- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Clément Coudert naît le 22 février 1908 à Chavigny (Meurthe-et-Moselle – 54) chez ses parents, Henri Coudert, 32 ans, ouvrier mineur, et Anna Renel, 26 ans, son épouse. Avant lui, sont nés sa sœur Zélia, en 1904, et son frère Émile, en 1905. Après lui, naissent sa sœur Jeanne, en 1909, et son frère Marcel, en 1913.
Début août 1914, leur père est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, et rejoint le 41e régiment territorial d’infanterie. Le 23 octobre 1915, il est détaché aux usines de Neuves-Maisons. Le 15 décembre 1917, il est placé en sursis provisoire aux mines de Maron-Val-de-Fer, proches de Chaligny (54), commune limitrophe de Chavigny.
En 1920, la famille est installée à Chaligny, où naît le dernier enfant, Solange. En 1922, ils habitent au 103, rue du Ruisseau à Chaligny, dans les cités (“maisons à deux façades”).
En 1928, Clément Coudert effectue son service militaire.
En 1931, il habite avec ses frères et sa sœur chez leur mère, alors veuve, à Chaligny. Il est ouvrier à la Compagnie des Forges de Chatillon-Commentry et Neuves-Maisons (C.C.N.M.) comme son frère aîné Émile, entreprise où leur frère cadet Marcel est mineur.
Le 30 juillet 1932, à Chaligny, Clément Coudert se marie avec Hermine Marie Aubry, née en 1910 à Chavigny, habitant jusque-là chez ses parents dans la cité ouvrière de Chaligny, ouvrière à Nancy.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 52, rue du général-Thierry à Neuves-Maisons, ville limitrophe de Chavigny et Chaligny (54).
Clément Coudert est ouvrier métallurgiste ou conducteur de locomotive [1], probablement toujours à l’usine métallurgique de la Compagnie des Forges de Chatillon-Commentry et Neuves-Maisons…).
Clément Coudert est militant de la CGT, et adhérent du Parti communiste à partir de 1929.
Le 17 mars 1941, il est interné pendant quinze jours à la Maison d’arrêt de Toul en application de l’arrêté préfectoral du 4 janvier précédent.
Il est de nouveau arrêté le 22 juin 1941, probablement dans le cadre de l’Aktion Theoderich [2], et interné dans les jours suivants au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Là, il fait partie du comité de Résistance.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Clément Coudert tente en vain de s’échapper.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Clément Coudert est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45402 ; ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Clément Coudert est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, avec un petit groupe de camarades de la Seine-Inférieure, il est affecté au Kommando agricole de Budy, un hameau évacué près de Raïsko. Il en est le seul français survivant à la mi-août 1943, quand il est ramené à Auschwitz-I.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août, Clément Coudert est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.
Clément Coudert est affecté au Kommando des “installeurs”, avec Henri Marti et Cyrille Chaumette. Alors qu’ils doivent creuser le sol pour poser des canalisations d’eau à quelques mètres des Krematorium, un Juif parisien, membre du Sonderkommando, les amène à proximité des portes des chambres à gaz, au moment où celles-ci sont ouvertes, afin qu’ils puissent témoigner de ce qu’ils ont vu.
Amené à travailler près du camp des Tziganes, Clément Coudert constate leur disparition du jour au lendemain, tous ayant été gazés dans la nuit.
Au sein du groupe français de Résistance, il est chargé de la liaison avec les Français juifs de Birkenau.
Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 7 septembre, il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés (dans des wagons de voyageurs !) au KL [4] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw, où il est enregistré sous le matricule 40 988.
En février 1945, il est parmi les quinze “45000” évacués vers le complexe concentrationnaire de Dora-Mittelbau. Avec Roger Abada, René Besse et Pierre Monjault, il est affecté au Kommando de Nordhausen.
Clément Coudert est libéré à une date restant à préciser (le camp lui-même est découvert le 12 avril 1945 par les troupes américaines, mais des colonnes de détenus “évacués” ont été libérées plus tard). Il est rapatrié le 23 avril 1945.
Le 24 avril, le journal L’Humanité publie une transcription du témoignage que Clément Coudert est venu livrer – presque immédiatement après son rapatriement – sur Birkenau et le fonctionnement des chambres à gaz. Mais le journaliste intervient certainement dans le récit qui lui est fait.
- L’Humanité du 24 avril 1945, début de l’article au recto,
et suite au verso. Collection Mémoire Vive.
Début 1946, il habite au 25, rue Salengro à Neuves-Maisons.
Clément Coudert décède le 3 mai 1973 à Chaligny.
Notes :
[1] Les locomotives de la Compagnie des Forges : entre 1902 et 1906, l’entreprise Étienne Weidknecht Frères & Cie, ateliers de construction au 1, boulevard Macdonald à Paris, livre plusieurs locomotives aux Forges.
[2] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre.
Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n° 21 de mai-juin 1948).
[4] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Éditions Graphein, Paris 2000, pages 284, 352, 360, 415, 416,417, 418, 419, 467.
Ady Brille, Les techniciens de la mort, les éditions de la FNDIRP, Paris 1976, 1ère partie, La formation des tueurs, pages 37 et 40 ; 3e partie, Les usines de la mort, page 184.
Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : (cote 1630, article 252).
Jean-Claude Magrinelli, Ouvriers de Lorraine (1936-1946), tome 1, La collaboration franco-allemande dans la répression, pages 253-281 (liste d’internés administratifs, p. 260-263).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 6-09-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.