Camille Watremez naît le 19 mars 1907 à Saint-Denis [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils de Jules Watremez et de Sélina Deloffre, son épouse.
Le 27 décembre 1930 à Paris 12e, Camille Watremez se marie avec Amélie Frattoni, née le 12 octobre 1912 à Paris 11e, couturière. Le jeune marié habite alors au 16, rue Géroux à Pierrefitte-sur-Seine [1] (93). Ils auront un enfant âgé de huit ans en 1942.
Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 2, rue Maurice-David à Pierrefitte.
Camille Watremez est ajusteur outilleur. Pendant un temps, il travaille à la société de Construction mécanique de Stains [1] (93). À partir de 1928, il est chef d’équipe outilleur d’aviation. De 1936 à 1939, il est adhérent au Syndicat des Techniciens d’aviation.
Il adhère au Parti communiste en 1937, selon sa déclaration ultérieure.
C’est un sportif : coureur cycliste, il est président de l’Étoile sportive de Pierrefitte.
Pendant la guerre 1939-1940, Camille Watremez est mobilisé comme affecté spécial à la Société des Ateliers de mécanique et de chaudronnerie au 5, rue Pleyel à Saint-Denis.
Sous l’occupation, la police française le considère comme un « militant communiste actif », le désignant comme « un des principaux organisateurs de la propagande communiste clandestine parmi les chômeur de Pierrefitte » : membre du comité clandestin des chômeurs, Camille Watremez dépose un cahier de revendications à la mairie.
Le 26 octobre 1940, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, parmi 38 personnes visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”), en application des décrets du 18 novembre 1939 et du 3 septembre 1940. Le jour-même, Camille Watremez est appréhendé à son domicile par la Brigade spéciale des Renseignements généraux et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Le 7 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Camille Watremez, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’exprime pas son avis mais constate que cet interné est « resté communiste, mais paraît peu dangereux », ajoutant à sa décharge : « attitude très correcte – travaille régulièrement – excellent esprit – dévoué ».
Pourtant, le 24 juin, Camille Watremez fait partie d’une trentaine de « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet (Yvelines), à la suite d’ « actes d’indiscipline » collectifs.
Le 27 septembre, il est parmi les 23 militants communistes de la Seine transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne ; il est assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [2]), 2e étage, chambre 9, lit 83.
Le 28 avril 1942, Camille Watremez signe une demande de libération dans laquelle il déclare abandonner son engagement politique antérieur, document que le chef du camp de Gaillon transmet au préfet de l’Eure avec un avis favorable.
Mais, le 4 mai, Camille Watremez fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 322, il n’y reste que deux semaines.
- Entrée du camp de Voves.
Date inconnue, probablement après mars 1943.
- Musée de la Résistance Nationale, Champigny.
Fonds de l’Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.
Droits réservés.
Le 20 mai, il fait partie des 28 détenus que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Camille Watremez est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Camille Watremez est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46207 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Camille Watremez.Il meurt à Auschwitz le 18 août 1942, selon l’acte de décès établi par l‘administration SS du camp (Sterbebücher) ; quarante jours après l’arrivée de son convoi.
Dès la fin de la guerre, la section cycliste de l’Union sportive de Pierrefitte organise un “Grand prix Camille Watremez”.
Le 21 janvier 1946, en s’appuyant sur les témoignages de Fernand Devaux et Camille Nivault, Madeleine Dechavassine (“31639”), secrétaire de l’Amicale d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie signe un certificat attestant du décès de Camille Watremez à Auschwitz. Dans la déclaration qu’il signe le 29 août 1945, Camille Nivault date la mort de son camarade au mois d’octobre.
En novembre 1955, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre, envoie à sa veuve, comme ayant cause, sa carte de déporté politique (n° 117507979).
Le nom de Camille Watremez est inscrit sur le Monument aux morts de Pierrefitte-sur-Seine, situé dans le cimetière communal.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 24-03-2002).
Sources :
Roger Arnould, article paru dans le journal de la FNDIRP, Le Patriote Résistant, n° 511, mai 1982.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 423.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, révision trimestrielle (1w74), dossier individuel (1w159).
Archives départementales de l’Eure, Évreux : archives du camp de Gaillon, cotes 89W4, 89W11 et 89W14 ; recherches de Ginette Petiot (message 09-2012).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1305 (22298/1942).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Camille Watremez, cote 21 P 549.430, recherches de Ginette Petiot (message 10-2012).
Site Mémorial GenWeb, 93-Pierrefitte-sur-Seine, relevé d’Alain Claudeville (10-2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-02-2013)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine et Stains : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardoin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.