Gabriel (Julino ?), Édgard, Torralba y Vendrelle naît le 2 janvier 1916 à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Il a – au moins – deux frères : Angel et Marc.
En 1923, la famille emménage dans une maison lui appartenant au 9, rue Victor Hugo, dans le quartier nouvellement créé de Chambéry, à Villenave-d’Ornon, au sud de l’agglomération de Bordeaux (Gironde).
Au moment de son arrestation, Gabriel Torralba est célibataire.
Gabriel Torralba est sympathisant ou militant du Parti communiste, comme son père et ses frères. Il milite notamment avec Marcel Delattre, du quartier du Pont-de-la-Maye, à Villenave-d’Ornon.
En 1936, il doit accomplir son service militaire au 14e régiment d’infanterie, cantonné à Toulouse.
Mais, pendant la guerre d’Espagne, il combat dans les rangs espagnols pour défendre la République contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.
Fin janvier-début février 1939, lors de la Retirada, il traverse la frontière de Cerdagne par Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales), où les autorités françaises ont créé un centre de regroupement. Trois semaines plus tard, est interné au camp de Septfonds (Tarn-et-Garonne), ouvert le 27 février ; en mars, on y compte jusqu’à 16 000 Espagnols.
Gabriel Torralba est mobilisé au cours de la “Drôle de guerre”.
Sous l’occupation, il est employé dans la fabrique de carrelage U. Genevère, sise au 29 rue Ferbos à Bordeaux.
En septembre 1940, Jean Bonnardel, un voisin, le contacte pour lui demander de reprendre une activité au sein du Parti communiste clandestin. En contact avec Eliodoro Manzano, terrassier espagnol habitant son quartier, Gabriel Torralba participe à la diffusion de tracts dans son secteur d’habitation et son entreprise.
Le 22 novembre 1940, il est arrêté par la police française qui vient l’appréhender dans son atelier. Avec son père et deux de ses frères, ils sont appréhendés dans une vague de perquisitions et d’arrestations de communistes lancée par le préfet en accord avec les autorités d’occupation : 148 personnes sont rassemblées au Foyer (ou Hôtel) des Émigrants, au 24 quai de Bacalan, sur la Garonne, un immeuble utilisé avant-guerre pour l’hébergement des émigrés en instance de départ vers les colonies et dès lors transformé en Centre de séjour surveillé. Les suspects y sont interrogés – sans violence – par le commissaire de police spéciale Pierre Poinsot et son équipe de la Section des affaires politiques (SAP).
En janvier 1941, Gabriel Torralba est transféré au camp français de Mérignac, sur le site de Beaudésert, où un projet de construction de cité olympique dans les années 1920 n’avait pas abouti. Le 22 octobre 1941, des détenus du camp, désignés comme otages de représailles, sont fusillés par l’armée allemande à Souge et à Bordeaux, parmi lesquels Jean Bonnardel et Marcel Delattre.
Début 1942, les trois Torralba figurent encore sur un état des internés à Mérignac « dont les sentiments et activité communistes ne font pas de doute ».
En avril, Gabriel Torralba est transféré au quartier allemand du Fort du Hâ, ancienne forteresse de Bordeaux utilisée comme Maison d’arrêt. Le plus jeune de ses frères, Marc, 18 ans, y est également détenu.
Fin avril, début mai, Gabriel Torralba est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 5 mai, dans la chambrée 3 du bâtiment A1 (la sienne ?), il participe à un « repas fraternel » organisé par le « groupe de solidarité alimentaire » dont le menu porte trente-quatre signatures, parmi lesquelles celles de plusieurs futurs “45000” : les « Bordelais » Jean Beudou, de Talence, et Gabriel Eustache, de Pessac, ainsi qu’Édouard et René Beaulieu, de Rosny-sous-Bois, Jean Berthout, de Paris 20e, Eugène Clément, de Villeneuve-Saint-Georges, André Doucet, de Nanterre, Louis Gouffé, de Romainville, Alexandre Guillou, de Bonneuil-sur-Marne, Auguste Monjauvis, de Paris 13e, Félix Néel, de Romainville, et Armand Nicolazzo, d’Argenteuil. En tête de ces signatures, on reconnait celle d’André Tollet, qui s’évadera par un tunnel quelques semaines plus tard [1].
Entre fin avril et fin juin 1942, Gabriel Torralba est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelleligne frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Gabriel Torralba est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46264 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Gabriel Torralba est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Gabriel Torralba est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Gabriel Torralba est peut-être le Bordelais d’un groupe de quatre “45000” du Block 11 qui sont enfermés ensemble dans une Stehzelle (cellule à rester debout, cachot étroit) du sous-sol de la prison (Bunker) pour avoir essayé d’ “organiser” du pain pour leurs camarades de la blanchisserie. Probablement condamnés à y mourir de faim, ils sont libérés en réparation d’une faute administrative, leurs noms n’avaient pas été consignés sur le registre du Bunker.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Gabriel Torralba est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19900).
En avril 1945, il est évacué au cours d’une des tristement célèbres marches de la mort. Après trois jours de marche, sans nourriture ni eau, il est libéré par les troupes américaines près de la ville bavaroise de Cham.
Gabriel Torralba décède le 1er juin 1989.
Le 19 juin 2008, l’Equipo Nizkor présente la première plainte déposée en Espagne en faveur des victimes espagnoles des camps d’extermination nationaux-socialistes de la Seconde Guerre Mondiale, plainte jugée recevable par le Tribunal central d’instruction numéro 2 de la Audiencia Nacional le 17 juillet 2008. Le 30 juin, Conception Ramirez Naranjo, veuve de Gabriel Torralba, est la troisième des parties civiles à demander au gouvernement espagnol de demander l’extradition des États-Unis des membres de la SS-Totenkopf (Tête de mort) : Sturmbann Johann Leprich, Anton Tittjung, Josias Kumpf et Iwan (John) Demjanjuk.
Notes :
[1] Ce tunnel – creusé à l’insu de la plupart des internés – a permis l’évasion de 19 militants syndicalistes (dont Georges Cogniot et André Tollet) dans la nuit du 21 au 22 juin 1942, peu avant la déportation du millier d’otages communistes, le 6 juillet.
[1] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 259 à 261, 359, 364 et 421.
Site Equipo Nizkor, organisation internationale travaillant pour le respect et la promotion des droits de l’homme dans plusieurs pays et dans des domaines divers, notamment la lutte contre l’impunité.
Commission d’Histoire du Comité du Souvenir des Fusillés de Souge, site.
Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier individuel de Torralba Gabriel (21 P 683 199), recherches de Ginette Petiot (message 04-2017).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-04-2017)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.