Camille, Marcel, Yol (surnom ou pseudonyme “Daniel” ? à vérifier) naît le 25 février 1901 à Bois-Colombes [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Camille Yol, 30 ans, mécanicien (absent), et Marie, Alice, Charlet ou Charlot, son épouse, 21 ans, domiciliés au 83, rue des Bourguignons. Dans le courant de l’année, la famille emménage au 14, rue Mertens. Le 9 mars suivant, le père du nouveau-né, alors électricien-wattman, décède prématurément au 1, rue Cabanis (Paris 14e), à « huit heures un quart » (tué dans un accident professionnel ?) ; les témoins pour l’inscription de ce décès à l’état civil sont deux employés demeurant au 1, rue Cabanis. Plus tard, la mère du jeune Camille, remariée le 14 mars 1908 à Paris 10e, habitera au 3, rue du Clos (Paris 20e).
Le 26 août 1920, à la mairie du 15e arrondissement, Camille Yol fils se marie avec Zéline Reiset, née le 20 mars 1898 à Seppois-le-Bas (Bas-Rhin). Ils emménagent peu après dans un immeuble au 32, rue Jullien à Vanves [1] (92), en face du lycée Michelet.
Le 5 avril 1921, afin d’accomplir son service militaire, Camille Yol est incorporé (comme « artilleur » ?) au groupe de repérage du 1er groupe autonome d’artillerie (GAA) en garnison au fort de Montmorency, dans la forêt du même nom (Val-d’Oise), y arrivant quatre jours plus tard. Le 15 mai 1923, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En 1922, il a été inscrit sur les listes électorales de Vanves.
Il est électricien. À partir de la fin mars 1938, il est employé aux établissements Ragonot, 13 route de Montrouge à Malakoff.
Le 1er septembre 1939, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, il est affecté à la batterie de repérage n° 15 du 6e GAA, basée au quartier Sully, à Saint-Cloud (Seine-et-Oise / Hauts-de-Seine), où il arrive dix jours plus tard. Il part aux armées le 18 septembre. Le 1er février 1940, il est nommé 1re classe, puis brigadier à compter du 16 mai. Il est démobilisé le 24 août suivant.
Sous, l’occupation, il est considéré par les Renseignements Généraux comme un « meneur communiste très actif », « individu dangereux par la propagande sournoise qu’il [mène] au sein de l’usine où il [travaille] ».
Le 4 décembre 1940, une perquisition est effectuée à son domicile par un inspecteur du commissariat de la circonscription de Vanves. Dans le registre de main-courante, Daniel Yol explique : « Le matériel trouvé chez moi m’a été confié vers le milieu de l’année 1937 par l’Union des syndicats dont j’étais le secrétaire pour le centre syndical de Vanves. Les dossier et le papier ont la même provenance. Je n’ai jamais utilisé ce matériel et le papier pour la propagande communiste. » Le policier note : « 3 P.V., 1 rapport B.F. et 4 scellés : n° un, machine à imprimer Ronéo électrique, marque Rotary Gestetner n° 15 avec encre et stencil ; n° deux, une machine à écrire marque Underwood ; n° trois, six tampons à encre de la section syndicale de Vanves ; n° quatre, le papier, les circulaires, les dossiers, les brochures, le tout antérieur au décret du 26 septembre 1939 [réprimant l’activité communiste]. Pas d’inculpation. »
Le 27 juin 1941, Camille Yol est appréhendé à son domicile par les services du commissariat de Vanves dans le cadre d’une vague d’arrestations ciblées visant des militants ouvriers : le préfet de police de Paris a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif. Ces opérations sont menées en concertation avec l’occupant. Daniel Yol est conduit à l’hôtel Matignon à la disposition des Autorités allemandes qui le transfèrent au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il fait partie des militants qui inaugurent ce camp de police [2].
Le 30 mai, la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés écrit au préfet de police en lui transmettant une nouvelle lettre d’Hélène Yol relative à l’arrestation de son mari, datée du 12 mai.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.
Le 8 juillet 1942, Daniel Yol est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46210 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Le même jour, à Paris, le préfet de police répond à Fernand (de) Brinon, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, qu’il estime la libération de Camille Yol « inopportune, dans les circonstances actuelles ».
À Auschwitz, après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Daniel Yol est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 7a. Le 14 novembre, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz. Le 16, il passe à la chambrée (Stube) n° 8.
Il meurt à Auschwitz le 29 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].
Son nom est inscrit sur le Monument élevé « en mémoire des victimes vanvéennes du nazisme » dans le square de la place de l’Insurrection.
À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Vanves donne son nom à une rue de la commune (r. Marcel-Yol).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 248 du 24-10-1993).
Notes :
[1] Bois-Colombes et Vanves : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Daniel Yol, c’est le 31 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 384 et 423.
Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de Bois-Colombes, année 1901 (E NUM BOC N1901), acte n° 33 (vue 11/70).
Archives de Paris : registres des matricules du recrutement militaire, classe 1921, 3e bureau de la Seine, volume 6001-6500 (D4R1 2273), n° 6158.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397) ; registre de main courante du commissariat de Vanves, période 28-10-1940/3-4-1941 (CB.102-28) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 724-25688).
Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué).
Site Mémorial GenWeb, 92-Vanves, relevé de Véronique Canova (04-2006).
Archives municipales de Vanves, listes électorales.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 7-10-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.