fils, et Madeleine seraient au courant.
À la mi-mars 1942, Jeanne G. (38 ans), une collègue de travail et amie de Madeleine – qui s’est vue confier la garde d’un pavillon dont la propriétaire, une cousine, est partie en zone non-occupée avec son mari, Marcel L., professeur d’allemand appelé à Vichy comme rédacteur de ministère – lui apprend que le jardinier s’occupant du potager a cessé ses fonctions. Elle propose à Madeleine que « Jean Lagarrigue » puisse le remplacer sous condition de partager la récolte. Celui-ci se voit alors confier les clés de la propriété et s’installe au 5, avenue Beauséjour (ou 6, rue de Bellevue) à Crosnes, au sud-est de Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise / Essonne).
Dans la même période, Germaine Castille, la mère de famille, constate la présence du stock de papier dans sa cave. Elle demande à son fils Pierre de le déménager dans le grenier, ou dans un pigeonnier se trouvant dans la cour-jardin du pavillon.
En l’absence de Raoul Bey, qui se trouve à la propriété, un “visiteur” connaissant le mot de passe consistant à se présenter comme « un ami du Maréchal » se présente à son domicile impasse Dombasle où il est reçu par Madeleine. Le 30 mars, elle écrit alors à son compagnon, à Crosnes, pour l’informer de cette visite. Raoul Bey revient chez eux pour y laisser, à destination du dit “visiteur” (« Cher camarade… »), un message au crayon signé « Jean Lagarrigue » et indiquant que le dépôt de matériel est à récupérer chez « Castille », au 90 rue Pierre-Joigneaux à Bois-Colombes, en s’y présentant « toujours avec le même mot » (de passe).
Le 2 avril 1942, Jeanne, Marie, F. – dite « Marie-Jeanne » – (19 ans) [3], dactylographe auxiliaire à la SNCF depuis un mois et demi, dans les bureaux du réseau Nord, au 78 rue des Poissonniers (Paris 18e), est surprise par son chef de service alors qu’elle tape sur sa machine à écrire un stencil reproduisant le recto de L’Humanité clandestine n° 153 datée du 14 mars 1942, en vue de sa duplication sur une machine à ronéotyper (elle dispose d’un deuxième stencil vierge pour le verso). À 17 h 30, deux inspecteurs de la 1re brigade spéciale des Renseignements généraux viennent la prendre en charge dans le bureau du surveillant général de la gare du Nord afin de la ramener à la préfecture de police. Le lendemain, la perquisition opérée chez sa mère, à Drancy – chez qui elle vit -, n’amènera la découverte d’aucun document ou matériel compromettant.
Interrogée, Jeanne F. admet avoir accepté d’effectuer ce travail clandestin par sympathie pour les doctrines du Parti communiste, et désigne Eugénie Lalet [4] (19 ans), compagne depuis trois mois de son frère Robert [5] (24 ans), comme la personne lui ayant demandé de dactylographier ce stencil ; indiquant également son adresse.
Le 3 avril, les policiers se rendent au domicile du couple, au 44, rue Duranton à Paris 15e, et procèdent aussitôt à une perquisition au cours de laquelle ils découvrent un lot important de tracts et brochures dactylographiés ou ronéotypés « d’inspiration communiste », une machine à écrire, des stencils vierges, différents projets de tracts et de nombreuses pièces d’identité falsifiées, certaines au nom de « Fartières », identité d’emprunt sous laquelle le couple occupe le logement (pour compléter ce pseudonyme, Eugénie Lalet semble s’être choisit le prénom « Hélène », que Robert utilisera dans des correspondances familiales ultérieures).
En fouillant Robert F., les inspecteurs trouvent deux exemplaires différents de L’Humanité clandestine, ainsi que la lettre de Raoul Bey destinée à son “contact” et indiquant comme adresse « Lagarrigue, chez Monsieur L., rue du Vieux-Château à Crosnes ».
Le samedi 4 avril, dans l’après-midi, deux inspecteurs de la 1re brigade mobile de la police judiciaire (compétente en Seine-et-Oise) et un inspecteur de la BS1 se rendent à Crosnes. Dans le pavillon, ils trouvent « Jean Lagarrigue », mais aussi Madeleine Castille. La perquisition de la propriété n’amène la découverte d’aucun document ou matériel compromettant ; n’est trouvée dans la poche du veston de « Jean Lagarrigue » que la lettre envoyée par Madeleine pour le prévenir de la visite reçue à leur domicile. Le couple est ramené dans les locaux de la brigade spéciale des Renseignements généraux pour y être soumis à l’interrogatoire. « Jean Lagarrigue » décline alors sa véritable identité : Raoul Bey. La perquisition de leur domicile, impasse Dombasle, amène la découverte des deux paquets de feuilles vierges, de fausses pièces d’identité et d’une enveloppe à en-tête de la SNCF contenant un foulard commémoratif de la révolution russe avec l’emblème de la faucille et du marteau.
Le même jour, en début de soirée, trois autres inspecteurs de la BS1 se rendent au domicile de la famille Castille et y arrêtent Pierre, le plus jeune fils, apprenti-électricien alors employé à Colombes comme gardien auxiliaire civil pour la surveillance des voies de chemin de fer. Excepté les paquets de feuilles vierge, aucun autre élément compromettant n’y est trouvé.
Le lundi 6 avril, des inspecteurs arrêtent Jeanne G., l’amie de Madeleine Castille qui a confié les clés du pavillon de Crosnes, et Madame F., mère de Jeanne et Robert, pour les mettre à la disposition du chef de la brigade spéciale. Le lendemain, c’est au tour de Bernard Castille d’être amené à la préfecture, par deux inspecteurs qui évoquent dans leur rapport une participation au déménagement du stock de papier avec son frère et rappellent son inculpation de l’année précédente.
Les interrogatoires et confrontations reprennent ce mardi 7 avril…
Robert F. et Raoul Bey admettent en être sympathisants du Parti communiste, mais sans en avoir été membres. Madeleine Castille déclare avoir cessé toute activité politique après la dissolution des JFF.
Tous deux “dédouanent” leurs compagnes respectives de toute activité clandestine propre et de la moindre connaissance de leur implication personnelle.
Eugénie Lalet nie tout engagement : « Jamais je ne me suis livrée à une action politique quelconque, bien qu’ayant subi déjà une condamnation sous l’inculpation d’activité communiste. En conséquence, je ne m’explique pas pourquoi la demoiselle F. A fait de telles déclarations à mon sujet. […] J’ignorais absolument la présence à mon domicile des tracts s qui y ont été découverts. […] J’ai effectué cette location au nom de Fartières en vue de dissimuler mon propre état civil. Je supposais, en effet, que mon mari ayant été passé par les armes, je pouvais moi-même être l’objet ’une mesure d’internement. »
Un passage du procès-verbal d’interrogatoire de Madeleine Castille est contradictoire concernant sa propre connaissance du dépôt de papier chez ses parents : « J’ignorais absolument la présence à mon domicile du papier qui a été découvert. J’ignorais encore que du papier semblable et en assez grand quantité avait été découvert au domicile de mes parents. Je ne suppose pas que ce papier devait servir à la confection de tracts. Je ne sais pas du tout à quoi ce papier était destiné. Je savais, par contre, que ce papier avait été apporté chez mes parents par mon ami Jean. Je ne puis dire dans quel but. »
Robert F. Déclare : « Depuis la dissolution du Parti communiste, j’ai encouru une condamnation pour activité clandestine. J’ai poursuivi cette activité après ma sortie de prison. Je ne puis vous indiquer la nature de cette activité. » Il tente de protéger sa compagne en déclarant que c’est lui-même qui a demandé à sa sœur de reproduire à son travail le numéro de L’Humanité. Mais, lors de sa confrontation avec lui, puis avec Eugénie Lalet, Jeanne F. maintient sa version initiale. Interrogé de nouveau, Robert F. déclare : « Quant à la lettre manuscrite qui effectivement était en ma possession, il s’agit d’une missive que j’ai trouvée dans la rue. Je ne connais nullement l’expéditeur de cette lettre et le nom de Lagarrigue m’est inconnu. » « Toute cette documentation, tracts, brochures, etc., a été apportée dans le logement que j’occupais avec Madame Lalet par moi-même. Toute cette documentation, qui évidemment était d’inspiration communiste, était destinée non pas à la propagande mais à mon édification personnelle. Il est évident que Madame Lalet était au courant de la présence de ces tracts ou brochures à notre domicile commun [contredisant ses dires], mais, à ma connaissance, elle n’en a pas pris lecture. » « En ce qui concerne tous les documents placés sous vos autres scellés, ces documents ayant trait à mon activité politique, je refuse de m’expliquer. »
Raoul Bey reconnait avoir accepté de participer à l’activité clandestine du PC et avoir su à quel usage le papier entreposé était destiné. Les inspecteurs le placent devant la double évidence de la lettre reçue de sa compagne, et de celle destinée à son “contact” pour lui indiquer où et comment récupérer le stock de papier. Concernant ce dernier billet, Raoul Bey déclare l’avoir laissé sur la table du logement de l’impasse Dombasle en l’absence de sa compagne, d’où il est reparti en remettant les clés à leur logeuse, et ne pas savoir comment le message est arrivé en possession de Robert F., qu’il affirme ne pas connaître. De même, il déclare que Madeleine Castille ignorait que le visiteur inconnu d’elle était membre du Parti communiste. Sur interpellation des inspecteurs, Raoul Bey déclare : « Parmi les membres de la famille Castille, seul le jeune Pierre Castille, frère de ma maitresse, était au courant du dépôt de papier que j’avais effectué à l’insu de ses parents. » Le frère et le père de celui-ci ayant déjà subit la répression, et le patronyme et l’adresse familiale ayant été dévoilés par le billet, on peut se demander si Raoul Bey n’a pas désigné Pierre Castille en raison de son jeune âge (17 ans), qui pouvait peut-être l’exonérer de poursuites…
Mais, quand il est interrogé à son tour le lendemain 9 avril, dernier jour de la procédure, Pierre Castille réfute totalement sa mise en cause par Raoul Bey, déclarant n’avoir découvert le stock de papier dans la maison familiale que lorsque sa mère lui a demandé de déplacer celui-ci de la cave au grenier, et ignorant donc « qui l’avait déposé à cet endroit. […] En ce qui me concerne, jamais Lagarrigue ne m’a avisé que quelqu’un viendrait de sa part pour prendre le papier en question. D’ailleurs, je ne fréquentais que peu l’ami de ma sœur et j’ignorais tout de lui. » Lorsque les inspecteurs les mettent en présence, chacun maintient sa version des faits…
Lors de leur confrontation, Raoul Bey et Robert F. persistent à dire qu’ils ne se connaissent pas, et maintiennent également toutes leurs précédentes dénégations et affirmations.
Le 9 avril, Bernard Castille, alors employé de bureau, est auditionné comme témoin, au même titre que Jeanne G. et que la mère de Jeanne et Robert F. Brièvement interrogé (peut-être en raison de sa surdité), Bernard Castille déclare alors : « Je savais que ma sœur Madeleine vivait en concubinage avec le sieur Lagarrigue. Ce dernier m’avait été présenté à la fin de l’année écoulée et il avait même été hébergé chez mes parents durant un certain temps. Ma sœur ne m’a donné aucune explication quant à la situation de son ami. Je savais simplement que celui-ci ne travaillait pas. Depuis que ma sœur habitait avec Lagarrigue, elle ne venait que rarement à la maison. [Sur interpellation :] J’ignorais absolument le dépôt de papier qui avait été fait à notre domicile. Je suis absent de la maison toute la journée […] Je ne me livre à aucune activité politique et jamais ma sœur Madeleine ne m’a parlé que son ami Lagarrigue était un militant communiste. »
Bernard Castille n’est pas inculpé et semble effectivement ne faire l’objet d’aucun soupçon d’activité clandestine ; relaxé, il quitte librement la préfecture, comme Jeanne G. et Madame F. mère.
Ce 9 avril, le chef de la brigade spéciale inculpe Jeanne et Robert F., Eugénie Lalet, Raoul Bey, Madeleine et Pierre Castille d’infraction au décret du 26 septembre 1939, et les fait conduire au dépôt de la préfecture de police « à disposition de Justice ».
Le 28 avril suivant, Bernard Castille est arrêté une nouvelle fois à son domicile par des policiers français et des Feldgendarmes, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée dans le département de la Seine par les « autorités d’occupation », avec le concours de la police française et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une poursuite policière ou judiciaire et ayant été libérés, soit après avoir bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’un sursis, soit après avoir fini de purger une courte peine, parmi lesquels beaucoup de jeunes gens. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Bernard Castille est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le 15 septembre, l’administration militaire allemande du camp de Royallieu enverra à ses parents une carte-formulaire en allemand indiquant que « (…) le détenu Castille Bernard a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… ».
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Bernard Castille est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45341, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel Bernard Castille se déclare employé de bureau (Büroangestellte) et sans religion (Glaubenslos). Puis tous sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Bernard Castille.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [6]). Il a 20 ans. L’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) indique pour cause mensongère de sa mort « entérite avec infection » (Septischer Darmkatarrh).
Entre temps, le 21 juillet 1942, la section spéciale de la Cour d’appel de Paris a cinq des six inculpés de l’« affaire F. Jeanne » (le cas de Raoul Bey étant disjoint, pour un motif à vérifier ; son état de santé ?). Madeleine Castille est condamnée à deux ans d’emprisonnement et 1200 francs d’amende. Pierre Castille, 17 ans, « considéré comme mineur ayant agit sans discernement [est] acquitté, mais confié jusqu’à sa majorité à une institution publique d’éducation surveillée » ; le père de Pierre Castille, déclaré civilement responsable, est probablement condamné aux dépends.
Madeleine Castille a d’abord été écrouée à la prison pour femmes de la Petite-Roquette (Paris 11e). Le 22 juillet, après la décision de la section spéciale de la cour d’appel, elle est conduite au quartier de femmes de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). En août, elle est transférée à la maison centrale pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine). Elle est libérable à l’expiration de sa peine le 10 avril 1944, mais, dès le 2 mars, le préfet de police signe un arrêté ordonnant qu’elle soit « astreinte à résider dans un centre de séjour surveillé » en application du décret du 18 novembre 1939 (en même temps que Jeanne F.). Le 5 mai, elle est remise aux autorités d’occupation et transférée au camp allemand du fort de Romainville. Madeleine Castille fait partie du transport de 567 femmes parti de Paris, gare de l’Est, le 13 mai 1944 et arrivé au KL Ravensbrück cinq jours plus tard, le 18 mai (matricule 39145). Avec 150 détenues de son convoi, dont Jeanne F., elle est transférée au Kommando de Zwodau, dépendant du KL Flossenburg, créé sur le territoire de l’ancienne Tchécoslovaquie pour la firme Siemens (industrie de guerre). Libérée le 8 mai 1945 à Falkenhau par l’avancée de l’armée américaine, Jeanne F. est ramenée en France via le centre de rapatriement de Mézières le 17 ou 19 mai 1945.
Le 19 novembre 1945, sur un papier à en-tête de la Fédération nationale des déportés et internés patriotes/Amicale d’Auschwitz, Madeleine Dechavassine, secrétaire générale de l’amicale, signe un certificat selon lequel Bernard Castille serait décédé dans ce camp, ainsi que l’attestent les témoignages de Lucien Matté, de Paris 12e, et de Raymond Saint-Lary, de Fresnes, rescapés du convoi du 6 juillet 1942.
Après guerre est créé le Cercle Bernard Castille de Bois-Colombes de la Jeunesse républicaine de France, siégeant au 90, rue Pierre-Joigneaux, adresse de son secrétaire général, Pierre Castille ; Madeleine (devenue épouse Sotorra) en est la présidente (selon un rapport de police daté d’avril 1946).
Maurice Castille, le père, décède à Bois-Colombes le 17 décembre 1947, âgé de 51 ans.
Dans une attestation datée du 14 juin 1957, Eugénie Lalet désigne « Jean Lagarigue » comme un “indicateur” ayant donné à la police l’adresse de sa compagne (?), présentation des faits reprise dans l’attestation établie le 17 septembre 1957 pour Madeleine Castille-Sotorra par le liquidateur du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France.
Le 20 juin 1957, quand elle complète – pour elle-même – le formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) de demande du titre de déporté-résistant, à la rubrique « personnes impliquées dans la même affaire », Madeleine Castille-Sotorra, mentionne ses deux frères, ainsi que Robert et Jeanne F., et Eugénie Lalet, mais pas du tout Raoul Bey, ni les adresses de l’impasse Dombasle et du pavillon de Crosnes. À la rubrique « Circonstances », elle écrit : « après filature sur dénonciation, une perquisition à mon domicile permit à la police la découverte de matériel d’imprimerie clandestine ». À la rubrique, « Renseignements relatifs à l’acte qualifié de résistance à l’ennemi qui a été la cause déterminante de […] la déportation », elle complète : « À notre domicile, 90 rue P.-Joigneaux Bois-Colombes, était caché du matériel d’imprimerie, tracts et journaux à reproduire, un stock de papier. Ceci découvert par la police entraîna l’arrestation de mes frères et moi ». Les survivants de l’affaire – Madeleine et Pierre Castille, Eugénie Lalet et Jeanne F. – rejettent-ils tous la “faute” sur Raoul Bey, qui a nommément impliqué Pierre Castille, qui n’est pas passé devant la section spéciale de la Cour d’appel en même temps que ses co-inculpés et qui a, pendant un temps, échappé à la détention ? (voir note n° 2)
Lors du recensement de 1954 à Bois-Colombes, la famille a changé d’adresse.
Aucun membre de la famille ne semble avoir demandé pour Bernard Castille l’attribution du titre de déporté politique ou de déporté résistant…
Notes :
[1] Bois-Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Raoul Bey : né le 4 décembre 1913 à La Tronche, près de Grenoble (Isère). Comptable, il est parti combattre en Espagne en octobre 1936, incorporé dans la 12e Brigade internationale Garibaldi, il a été très sérieusement blessé à la tête, hospitalisé, trépané sept fois. Le 1er septembre 1939 en mairie de Marignane, il s’est mariée avec Jacqueline Duciel, qui mourra sans avoir d’enfant. Bien que d’abord réformé par l’armée française, il a tout de même été mobilisé en octobre suivant par la commission de réforme de Marseille et affecté au dépôt militaire 145 bis à Montélimar (Drôme), avant d’être démobilisé le 20 juin 1940. En février 1941, la police française l’a arrêté à Marignane (Bouches-du-Rhône) pour son implication dans une affaire de propagande communiste clandestine. Incarcéré à la prison d’Aix-en-Provence, il en a été libéré en raison de son état de santé. Condamné par contumace à sept ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Marseille, il s’est alors réfugié dans l’illégalité en région parisienne, vivant d’abord en hôtels.
Surviennent la deuxième affaire d’avril 1942 et sa nouvelle inculpation… Une notice rédigée au cours de ce mois tempère : « Il semble que son rôle se soit borné à assurer des liaisons et à transporter du matériel servant à l’impression et à la diffusion de tracts. » Le 13 mai suivant, la Justice prononce un ordre de “main levée”, mais la police estimant qu’il est susceptible de reprendre une activité clandestine, le préfet de police signe dès le lendemain, 14 mai, l’arrêté ordonnant son internement administratif, conformément à la procédure d’urgence prévue par la circulaire ministérielle du 11 février 1942. Le 5 juin, il fait partie d’un groupe de détenus du dépôt transféré au Centre de séjour surveillé de Voves, au sud de Chartres (Eure-et-Loir). Le lendemain, 6 juillet, le juge d’instruction Angéras demande à savoir dans la journée, par téléphone, si Raoul Bey est actuellement libre où s’il est dans un camp. Le 24 juillet, le ministère de l’Intérieur téléphone au préfet de police pour l’aviser que « L’état de santé de Bey est incompatible avec le séjour au camp et nécessite un envoi dans un établissement psychiatrique ». Le même jour, les RG rédigent un rapport se concluant par : « La libération de Bey ne semble pas opportune actuellement, toutefois, en raison de son état de santé, la préfecture de police ne s’oppose pas à ce qu’il soit transféré dans un établissement hospitalier ».
Le 31 juillet, le préfet d’Eure-et-Loir télégraphie au préfet de police pour l’informer que le docteur Brault, médecin traitant à l’hôpital de Chartres (peut-être en consultation au camp…), a prescrit le transfert de Raoul Bey à l’hospice de la Salpétrière et celui du détenu André Rabataud (né le 24 juillet 1900 à Paris 10e) à l’hôpital Curie, 12 rue Lhomond à Paris, et l’informe qu’il a organisé ce transfert avec la gendarmerie pour le vendredi 7 août. Le 1er août, les RG concluent un nouveau rapport par : « Il est impossible à la direction générale des Renseignements généraux d’assurer la surveillance de Bey au cas où celui-ci serait transféré dans un établissement hospitalier du département de la Seine. En conséquence, si les soins nécessités par l’état de santé de Bey ne peuvent lui être donnés dans un hôpital de Chartres, il y aurait lieu d’envisager en sa faveur la procédure de mise en liberté conditionnelle. » Le 3 août, le préfet de police écrit au secrétaire d’État à l’Intérieur dans les territoires occupés « Huit inspecteurs seraient nécessaires par jour pour exercer une surveillance efficace sur ces malades. Dans l’impossibilité où je me trouve de pouvoir distraire un tel nombre d’inspecteurs de mes services, surchargés par les tâches nombreuses et lourdes qui leur sont imposées dans les circonstances actuelles, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien envisager la libération, pour une durée de trois mois, des nommés Bey et Rabataud. » Le 4 août, le préfet délégué du ministre, secrétaire d’état à l’intérieur dans les territoires occupés transmet des instructions au préfet d’Eure-et-Loir, et, le 6 août, celui-ci suspend pour trois mois la mesure d’internement ; « au terme de ce délai, le cas de l’intéressé devant être soumis à un nouvel examen ». Le lendemain, 7 août, à 11h42, les deux détenus arrivent en gare avec leur escorte, et vers 12h45 dans leurs hôpitaux respectifs. Le 10 août, le directeur des RG écrit au directeur de la Salpétrière pour l’informer que le patient transféré pour traitement dans son établissement doit « être considéré comme malade libre », en demandant cependant à être aviser de la date à laquelle il quittera l’hôpital. Raoul Bey est soigné (au service neuropsychiatrique ?) du 8 août au 18 septembre. À cette date, alors qu’il loge au 34, rue Borrégo, à Paris 20e, il ne peut se rendre à une convocation dans les bureaux des RG, une Mademoiselle Desmonts (?) envoyant le lendemain un “pneumatique” à la préfecture, 2e étage, bureau 525, indiquant que Raoul Bey « s’excuse de ne pouvoir venir lui-même, étant fatigué ». Au cours de ce même mois, après avoir dû signer une attestation pré-imprimée par laquelle il déclare désapprouver « l’action communiste clandestine sous toutes ses formes » (formule standardisée de l’administration), Raoul Bey est laissé libre, mais avec obligation de “pointer” à la préfecture de police deux fois par mois. Selon une note des RG, il serait question qu’il retourne à la Salpétrière, son état de santé paraissant par ailleurs lui interdire « pour le moment une activité quelconque »…
Mais Raoul Bey revient finalement en Eure-et-Loir, pour travailler chez un agriculteur du hameau de Teneville, sur la commune de Bouglainval. Cependant, au bout de quelques jours passés dans cette ferme, il doit être hospitalisé à Chartres. Le 30 octobre, le préfet d’Eure-et-Loir écrit au secrétaire d’état à l’Intérieur pour l’informer que la mesure de liberté provisoire de Raoul Bey arrive à son terme le 7 novembre suivant, ajoutant que, selon les termes d’un certificat médical qui lui a été remis, « les plus grands ménagements sont encore nécessaires à son égard », et posant la question de savoir si une mesure de libération définitive est envisageable ou s’il faut lui accorder trois mois supplémentaires de liberté conditionnelle. Le 11 novembre, le service des RG, consulté pour avis, constate : « Bey paraît avoir respecté l’engagement pris par lui de s’abstenir de toute activité politique illégale et il semble, en raison de son état de santé, qu’une mesure de libération définitive pourrait intervenir en sa faveur », sachant qu’« il doit être admis prochainement dans un établissement hospitalier pour y subir une opération chirurgicale »… Avis positif transmis le lendemain par le préfet de police au secrétaire d’état à l’Intérieur. Le 25 novembre 1942, le préfet d’Eure-et-Loir rapporte définitivement la mesure d’internement, non sans en informer le bureau de Chartes de la Sicherheitspolizei (SD, police de sécurité, “Gestapo”). Le 7 décembre, le directeur de cabinet du préfet de police transmet ampliation de cet arrêté au directeur des RG, à charge pour lui d’en assurer la notification à l’intéressé, ce qui est chose faite le 18 décembre, une copie de l’arrêté lui étant remise. Mais la répression de l’occupant rattrape Raoul Bey : à une date restant à préciser, il est arrêté puis conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne. Le 21 mai 1944, il est dans le transport de 2004 hommes (dont la moitié mourra en déportation) déportés en wagons à bestiaux au KL Neuengamme. C’est dans ce camp qu’il disparaît, dans des conditions et à une date inconnues ; probablement très tôt, si l’on considère sa santé fragilisée (survit-il même aux trois jours du transport ?).
[3] Jeanne, Marie, F. : née le le 20 novembre 1920 à Paris 14e, domiciliée chez ses parents à Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis). Même si sa jeunesse et son manque d’expérience politique sont à sa décharge face à sa hiérarchie et aux policiers, est-il possible de la désigner par son patronyme (le même que son frère résistant), au risque de l’opprobre, dans la mesure où c’est elle qui déclenche l’affaire, en mettant en cause Eugénie Lalet, compagne de celui-ci, comme commanditaire de la reproduction du tract clandestin ? D’autant qu’elle maintient catégoriquement cette affirmation lors des interrogatoires et confrontations conduites par les inspecteurs de la brigade spéciale (veut-elle ainsi protéger son frère ?). Une présentation “elliptique” des faits empêche de comprendre leur enchainement… Elle est détenue à la prison pour femme de Rennes en même temps qu’Eugénie Lalet. À une date restant à préciser, elle est conduite au camp allemand du fort de Romainville. Le 13 mai 1944, elle est dans le transport de 567 femmes parti de Paris, gare de l’Est, déportées en wagons à bestiaux à destination du KL Ravensbrück où elle est immatriculée sous le n° 39150. Avec environ 150 autres femmes, elle est rapidement est transférée au Kommando de Zwickau, dépendant du KL Flossenbürg. Elle survit à la déportation.
[4] Eugénie (“Ninette”) Lalet : née Lory le 9 février 1923 à Lambezellec (Finistère). À la fin de sa scolarité secondaire, elle obtient le baccalauréat et commence des études de Philosophie à Paris. Le 26 octobre 1940, à la mairie du 3e arrondissement, elle se marie avec Claude Lalet (20 ans), lui aussi étudiant. Elle milite avec lui au sein d’un groupe de propagande dans le milieu étudiant (voir Olivier SOUEF – 46109). Un mois plus tard, le 25 novembre 1940, elle est arrêtée avec son mari lors d’un rendez-vous clandestin. Le 1er mars 1941, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine juge les protagonistes de l’affaire, condamnant Claude Lalet à dix mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (activité et propagande communiste), peine qu’il finit de purger à l’établissement pénitentiaire de Fresnes. Le 5 mai, la cour d’appel de Paris condamne Eugénie Lalet à six mois d’emprisonnement, à l’expiration desquels elle est relaxée. De son côté, ayant purgé sa peine, Claude Lalet n’est pas libéré mais conduit en internement administratif au camp de Choiseul à Châteaubriant (Loire-Atlantique). Le 22 octobre, il fait partie des otages fusillés en représailles de l’attentat commis contre le Feldkommandant Karl Hotz à Nantes par de jeunes résistants communistes. Surviennent la deuxième affaire et sa nouvelle inculpation… Eugénie Lalet est écrouée à la prison pour femmes de la Petite-Roquette (Paris 11e). Traitée depuis des années pour une affection au cœur et des nerfs, elle demande à être examinée par un médecin. Celui-ci constate un début de grossesse sans « aucune complication véritable », concluant qu’elle peut « facilement être soignée à l’infirmerie de la Roquette » et en cas d’aggravation « à l’infirmerie de Fresnes ». Le 20 juillet 1942, Eugénie Lalet comparaît devant la Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris, en compagnie de Robert et Jeanne F., et de Madeleine et Pierre Castille. Elle est condamnée à quatre ans de prison et mille deux-cents francs d’amende pour exactement le même infraction. Elle est transférée à la prison pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine). Le 4 décembre 1942, peut-être dans une maternité de la ville, elle met au monde Claude, le garçon qu’elle a conçu (à la veille de son arrestation ?) avec Robert F. Le 14 janvier 1943, mère et nouveau-né intègrent le quartier de la prison réservé des “nourrices”, une grande pièce commune, où se trouvent déjà cinq autres mères et leurs enfants. Elles y sont rejointes le 25 septembre 1943 par Lise Ricol (London). Malgré sa propre détention, Robert F. obtient de pouvoir reconnaître officiellement son fils. Le 17 mai 1944, avec les autres mères, Eugénie Lalet fait partie des détenues remises à une escorte militaire allemande pour leur transfert en train (via la gare de Rennes et la gare Montparnasse) au camp du fort de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis) ; la veille, leurs bébés leur ont été retirés (clandestinement pris en charge par une habitante pendant quelques jour, Claude sera finalement confié à sa grand-mère). Le 30 mai 1944 , sa mère est dans le transport de cinquante-neuf femmes parti de Paris, gare de l’Est, dans des wagons de voyageurs aux fenêtres grillagées, à destination du camp de Neue Bremm (Sarrebruck) par lequel elles transitent. Le 13 juin 1944, elles sont transférées au KL Ravensbrück (au nord de Berlin), puis, de là, au Kommando de travail de Leitmeritz (Tchécoslovaquie), dépendant du KL Flossenburg ; matricule 42189. Eugénie Lalet est libérée au cours du mois de mai 1945 et retrouvera son fils. En novembre 1960, celui-ci se verra reconnaître le statut d’« interné politique ».
[5] Robert F. : né le 12 octobre 1917 à Aix-en-Provence. Ingénieur diplômé des Arts et Métiers promotion 1935, effectuant son service militaire dans le 2e Régiment du Génie, à Metz, au moment de l’entrée en guerre, il a été démobilisé avec le grade de sergent en septembre 1940. Le 9 octobre suivant, il a été interpellé alors qu’il suspendait des drapeaux rouges ornés de la faucille et du marteau aux arbres du boulevard Auguste-Blanqui à Paris 13e : cinq drapeaux ont été saisis dans sa musette. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (activité en faveur du parti communiste interdit). Le 16 octobre 1940, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine l’a condamné à dix mois d’emprisonnement. Il a été transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines). Le 3 août 1941, à l’expiration de sa peine, il a été libéré. Il a trouvé du travail en qualité d’ingénieur à l’Office de Répartition des machines-outils 1 rue Lord-Byron à Paris 8e. Surviennent la deuxième affaire d’avril 1942 et sa nouvelle inculpation… Il est écroué à la maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 20 juillet 1942, la Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris lui inflige la condamnation la plus lourde : dix ans de travaux forcés. Le 14 septembre, il est transféré à la Maison centrale de Fontevrault (Maine-et-Loire), réservée aux détenus ayant été condamnés à plus de sept ans de travaux forcés (numéro d’écrou 2306). Le 17 septembre 1943, il transféré à la Maison centrale de Blois (Loir-et-Cher). Le 17 février 1944, il est remis aux autorités d‘occupation et interné au camp de Royallieu à Compiègne. Le 28 février de cette année, il est dans le transport de 49 détenus “NN” partant de Paris, gare de l’Est, dans des wagons de voyageurs aux fenêtres grillagées accrochés au train d’une ligne régulière à destination du Reich. Après une détention d’un mois au camp de transit de Neue Bremm, à Sarrebruck, les mêmes sont transférés au KL Mauthausen, où Robert F. est enregistré sous le matricule n° 60737. Il fait ensuite partie des quinze hommes dirigés sur le Kommando de Gusen. Il parvient à passer de Gusen II – où sont creusées des galeries souterraines permettant d’y protéger des chaînes de montage d’avions de chasse – à Gusen I, où il est affecté comme tourneur à l’usine Messerschmitt. Très affaibli, il est admis à l’infirmerie. Il meurt le 5 mai 1945 (à vérifier…), jour de la libération du camp par l’armée américaine.
[6] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
[7] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 380 et 398.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
Archives communales de Bois-Colombes : déclaration des déportés, recensement de 1946 (recherches de Benjamin Doizelet, 04-2008).
Site du Maitron en ligne : Daniel Grason, notice LALET Eugénie…, http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article186233 ; Jean-Pierre Besse, Alain Monchablon, Claude Pennetier, notice LALET Claude, http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article89682 ; Daniel Grason, notice F. Robert, http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article186272 ; Daniel Grason, notice BEY Raoul, http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article138411
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier de la BS1, “affaire F.” (GB 63) ; dossiers individuels de Raoul Bey (1 W 420-6819 et 77 W 234-141998).
Livre Mémorial de la FMD : transport I.212, pages 629-630 et 634 (Thomas Fontaine) ; Raoul Bey, transport I.214, pages 658-659 et 667 (Thomas Fontaine, Gérard Fournier, Guillaume Quesnée).
Site Mémoire de Guerre.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 159 (31554/1942).
Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Bernard Castille (21 P 433 967), recherches de Ginette Petiot (message 01-2018) ; dossier de Madeleine Castille-Sotorra (21 P 676 785).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 1-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.