Georges Decock est alors chauffeur chez Desnoyers (?).
En octobre, il réussit à s’en évader.
Le 15 octobre, la Gestapo, accompagnée d’un gendarme de Nogent-sur-Oise, arrête Charlotte dans son usine.
En bleu de travail, on l’emmène au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Il semble que Charlotte Decock soit la seule déportée de son convoi à être passée par Royallieu avant le regroupement du départ. Quelques jours après son arrivée au camp, deux policiers l’accompagnent chez elle pour qu’elle y prenne des vêtements.
Quand il apprend l’arrestation de sa femme, son mari veut se constituer prisonnier, mais la famille l’en dissuade : « Une femme, ils ne la garderont pas. »
Une autre fois, Charlotte Decock obtient la permission de sortir pour se rendre à un baptême ; elle rentre au camp une fois la cérémonie terminée.
Le 24 octobre 1942, elle est transférée au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [3] (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Charlotte Decock y est enregistrée sous le matricule n° 1075.
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [5] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26 du camp de femmes de Birkenau (B-Ia), entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
À Blrkenau, Charlotte Decock tient avec un entrain, une bonne humeur inoubliables.
En juillet 1943, elle est envoyée au Kommando agricole de Raïsko, où elle est cuisinière des SS. Elle leur vole tout ce qu’elle peut : un litre de vin, partagé en vingt-cinq, des œufs, de la farine, un bocal de porc en conserve, dont chacune a une cuillerée (faire disparaître le bocal en le pulvérisant à coups de pierre n’a pas été facile).
Le 14 août 1944, le groupe de Raïsko est transféré au KL Ravensbrück.
Le 2 mars 1945, Charlotte Decock est parmi les trente-trois “31000” transférées au KL Mauthausen où elle arrivent le 5 mars après un voyage très pénible (enregistrée sous le matricule n° 1499 ?).
Depuis Mauthausen, en les transportant de nuit, on conduit la plupart d’entre elles à la gare de triage d’Amstetten pour boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine.
Le 21 mars 1945, Charlotte Decock est tuée par un de ces bombardements, en même temps que deux autres “31000”, un mois avant la libération de son groupe.
Sa famille apprend sa mort par Berthe Falk [6], qui était ce jour-là près de Charlotte Decock et qui a été blessée.
Charlotte Decock était la seule déportée “31000” domiciliée dans l’Oise.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Nogent-sur-Oise, situé place de la République.
La mention « Morte en déportation » est apposée sur son acte de décès (JORF n° 10 du 12 janvier 2008).
Notes :
[1] Nogent-sur-Oise : la commune porte le nom de Nogent-les-Vierges jusqu’en 1906, en l’honneur de ses deux saintes patronnes, Maure et Brigide, vierges écossaises martyrisées au Ve siècle, et dont la renommée a, pendant plusieurs siècles, attiré de nombreux pèlerins.
[2] La rue de Bonvilliers : une date restant à préciser, cette voie est dénommée rue du Général de Gaulle par le conseil municipal de Nogent-sur-Oise.
[3] L’usine Brissonneau et Lotz de Montataire. À l’emplacement d’une fonderie de cuivre et d’un atelier de construction créés en 1903 rue Louis-Blanc, Marcel Brissonneau fonde une usine de construction mécanique spécialisée dans la réparation du parc ferroviaire de la Compagnie du Nord endommagé pendant la Première Guerre mondiale. À sa création, l’usine située en partie sur la commune de Creil occupe une superficie de 102 470 m², dont 5700 m² de bâtiments construits (ateliers de fabrication et bureaux) le long de la rue Louis-Blanc. Elle est desservie par un embranchement ferroviaire particulier et possède un pont transbordeur. À partir du début des années 1930, l’usine se spécialise dans la fabrication du matériel ferroviaire : wagons, voitures grandes lignes et autorails diesel-électrique. De nouveaux ateliers de fabrication et une infirmerie sont construits vers l’est et le sud sur la commune de Creil. En 1939, la production s’élargit avec la construction de bombardiers légers appelés “Léo 45” qui emploie 3000 personnes. Cette activité est transférée au début du conflit et jusqu’en juin 1940 dans les carrières souterraines de Saint-Leu-d’Esserent (reconverties plus tard en entrepôts pour les V1). Entre 1930 et 1945 la surface des bâtiments passe de 19 500 à 24 000 m² (constructions d’ateliers de fabrication mécanique, d’un atelier de menuiserie, de bâtiments de stockage). À la fin de la décennie 1950, la société Brissonneau est restructurée : l’usine se spécialise dans la fabrication d’automobiles, la production de locomotives cesse définitivement. Dans les années 1970, l’entreprise devient Chausson. La période 1985-1996 est marquée par une crise qui conduit à la fermeture de l’usine en 1996. En 1997, l’ancien site de fabrication devient une zone franche, les Marches de l’Oise, où sont implantées sur 30 hectares 83 entreprises.
[4] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[5] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.
[6] Berthe Falk. Les “31000” l’ont rencontré à Raïsko. Charlotte Delbo raconte : « Elle avait le numéro 14148. Qu’elle fût vivante après huit mois de Birkenau tenait du prodige. D’origine roumaine, elle avait fait ses études de sciences à Paris et avait ouvert un laboratoire d’analyses médicales avenue de Suffren. Elle avait été arrêtée comme juive dans la nuit du 16 juillet 1942, prise dans cette première grande rafle de juifs qui avaient été parqués au Vél d’Hiv, transportés à Pithiviers et déportés de là à Auschwitz le 30 juillet. Vingt mille environ. Il n’en restait guère quand nous sommes arrivées à Birkenau le 27 janvier 1943. Berthe était la seule à avoir un numéro 14000. Notre groupe l’avait adoptée ; plus d’une de nous lui doit la vie. Toute petite – elle ne mesurait pas 1.50 m -, elle avait un courage, une énergie toujours renaissants. Jamais on ne l’a vue abattue, même au commando disciplinaire où elle avait été envoyée pour avoir écrit un article sur le 14 juillet à Paris, après la libération. Écrit comme cela, pour se dérouiller l’esprit. Elle nous a rejointes à Ravensbrück en novembre 1944. Nous avons été heureuses de la revoir. Elle a fait partie du groupe qui est allé à Mauthausen et elle a été blessée dans le bombardement du 21 mars 1945. Elle a été rapatriée encore malade, a guéri et recouvrant toute son énergie, s’est employée à remonter son laboratoire qui avait été réquisitionné. Elle semblait remise à flot quand elle est tombée brusquement malade en juillet 1948. Un cancer du duodénum l’a emportée en deux mois. Elle était née le 9 août 1911. »
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 83-84.
Jean-Pierre Besse, notice sur Georges Decock in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF), site du Maitron en ligne, Université Paris 1.
Clarisse Lorieux, Montataire, 100, 105, rue Louis-Blanc, Ancienne fonderie de cuivre Fondu et Laverne, puis usine de construction mécanique Brissonneau et Lotz, puis Chausson, actuellement pépinières d’entreprises, site Inventaire du Patrimoine culturel de Picardie.
Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville, un camp allemand en France (1940-1944), avec le concours du Conseil général de Seine-Saint-Denis, éditions Tallandier, 2005, pages 74 à 86.
Liste des photos d’Auschwitz « identifiées de camarades non rentrées », Après Auschwitz, bulletin de l’Amicale, n°17 septembre-octobre 1947, page 3.
Site Mémorial GenWeb, Nogent-sur-Oise, relevé de Cédric Hoock, 11-2002.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, 2-11-2022)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).