Élie, Léopold, Joseph, Delville naît le 6 juillet 1894 à Beuvry (Pas-de-Calais – 62), fils de Jules Delville et de Marie Vantouroux.

Pendant un temps, il travaille comme houilleur.

Incorporé le 7 septembre 1914, il rejoint le jour-même le 166e régiment d’artillerie comme soldat de 2e classe (4e compagnie ?). Blessé au talon gauche le 9 avril 1915 à Fresnes-en-Woëvre (Meuse) – à vérifier – , il est évacué. Il rentre au corps le 5 juin suivant. Le 27 mai 1916, il est cité à l’ordre de son régiment : « a participé à un coup de main hardi, faisant preuve pendant toute l’action d’un grand courage ». Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

La Croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze. © MV

La Croix de guerre 1914-1918
avec étoile de bronze.
© MV

Le 5 septembre suivant, Élie Delville est déclaré disparu : il a été fait prisonnier et est détenu à Dülmen (Allemagne) à partir du 6 octobre. Le 21 décembre 1918, il est rapatrié. Le 16 mars 1919, il passe au 401e régiment d’infanterie. Il est « envoyé en congé illimité » (démobilisé) le 25 août suivant, soit « 50 mois » de service. Il se retire à Beuvry, rue de la Place ; le certificat de bonne conduite lui est refusé. Le 7 juillet 1927, l’armée le classe comme réserviste dans l’ “affectation spéciale” aux mines de Vendin-lès-Béthune.

Élie Delville est déclaré comme mineur de fond.

Le 26 novembre 1926, le tribunal correctionnel de Béthune le condamne à six jours d’emprisonnement avec sursis pour outrage à agent de la force publique.

En décembre 1927, il est domicilié au 72, rue Ernest-Loyer à Lomme (Nord – 59), dans la périphérie de Lille.

Il adhère au syndicat CGT en 1927 (?). Il est membre du Parti communiste (?).

En janvier 1933, il est domicilié au 21, rue de Meaux à Paris 19e.

Il est marié et a un enfant. Pendant un temps, il se déclare comme terrassier.

Pendant la guerre d’Espagne, Élie Delville s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Arrivé en Espagne le 27 avril 1937, il est affecté à la garnison de Salamanque. Mais sa situation personnelle se dégrade : pendant deux mois, il se réfugie au consulat français de Valence, puis se rend volontairement à la délégation des Brigades de la ville, en justifiant cette absence du fait « qu’il est malade » (?). Le 28 avril 1937, la commission judiciaire des Brigades d’Albacete propose son « renvoi devant les camarades Marty et Vidal » pour désertion. Le 14 mai suivant, il est mis en détention pour état d’ivresse et « gros scandale » (insulte des officiers). Une note de la commission judiciaire datée du 21 mai propose cinq jours de prison et cinq jours de suppression de solde « et avertissement qu’en cas de récidive il sera remis à la Justice espagnole ». Sur une liste établie à la base des brigades internationales d’Albacete, Élie Delville est inscrit parmi les volontaires rapatriés entre le 21 et le 23 juin 1937 : il est considéré comme « indésirable ».

En février 1940, il déclare habiter au 5, rue de l’Église à Steenvoorde (59).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 16, rue de Meaux à Paris 19e (75), à l’angle de la rue des Chaufourniers.

Le 3 avril 1940, vers la fin de la drôle de guerre, il est affecté spécial aux établissements Raymond Proust (?).

Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, dans le cadre d’une vague d’arrestations organisées par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales (dont Jean Cazorla, Maurice Fontès…), Élie Delville est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de la circonscription “Combat”. Il est conduit à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris. Deux jours plus tard, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 24 janvier 1942, il est transféré à l’Hôpital Tenon situé à proximité des Tourelles.

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Entrée de l’Hôpital Tenon, vue depuis le square E. Vaillant.
Carte postale non datée. Collection Mémoire Vive.

Le 5 mai 1942, Élie Delville fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Élie Delville est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45448, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de dire dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Élie Delville.

Il meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 22-03-1988).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 401.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives départementales du Pas-de-Calais, site internet, archives en ligne, registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1914, bureau de Béthune, numéros 3501-4000 (cote 1 R 8299), matricule 3843 (vues 608-609/881).
- Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobines cotes Mfm 880/12 (545.6.1151), 880/47 (542.2.112), 880/48 (545.2.290).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” :  internés dans différents camps… (BA 1837) – cartons “Parti communiste” : chemise “1941, perquisitions particuliers” (BA 2447).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 218 (acte n° 32117/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 31-03-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.