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Gabriel Ponty naît le 17 février 1921 dans une maison de sages-femmes située au 9 rue du Commandeur à Paris 14e, fils de Gabriel Alphonse Ponty, 39 ans, mprimeur, et de Françoise Picaud, 38 ans, son épouse, domiciliés au 64 boulevard Jourdan. Il a une sœur aînée, Andrée, née le 20 mai 1908 à Paris 18e.
Ajourné de service militaire en 1902 pour faiblesse, puis exempté en 1903 pour “cicatrices adhérentes” (suite à un abcès très important à l’avant-bras droit), son père, Gabriel Alphonse, a cependant été mobilisé en février 1915 au 4e régiment de zouaves. Le 13 décembre 1915, il est passé au 311e régiment d’infanterie territoriale. Le 22 mai 1916 à Damloup (Meuse) – village proche du fort de Vaux, 15 km au nord de Verdun, entièrement détruit cette année-là -, il a été blessé par éclats d’obus au cubitus droit (fracturé) et au cuir chevelu. Du 25 mai au 10 octobre 1916, il est passé par trois hôpitaux auxiliaires (Bar-le-Duc, Paris, Arpajon), puis a rejoint la caserne des Tourelles à Paris jusqu’au 22 octobre suivant. Le 23 juillet 1917 la commission de réforme de Montélimar l’a classé “service auxiliaire”, apte à la zone des armées. Le 8 octobre 1919, la 2e commission de réforme de la Seine a proposé Gabriel Alphonse Ponty pour une pension d’invalidité de 30 %.
En 1932, la famille est installée dans un immeuble HBM au 2 rue du Général Humbert (Paris 14e), quartier Plaisance, près de la Porte de Vanves [1]. Au printemps 1936, le père est au chômage.
Au moment de son arrestation, Gabriel Ponty est domicilié au n° 17 de l’étroite rue des Thermopyles à Paris 14e. Il est célibataire.
Pendant un temps, le jeune homme est ouvrier métallurgiste aux usines d’automobiles Unic, quai National, devenu quai De Dion-Bouton, à Puteaux [2] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Au moment de son arrestation, il est déclaré comme cimentier.
Gabriel Ponty est militant des Jeunesses Communistes, secrétaire, responsable des jeunes chômeurs.
Sportif, il est footballeur à l’Union sportive du 14e, participant à des matches, jusqu’en championnat.
Sous l’occupation, ce club « sert de couverture » à des activités de résistance. Dans le dossier constitué sur ce groupe par André Deslandes, il est noté que Gabriel Ponty réussit plusieurs actions contre des installations allemandes, y effectuant un « travail spécial ».
Le 19 mai 1941, Gabriel Ponty est arrêté par des agents du commissariat de police du commissariat de police du quartier Montsouris avec un autre militant de l’arrondissement pour distribution de tracts (« propagande communiste clandestine »). Une perquisition effectuée chez ce dernier, impasse Florimont, y amène la saisie de « divers tracts et papillons gommés de propagande communiste, ainsi que deux machines à écrire » ayant servi à taper ces documents. Tous deux sont inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et conduits au dépôt de la préfecture, à la disposition du procureur de la République.
Le 2 juillet, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine relaxe Gabriel Ponty.
Le 28 avril 1942, il est de nouveau arrêté, à son domicile, par un Feldgendarme et un inspecteur français lors d’une vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation, notamment de jeunes mineurs ayant été remis à leur famille. Le lendemain, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 4063.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Gabriel Ponty est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46001 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). René Aondetto et Emmanuel Michel témoignent avoir côtoyé Gabriel Ponty à Auschwitz, puis à Birkenau.
Cependant, à une date restant à préciser, son nom est inscrit sur le registre des détenus ayant reçu des soins de chirurgie dans les Block de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Gabriel Ponty meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Notes :
[1] Rue du Général Humbert : la voie a été ouverte et a pris sa dénomination actuelle en 1928 sur l’emplacement du bastion n° 76 de l’enceinte de Thiers (les “fortifications”).
[2] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 417.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Dossier constitué par André Deslandes – Madame A. Ponty, sa sœur (lettre du 28 décembre 1987 – photos d’avant-guerre) – Mairie du 14e – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n°29 de février 1989, p.71.
Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; archives du cabinet du préfet de police (1 W 742-28080) ; archives des renseignements généraux, dossier individuel de Gilbert G. (77 W 1734-98386).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 956 (38518/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 28-12-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.