- IDENTIFICATION INCERTAINE…
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Émile, Jean, Fromentin naît le 5 décembre 1887 à Brest-Recouvrance (Finistère), fils de Jean Fromentin, 33 ans, deuxième maître magasinier de la Flotte, et d’Ambroisine Paul, son épouse, 20 ans. Son père décède le 26 février 1904.
Entre temps, le 11 décembre 1903, à la mairie de Brest, Émile Fromentin, âgé de seize ans, s’est engagé volontairement aux équipages de la Flotte comme apprenti-marin. Le 15 juillet 1904, il est « destiné » à l’école des mécaniciens. Le 5 décembre 1905, il passe matelot de 3e classe. Du 15 février au 11 mars 1908, il est au Maroc en guerre. Le 12 juin 1908, un conseil de discipline le réduit au grade d’apprenti-marin, puis, le 26 août suivant, le conseil de discipline réuni à bord du cuirassier Du Chayla prononce un avis pour son envoi à la 2e compagnie de discipline. Le 27 septembre, il est conduit au dépôt du corps disciplinaire colonial à Oléron. Le 14 novembre, Émile Fromentin est dirigé sur la « portion centrale » à Biskra (Algérie), entre le massif de l’Aurès et le Sahara, où il arrive dix jours plus tard. Le 11 mars 1909, le conseil de guerre de la division de Constantine le condamne à deux ans de prison pour « outrage publique à la pudeur ». Le 9 novembre, il passe à la 3e compagnie de fusiliers de discipline. Fin décembre, il est gracié de sa peine par décret et passe alors au 4e bataillon d’infanterie Légère d’Afrique (BILA – « Bat d’Af ’»), à Gabès en Tunisi.. Le 26 janvier 1910, il passe chasseur de 2e classe. Il quitte la Tunisie le 1er novembre 1911 et est démobilisé cinq jours plus tard, passant dans la réserve de l’armée active, le certificat de bonne conduite lui étant refusé.
Le 27 janvier 1913, à Saint-Pierre-Quilbignon, Émile Fromentin se marie avec Julia Adolphine Burel, 24 ans, native de cette commune (rattachée à Brest en 1945). La mère du marié, alors domiciliée à Morlaix, est déclarée « hors d’état de donner son libre consentement ». Ce mariage sera dissous par un jugement de divorce prononcé le 20 mai 1933 par la 2e chambre du tribunal civil de Rouen
Le 1er août 1914, il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et arrive au corps, à Bordeaux, quatre jours plus tard. Mais, dès le 30 septembre, il manque à l’appel. Le 21 août 1917, il est affecté à la compagnie de marche du 11e groupe. Le 21 mai 1918, il est réhabilité par arrêt de la cour d’appel de Rabat (Maroc) et affecté le 25 juin à la compagnie A du Maroc oriental. Le 24 juillet, il est rayé des contrôles du 11e groupe spécial.
Le 10 avril 1919, le tribunal correctionnel de Bordeaux le condamne à un mois de prison pour un vol commis quatre jours plus tôt (peine amnistiée par la loi du 24 octobre 1919). En août 1920, il est domicilié au 12, rue de Nieuport à Dunkerque. Le 25 octobre suivant, un tribunal du Havre le condamne à quinze jours de prison pour pour d’arme prohibée et ivresse. Le 26 avril 1921, il est de de nouveau condamné au Havre pour le même motif.
Son matricule militaire indique comme « marques particulières », des tâches de rousseur, des cicatrices de brûlures au poignet droit, une cicatrice de coup de baïonnette au poignet gauche, puis liste ses tatouages : sur le bras droit, un serpent dans un palmier entouré de pointes, un domino, un papillon, les cuisses d’une femme, une tête de femme et une tête d’homme, au “sommet du bras” « Né sous l’étoile du malheur » ; sur le bras gauche, « Vive la classe 1910 », « MAV », « campagne de Chine 1905-1907 », « Maroc 7-8 », un clou (?), une ancre, trois dominos, un marin, « CD », « disciplinaire », au “sommet du bras” une étoile ; sur la poitrine, deux têtes de femmes.
Pendant un temps, il aurait vécu à Boulogne-Billancourt.
Au moment de son arrestation, Émile Fromentin est domicilié au 40, rue du Rempart-Martinville à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76). Il vit alors maritalement avec Léa Vaissac.
« Communiste militant », Émile Fromentin devient membre de la commission de propagande pour la région et, le 21 mars 1939, secrétaire de la cellule du quartier Saint-Hilaire où il habite – toujours selon la police – qui désigne sa compagne comme assesseur au sein de cette cellule (sous le nom de Léa Fromentin).
À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 8 décembre 1941, il figure sur une liste de 28 communistes à « transférer vers l’Est », établie par la Feldkommandantur de Rouen : certains étaient déjà à Compiègne, d’autres viennent d’être arrêtées après l’attentat qui a eu lieu la veille au Havre.
D’après une signature portée sur un menu du repas de Noël 1941, Émile Fromentin serait alors assigné au bâtiment A2, chambre 8, avec Émile Billoquet, Jean Binard, Michel Bouchard, Honoré Brieu, Albert Champin, Marcel Le Dret et Julien Villette.
Entre fin avril et fin juin 1942, Émile Fromentin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Émile Fromentin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45562, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté
Il meurt à Auschwitz le 25 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 404.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée 2000 à Rouen, citant : Mairie de Rouen, 18/7/1992 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives municipales de Brest, site internet, archives en ligne :registre du recrutement militaire de l’année 1907 (1H18), matricule n° 658 (vue 12938).
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’hôtel du département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Dh à F (51 W 415), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. XLIII-56.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 319 (24676/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 19-09-2014)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.