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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Félix, François, Jean-Baptiste, Reillon naît le 29 janvier 1890 à La Héronnière, commune de Laigné [1] (Mayenne – 53), fils de Félix, Ernest, Reillon, 26 ans, et de Marie Hamon, 23 ans, son épouse, agriculteurs. Félix a une sœur aînée, Marie, née en 1889.

Son père décède prématurément à son domicile le 22 octobre 1894, âgé de 32 ans ; décès enregistré à l’état civil sur déclaration de son beau-père, Jean-Baptiste Hamon, 57 ans, cultivateur, et de son frère, Pierre Reillon, quarante ans, aubergiste débitant. La mère de Félix a 28 ans, et lui, 4 ans et demi. En 1901, La Héronnière a changé d’exploitant.

Entre 1901 et 1906, Félix vit chez une tante maternelle, épouse de Jean Poirier, propriétaire cultivateur au lieu dit Les Boquelleries (section de Chassebourg) à Laigné.

Le 11 octobre 1910 à Bouchamps-lès-Craon (53), sa mère se remarie avec Prosper Bignon, veuf de 60 ans, journalier agricole chez Aubert (fermier à La Corbinière ?) ; ils habitent au bourg, route de Chérancé. Au printemps 1911, Félix Reillon ne vit pas avec eux. Il commence à travailler comme boulanger.

Le 1er octobre 1911, il est appelé à accomplir son service militaire à la 22e section de commis et ouvriers d’administration. Le 26 septembre 1912, il est nommé caporal. Le 8 novembre 1913, il passe dans la réserve de l’armée active, et se retire à Bouchamps, auprès de sa mère, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En janvier 1914, il habite à Vert-le-Petit (Seine-et-Oise / Essonne – 91). En mai suivant, il habite à Montainville (Eure-et-Loir). En juillet, il habite à Chamarande (91).

Rappelé à l’activité par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, il rejoint la 4e section de commis trois jours plus tard. Le 3 juin 1916, il est cassé de son grade de caporal, et passé au 151e régiment d’infanterie le 5 juin. Le 13 octobre suivant, il passe au 408e R.I.

Après la seconde bataille de Verdun (20 août-18 septembre) ayant permis de dégager le secteur, le 408e R.I. occupe des tranchées au nord de Douaumont. Le 12 novembre 1917, Félix Reillon est blessé (ce jour-là, le régiment compte 3 tués et 10 blessés). Il est cité à l’ordre de la brigade : « Blessé à la main (…), a fait preuve d’endurance et de courage en restant à son poste de combat ; n’est allé se faire panser que le lendemain et a repris sa place aussitôt après. » Le 22 juin 1918, il est de nouveau nommé caporal. Le 9 août 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire encore à Bouchamps (53). Début juillet 1921, il habite à Saint-Chéron (91).

En mars 1923, il s’installe à Reims (Marne – 51), habitant d’abord rue Flin des Oliviers (Tinqueux).

Le 30 avril 1923, à Reims, Félix Reillon épouse Marie Hubeau, née le 16 mai 1891 à Roubaix (Nord), cuisinière. Début janvier 1924, ils habitent au 20 impasse des Jardins. Ils ont quatre enfants : Jeanne, née le 13 mars 1926, Jean, né le 18 juillet 1928 mais décédé le 9 septembre suivant, Jacques, né le 26 janvier 1930, et Marcel, né le 20 août 1932. Ils habitent alors au 8 rue de Brest, cité Maison Blanche.

Le 10 juillet 1936, Félix Reillon déclare habiter au châlet Saint-Eshedy (?), rue Nicole, à Berck (Pas-de-Calais) ; une location de vacances ?

Début septembre 1939, il habite au 7 rue Émile-Barrau à Reims.

Le 1er juin 1940, il déclare habiter au bourg du Coudray (53) ; réfugié ?

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 7, rue de la Garenne à Reims.

Félix Reillon est ouvrier-boulanger.

Bien qu’il n’appartienne à aucun parti politique selon la police française, celle-ci le considère « comme ayant des sentiments communistes ».

Le 25 février 1942, Félix Reillon assiste à une manifestation organisée devant l’Hôtel de Ville et la sous-préfecture de Reims pour protester contre la vie chère et l’insuffisance du ravitaillement.

Le lendemain, 26 février, il est arrêté à son domicile par des Feldgendarmes accompagnés d’un interprète qui l’emmènent à leur poste, rue du général-Sarrail, puis à la Kommandantur. Il est pris comme otage en représailles après des attentats contre des soldats allemands à Chalon-sur-Saône et à Montceau-les-Mines, en même temps que dix-sept autres Marnais (membres de la communauté juive, militants syndicaux et politiques…). Appréhendé en même temps que Jules Huon, Marcel Gauthier, René Manceau, Maurice Roussel, Henri Roy et Roland Soyeux – tous suspectés d’activité communiste clandestine et futurs compagnons de déportation -, Félix Reillon est conduit à la Maison d’arrêt de Reims, boulevard Robespierre.

Début mars, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 3674. Guy Lecrux, de Reims, déjà interné, le voit arriver en même temps qu’André Crépin, Jules Huon, René Manceau et Roland Soyeux.

Entre fin avril et fin juin 1942, Félix Reillon est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Félix Reillon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46042, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Portail du secteur B-Ib du sous-camp de Birkenau par lequel sont passés tous les “45000”. © Mémoire Vive 2015.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Félix Reillon est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon un témoignage d’André Montagne.

Il meurt à Auschwitz le 19 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; six semaines après l’arrivée du convoi.

Le 20 mars 1943, son épouse effectue une demande d’information qui est traitée par les services de Fernand de Brinon (un lien est fait avec le « Dossier Killian »… ?).

Dès le 24 juin 1945, Guy Lecrux, de Reims, rescapé du convoi, signe une déclaration attestant de la disparition de Félix Reillon à Auschwitz avant le 3 mars 1943. Le 14 mai 1946, André Montagne, de Caen, autre rescapé, signe un certificat attestant également de son décès.

Le 18 février 1947, interrogé par la direction de l’état civil et des recherches du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre sur la question du lieu de décès, Guy Lecrux répond : « …il n’existe aucune discordance entre la déclaration de Monsieur Montagne et la mienne. En effet, si Monsieur Reillon Félix est décédé sur le territoire du camp de Birkenau, ce camp faisait partie, comme annexe, du camp d’Auschwitz. Administrativement, Monsieur Reillon, était inscrit au camp d’Auschwitz et dépendait de lui, ce qui m’a fait écrire qu’il était décédé à Auschwitz. Vous pouvez donc indifféremment le considérer décédé à Birkenau ou à Auschwitz, ces deux camps, avec plusieurs autres (Gleiwitz 1 et 2, Kattowitz, Buna), ne formant qu’une seule administration pénitentiaire qui était au camp d’Auschwitz ».

Le 25 avril, un officier d’état civil du ministère dresse un acte de décès au nom de Félix Reillon enregistrant comme date « antérieurement au 3 mars 1943 » sur la base des éléments d’information figurant au dossier.

Le 31 mai suivant, suite à une demande officielle déposée par Madame Reillon, le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre décide que la mention « mort pour la France » soit apposée en marge de l’acte de décès de Félix Reillon.

Une plaque commémorative a été apposée sur le mur de l’immeuble du 7, rue de la Garenne où habitait Félix Reillon. Son nom est également inscrit sur une plaque commémorative apposée « À la mémoire de nos camarades tombés dans la lutte pour la liberté, victimes de la barbarie nazie » (ce dernier adjectif a remplacé “barbarie allemande”), dans la salle de réunion de la Bourse du Travail de Reims, devenue Maison régionale des syndicats, 13 boulevard de la Paix, et sur le monument aux martyrs de la résistance et de la déportation, situé sur les Hautes Promenades à Reims.

Marie Reillon, sa veuve, décède à Reims le 5 septembre 1950.

Le 26 février 1962, Marcel Reillon, son fils, cultivateur, signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique au nom de son père. Contacté à la suite de cette démarche, Gabriel Lejard, de Dijon, rescapé du convoi, confirme le décès de Félix Reillon à Auschwitz « peu après son arrivée ». Guy Lecrux, interrogé à son tour par la brigade de gendarmerie de Précy-sous-Thil, atteste de l’appartenance de Félix Reillon au Front national.

Le 12 octobre 1962, la demande est acceptée par le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre et le chef du bureau des fichiers et de l’état-civil déporté envoie une carte de déporté politique (n° 1157 1061).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 14-12-1997).

Notes :

[1] Depuis le 1er janvier 2018, Laigné – associée à la commune voisine d’Ampoigné – constitue une commune déléguée au sein de la commune nouvelle de Prée-d’Anjou, disposant d’un maire délégué.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 418.
- Archives départementale de Mayenne, site internet, archives en ligne : registre de recensement 1891 de Laigné (p.19).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 994 (22423/1942).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Félix Reillon (21 p 529 994), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).
- Site Mémorial GenWeb, relevés d’Alain Girod (11-2002 ; photo) et de Bernard Butet (11-2009 ; photo).

MÉMOIRE VIVE

( dernière mise à jour, le 23-09-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.