JPEG - 77.1 ko
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Charles, Fernand, Désiré, Del-Nero naît le 1er mai 1898 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais – 62), fils de Domenico Del Nero et d’Augustine Yvart, son épouse (le patronyme familial a été orthographié de différentes façons, pour le franciser). Charles a – au moins – un frère.

Il commence à travailler comme coiffeur.

Le 17 avril 1917, il est incorporé au 23e régiment d’infanterie coloniale. Le 14 décembre, il est évacué sur l’hôpital de Versailles (motif inconnu), d’où il sort le 12 janvier suivant pour dix jours de convalescence. Le 15 février 1918, il passe au 4e R.I.C., qui est dans la zone des combats. Du 1er juin au 4 juillet, il est à l’hôpital de Boulogne-sur-Seine. Le 2 août suivant, il passe au 412e régiment d’infanterie et remonte au front. Le 2 mars 1919, il passe au 45e R.I.C. Le 11 mai 1919, il passe au 45e R.I. Le 22 mai 1920, il est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En juin 1918, la Commission de réforme d’Amiens le propose pour une pension temporaire d’invalidité de 10 % pour « murmure vésiculaire diminué dans l’ensemble des deux poumons en arrière, inspiration un peu rude en avant, quelques sous-crépitements discrets ».

Le 29 décembre 1919, à Mons-en-Laonnois (Aisne), alors qu’il est encore soldat à la compagnie P.G. n° 937, Charles Del Néro se marie avec Marguerite Fourna, née le 1er septembre 1899 dans cette commune. Ils auront deux fils : Raymond, né le 20 octobre 1920, et Roger, né le 17 avril 1932.

En mai 1921, la famille habite à Molinchart, village situé 7 km à l’ouest de Laon. En mai 1922 et juillet 1923, elle est installée à Mons-en-Laonnois (Aisne – 02).

Au moment de son arrestation, Charles Del-Nero est domicilié au 6, rue du Réservoir à Villeneuve-Saint-Germain (Aisne – 02).

Il est coiffeur, dans une boutique située au 26 ou au 28, avenue de Reims à Soissons. Le 8 février 1935, le tribunal de commerce de Soissons le déclare en état de liquidation judiciaire (quelles circonstances ?)

Ses amis le surnomment « Charlot ».

Militant communiste, Charles Del-Nero est candidat du Parti à une élection législative (à préciser…).

Le 22 novembre 1939, après la déclaration de guerre, il est réformé n° 2 par la commission de Soissons pour « emphysème, sclérose pulmonaire et obésité » ; il n’est probablement pas mobilisé.

Sous l’occupation, il est actif au sein du Parti communiste clandestin. Ultérieurement, Albert Legaie, responsable départemental des FTPF de 1943 à 1944, certifie sur l’honneur que, sous ses ordres, Monsieur Dolnéro [sic] Charles est « chargé de distribuer des tracts anti-allemands et de récupérer des armes en vue d’actions directes ».

Le 31 août 1941, le commissaire de police de la ville de Soissons écrit au préfet de l’Aisne, à Laon, pour lui transmettre « la liste de communistes notoires qui seront pris comme otages, par la Kreiskommandantur de Soissons, au cas où des incidents surviendraient dans la Ville ». Charles Del Nero est le quatrième des neuf hommes désignés, avec trois autres futurs “45000” : Léon Busarello, Jean Guier et Émile Maillard.

Le 19 septembre, le commissaire de Soissons transmet au préfet une liste de 240 « individus ayant appartenu comme militants ou sympathisants à l’ex-parti communiste de Soissons et de la région. Les plus mauvais sont marqués DANGEREUX », ce qui est le cas de Charles Del-Nero.

Le lendemain, 20 septembre, le commissaire principal des Renseignements généraux de Laon transmet au préfet une liste des « communistes notoires » des plusieurs localités du département « qui semblent continuer leurs agissements anti-nationaux ». Charles Del-Nero est parmi les dix-neuf hommes désignés pour Soissons et sa région.

Le 29 septembre, à Courmelles, « banlieue de Soissons », une sentinelle allemande de garde à la porte de la Standortkommandantur est attaquée.

Dans la nuit du 29 au 30 septembre, vers 0h30, Charles Del-Nero est arrêté chez lui par la Feldgendarmerie, pris comme otage en représailles avec 17 autres militants communistes du secteur dont Léon Durville, qui sera fusillé le 21 février suivant, Gabriel Duponchelle, de Villeneuve-Saint-Germain, serrurier, Henry Malheurty, gérant des bains municipaux de Soissons, Léon Busarello, Jean Guier et Émile Maillard ; une arme a été trouvée chez un militant communiste de Courmelles, Gaston Pinot [1]. Les 18 hommes sont d’abord conduits à la caserne Charpentier de Soissons.

Tous sont rapidement internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Charles Del-Nero y est enregistré sous le matricule n° 1603.

Au soir du 20 février 1942, il assiste probablement au départ de Léon Durville la veille de son exécution (à Carlepont, Oise). En effet, dans sa dernière lettre – transmise à André Malheurty, mais dans laquelle il s’adresse à plusieurs copains – le condamné écrit : «  Dis aussi à Cotin qu’il me pardonne mes moments de mauvaise humeur et aussi à toi, mon pauvre Charlot […] Je sais que Charlot va être affecté, mais j’ai eu le bonheur de vous embrasser  ».

Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Del-Nero est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de marchandises de Compiègne et entassés dans des wagons à bestiaux. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

JPEG - 128.9 ko

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Charles Del-Nero est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45449 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Charles Del-Nero.

Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]). La cause – mensongère – indiquée pour sa mort est « pneumonie » (Lungenentzündung).

Une fiche de recherche portant la date du 31 mai 1945 indique qu’André Faudry, de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), a fourni ou peut fournir des renseignements. Georges Gourdon, de Creil, (Oise) a par ailleurs également attesté de sa disparition « en septembre 1942 ».

Le 29 novembre 1946, Marguerite Del-Néro remplit un formulaire de demande d’établissement d’un acte de décès pour son mari avec l’attribution de la Mention “Mort pour la France”. Quand le dossier passe entre les mains du directeur départemental du ministère, le 26 février 1947, la date exacte en est connue, une copie de l’acte de décès du camp étant parvenue en France.

Le 8 avril 1955, Madame Del-Néro remplit un formulaire de demande du titre de Déporté Résistant. Après refus de la Commission nationale, le 18 mai 1956 – « La relation de causalité qui doit exister entre l’activité résistante alléguée et la détention n’a pas été établie » / « Le lien de cause à effet entre la déportation et l’acte de résistance invoqué n’a pas été établi » -, le ministère établit seulement, le 5 septembre suivant, une carte de Déporté politique (n° 1102.21704).

Le nom de Charles Del-Nero est inscrit sur le monument aux morts de Soissons, près de la cathédrale, œuvre du sculpteur Raoul Lamourdedieu offerte à sa ville natale par Hélène Pétrot : « A Soissons immortelle – a ses enfants tombés glorieusement pour la Patrie ».

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 22-03-1988).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 360 et 401.
- Alain Nice, La guerre des partisans, Histoire des Francs-tireurs partisans français, Histoire de la Résistance ouvrière et populaire du département de l’Aisne, édition à compte d’auteur, janvier 2012, pages 34-36, 39-42 (commande à adresser à Alain NICE – 9 rue de la Tour du Pin – 02250 BOSMONT-SERRE).
- Archives départementales du Pas-de-Calais, site internet, archives en ligne, registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1918, bureau de Saint-Omer (cote 1 R 9369), matricule 2812 (vues 479-480/769).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), doc. XLIV-25 (lettre de la Feldkommandantur 527 de Soissons), fiche d’otage.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 219.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (n° 31617/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Charles Del Nero, cote 21 P 442 271, recherches de Ginette Petiot (message 01-2014).
- Site Mémorial GenWeb, Soissons-02, relevé de Bernard Roucoulet (2000-2002).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 18-03-2015)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Gaston Pinot : le 9 octobre 1941, un avis (Bekanntmachung – texte noir sur fond jaune) de l’armée d’occupation informe la population du Soissonnais que ce forgeron (ou cantonnier) de Courmelles a été fusillé à Laon (02) pour détention d’armes. Après la Libération, le Conseil municipal de Courmelles donne son nom à la place de l’Hôtel de Ville.

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.