Félix, Émile, Néel naît le 13 avril 1905 à Paris 12e, fils de Félix Néel et d’Ernestine Aveline.
Le 30 juin 1923 à Paris 11e, il se marie avec Yvonne Lamboley, dite “Denise”, née le 2 février 1907 à Paris 11e (à vérifier…). Ils auront cinq enfants, dont Maurice, né le 26 juillet 1924 à Paris 12e, les autres étant respectivement âgés de 14, 12, 10 et 4 ans en février 1941.
Au moment de son arrestation, Félix Néel est domicilié au 39, rue des Noyers à Romainville [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).
Il est polisseur de métaux. Son dernier employeur est la Maison Krauss, 18-20, rue du Faubourg-du-Temple, à Paris 10e.
Militant communiste, Félix Néel est élu conseiller municipal de Romainville le 12 mai 1935.
- Romainville. La Mairie.
Carte postale oblitérée en 1947. Coll. Mémoire Vive.
Le 5 octobre 1939 – comme pour de nombreuses villes de la “banlieue rouge » – le conseil municipal de Romainville est “suspendu” par décret du président de la République (sur proposition du ministre de l’Intérieur) et remplacé par une délégation spéciale nommée par le préfet.
Le 15 février 1940, Félix Néel est officiellement déchu de son mandat, avec 25 autres conseillers, pour ne pas avoir « répudié catégoriquement toute adhésion au Parti communiste ».
- Extrait de la presse quotidienne,
sans titre ni date.
Archives de la préfecture de police, Paris.
Sous l’occupation, la police française le considère comme un « propagandiste très actif ».
Le 9 novembre 1940, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Félix Néel est probablement arrêté le même jour par des agents du commissariat des Lilas et rapidement conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre. Pendant un temps, Félix Néel est assigné à la chambre n° 34.
- Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, cote 1W71.
Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 50 militants communistes (dit « procès des cinquante »), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne son fils Maurice à quatre mois d’emprisonnement pour infraction au décret de 29 septembre 1939 (dissolution et interdiction du PC, propagande). Son fils étant mineur, il est possible que Félix Néel ait été assigné à comparaître à audience comme civilement responsable (à vérifier…). Le 9 avril, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement et la durée de la peine.
Le 11 février 1941, en réponse à une directive du chef de camp concernant la révision du dossier de certains internés, Félix Néel transmet à celui-ci une demande logique : « N’ayant jamais été au courant de ledit dossier et ne sachant sur quoi il peut être basé, je considère mon arrestation comme arbitraire du fait de n’avoir commis aucun délit ni aucune condamnation [sic]. Je considère donc que la plus élémentaire justice est ma mise en liberté ».
Le 26 février, Yvonne Néel écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter l’autorisation de rendre visite à son mari, accompagnée de ses enfants. Le préfet accorde cette autorisation et en informe la préfecture de police le 22 mars et le commandant du camp le 2 avril.
Le 6 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Félix Néel, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable en s’appuyant sur le constat que cet interné « suit les directives du parti communiste », ajoutant à sa charge : « propagandiste actif ».
Le 6 septembre, Félix Néel est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 9 février 1942, est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Félix Néel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Félix Néel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45920 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Félix Néel est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 4.
Félix Néel meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).
Après la guerre, le conseil municipal de Romainville donne son nom à une rue de la commune. Celui-ci figure également sur la plaque commémorative apposée à son ancienne adresse.
Son nom est inscrit sur une des plaques commémoratives (« mort dans la résistance ») apposées dans le hall de la mairie de Romainville.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-05-1995).
Notes :
[1] Romainville : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 168.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 356, 386 et 415.
Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
Archives de Paris : archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941 ; jugement du 8 février 1941 (D1u6-3719).
Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w143 (notice individuelle).
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…) : BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 854 (31855/1942).
Site Mémorial GenWeb, 93-Romainville, relevé de Christiane Level-Debray (06-2004).
Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-09-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.