Camille, Léopold, Delattre naît le 11 juin 1904 à Paris 14e, à la maternité de Port-Royal (123, boulevard de Port-Royal), fils de Léon Delattre, 36 ans, cartonnier, et de Léonide Pichide, 32 ans, cartonnière, son épouse, domiciliés au 20, rue du Parc, à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne / Seine).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 12, rue Botzaris à Paris 19e, à l’extrémité sud du parc des Buttes-Chaumont.
Camille Delattre est menuisier. Il est célibataire.
Le 6 mars 1941, lors d’une vague de perquisitions aux domiciles de militants communistes, il est arrêté par des policiers du commissariat du quartier Combat pour détention de tracts en vue de leur distribution. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est conduit au dépôt, à la disposition du Procureur de la République. Le jour même, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).
Le lendemain 7 mars, le Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois d’emprisonnement. Le 13 mars, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne).
À une date restant à préciser, il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).
Le 12 juillet, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise 21 notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 26 juillet, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux.
Le 29 août, à l’expiration de sa peine, Camille Delattre est remis en liberté. Mais, la police le considère comme un « agent très actif de la propagande communiste clandestine »
Le 19 septembre, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Le jour même, Camille Delattre est conduit au dépôt de la préfecture de police (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité) en attendant son transfert dans un camp ; en même temps qu’André Amarot et Léon Lecomte, également libérés de Poissy au mois d’août précédent.
Le 9 octobre 1941, Camille Delattre fait partie des 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt – 20 venant de la caserne des Tourelles – transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Camille Delattre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45436 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Camille Delattre se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Camille Delattre.
Il meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 25 du 30-01-2008).
Notes :
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France :
Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Camille Delattre, c’est le 15 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 401.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 14e arrondissement, année 1904 (14N 358), acte n° 5144 (vue 8/31).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cartons “Parti communiste” : chemise “1941, perquisitions particuliers” (BA 2447) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 0667-19081) ; registre des consignés provisoires au Dépôt, mai 1941-mars 1942 (C C 2-1).
Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W69).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 61.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 218 (34123/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 14-04-2019)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.