Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Paul, Édouard, Driessens naît le 27 juillet 1901 à Romainville [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), fils d’Édouard Driessens et de Marie Louis Oswald ou Orvald.

Le 1er avril 1921, il est mobilisé au 62e régiment d’artillerie de campagne, où il arrive neuf jours plus tard. Du 11 janvier au 20 mars 1923, son unité est dans l’Armée du Rhin. Le 15 mai suivant, Paul Driessens est renvoyé dans ses foyers et se retire chez ses parents au 13, rue Vassou, à Romainville, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 14 mars 1924, à la mairie de Romainville, Paul Driessens se marie avec Cécile Grandjean, née le 23 décembre 1904 à Paris 12e. Ils auront deux filles : Suzanne, née le 17 décembre 1925, et Raymonde, née le 20 janvier 1928, à Romainville.

En juillet 1925, le couple demeure au 85, rue de Paris, à Romainville.

À partir de 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 17, rue Gabriel Husson dans la même commune.

Paul Driessens est commis boucher.

Le 13 septembre 1939, il est mobilisé à la 22e section de commis et ouvriers militaires d’administration (C.O.A.), puis renvoyé dans ses foyers le 8 novembre suivant, réformé temporaire.

Le 5 février 1940, une dénonciation anonyme le signale comme communiste et coupable de s’être rendu volontairement malade pour obtenir sa réforme. Par la suite, les services du commissariat de police des Lilas le désignent comme « meneur communiste très actif et distributeur de tracts ».

Le 24 juin 1941, Paul Driessens est arrêté par des agents de ce commissariat suite à un arrêté d’internement administratif pris par le préfet de police à la même date, en application du décret du 18 novembre 1939. Conduit d’abord au commissariat central du 20e arrondissement, Paul Driessens est rapidement remis aux autorités allemande à l’hôtel Matignon. Interné au fort de Romainville, il est transféré peu après au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Paul Driessens est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45483, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Paul Driessens.

Il meurt à Auschwitz le 27 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Son nom est inscrit sur une des plaques commémoratives (« mort dans la résistance ») apposées dans le hall de la mairie de Romainville.

Le 24 juin 1947, le préfet de la Seine, au titre de la direction départementale des Anciens combattants et victimes de guerre, écrit au préfet de police qu’il est saisi d’une demande de pension de victime civile présentée par Cécile Driessens en raison du décès en déportation de son mari. Afin d’instruire ce dossier, il demande que lui soit précisé, le plus rapidement possible, les causes et les circonstances de l’arrestation de M. Driessens.
Le 28 octobre suivant, les services de police rendent compte du résultat de leur enquête, menée en archives et dans le voisinage. Selon les informations recueillies, quelques jours après l’arrestation de son mari, Cécile Driessens s’est mise en ménage avec un autre homme, domicilié au 17 rue du Progrès. Avec celui-ci, elle a eu deux autres enfants, nés les 16 novembre 1942 et 9 juillet 1944. Mais, en 1947 au plus tard, ce compagnon l’a quitté. Selon la police, Cécile Driessens fait l’objet de renseignements défavorables ; depuis longtemps, elle s’adonnerait à la boisson. Paul Driessens n’avait pas voulu divorcer à cause de ses enfants. Le rapport consigne une rumeur : « On laisse entendre qu’elle ne serait pas étrangère à la dénonciation de son mari ».
Les filles d’Édouard sont prises en charge par leur grand-mère paternelle, rue Vassou.
Le 14 décembre 1949, le préfet de la Seine réitère sa demande d’information au préfet de police…

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 402.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cabinet du préfet, dossiers individuels (carton 1w723) dossier de Driessens (26843).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 238 (33036/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Romainville, relevé de Christiane Level-Debray (06-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-07-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Romainville : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).