- IDENTIFICATION INCERTAINE…
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Charles, Victor, Jacquet naît le 2 décembre 1893 à Lyon 2e (Rhône), à l’hospice de la Charité, fils de Jeanne Jacquet, 16 ans, cuisinière, domiciliée rue des Champs (? peu lisible).
Pendant un temps, Charles Jacquet est « garçon de culture ».
Mobilisé le 5 septembre 1914 comme soldat de 2e classe au 149e régiment d’infanterie, il arrive au corps dix jours plus tard. Le 25 juin 1915, il est nommé soldat de 1ère classe. Le 6 avril 1916, il est cité à l’ordre de son régiment : « Très bon soldat, courageux, méprisant le danger, agent de liaison ayant assuré les communications pendant la période du 1er au 5 avril 1916, sous un violent bombardement ininterrompu. Toujours prêt à marcher dans les circonstances les plus difficiles. Bel exemple pour ses camarades » ; peut-être dans le secteur du fort de Vaux (région de Verdun). Le 26 septembre suivant, il est de nouveau cité : « Agent de liaison, s‘est fait remarquer par son courage et son sang froid au cours de l’attaque du 4 septembre 1916. Est allé chercher sous un feu violent deux soldats blessés et les a ramenés dans nos lignes. Soldat toujours prêt pour les missions dangereuses », peut-être lors de l’assaut français sur Soyécourt (Somme). Il reçoit la Croix de guerre, avec deux étoiles de bronze.
Le 28 mai 1917, il est nommé caporal. Un an plus tard, le 29 mai 1918, il est porté disparu : il a été fait prisonnier, probablement lors de l’offensive allemande sur l’Aisne qui bouscule les lignes françaises au Chemin des Dames (35 000 prisonniers !) ; secteur de Cuiry-House, de la croupe de Cercueil, des lisières de Lesges, et de la cote 140. Charles Jacquet est détenu à Eclasheim (Elsheim ?). Le 4 décembre 1918, il est rapatrié sur Paris. Le 8 août 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.
Le 2 mars 1918 à Paris 6e, Charles Jacquet se marie avec Élise Telhiez. En août 1919, il est domicilié au 9, rue de la Ferronnerie, dans cet arrondissement.
En décembre 1921, il demeure à Rozières-en-Haye (Meurthe-et-Moselle – 54)
Au moment de son arrestation, Charles Jacquet est domicilié à Pompey, au nord de Nancy (54), connue pour son aciérie ; son adresse reste à préciser.
- Pompey. Les aciéries en hiver. Carte postale (années 1900).
Collection Mémoire Vive.
Sa profession reste à préciser, mais il est secrétaire du syndicat CGT de l’usine de Pompey de 1936 à 1942.
Le 15 novembre 1938, au congrès national de la CGT réuni à Nantes, il est un des six délégués de Meurthe-et-Moselle, représentant la fédération des Métaux, avec Joseph Schneider et Julien Rebourg, père de Marceau Rebourg.
En 1938, Charles Jacquet est licencié avec d’autres membres du bureau du syndicat des métaux de Pompey après l’échec de la grève du 30 novembre décidée par une conférence nationale de la CGT pour protester contre l’application des décrets Daladier-Reynaud revenant sur des acquis du Front populaire.
Il quitte le Parti communiste après la signature du pacte germano-soviétique en août 1939.
Le 17 avril 1942, il est arrêté à son domicile par la Felgendarmerie et conduit à la prison Charles III de Nancy (secteur allemand ?).
- Nancy. La prison Charles III. Carte postale écrite en août 1915.
Collection Mémoire Vive.
À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Charles Jacquet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45681 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Jacquet.
Il meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [1], qui indique pour cause mensongère de sa mort « pneumonie » (Lungenentzündung).
Sur le Monument aux morts de Pompey, un nommé Jacquet V. est inscrit comme « victime civile » : est-ce lui ou un parent ? Deux Jacquet sont tués en 1914-1918 : s’agit-il de parents ?
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Charles Jacquet (J.O. du 16-07-1994).
Notes :
[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Charles Jacquet, c’est la période de juillet à septembre 1942 qui a été initialement retenue pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 127 et 128, 368 et 408.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 118 et 119, 122, 349.
Étienne Kagan, Le Maitron en ligne, dictionnaire du mouvement ouvrier, mouvement social, site internet de l’Université Paris 1.
Archives de la Ville de Lyon, site internet, archives en ligne, registre des naissances du 2e arrondissement, année 1893 (cote 2E1672), 4 décembre, acte n° 3032 (vue 96/156).
Archives départementales du Rhône (AD 69), site internet du Conseil général, archives en ligne, registre des matricules militaires de 1913, bureau de Lyon centre (cote 1 RP 1199), n° 1690 (vue 362/973).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 492 (26859/1942).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises à partir du 14 février 1967 au ministère des anciens combattants et victimes de guerre par le Service international de recherches à Arolsen, carton de G à K (26 p 841), acte n° 26859/1942.
Site Mémorial GenWeb, relevé de Michel Jacquot et Martine Mangeolle (10-2006).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 3-05-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.