Georges, Jules, Delaunay naît le 31 août 1894 à Graville-Sainte-Honorine (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76), au domicile de ses parents, Georges, Jules, Delaunay, 33 ans, menuisier, et Alice Féret, son épouse, 29 ans, demeurant au 257, rue de Normandie.
Pendant un temps, Georges Delaunay travaille comme commis de bureau.
La Première Guerre mondiale commence début août 1914. Incorporé au 154e régiment d’infanterie à partir du 1er septembre 1914, Georges Delaunay arrive au corps le 19 septembre. Il part en renfort le 20 février 1915 et est “aux armées” deux jours plus tard. Le 30 juin, dans le secteur de Bagatelle (Argonne), il est blessé par des éclats d’obus qui lui occasionnent des plaies multiples à la cuisse. Le 26 août, il rentre au dépôt. Le 16 septembre 1916, il est évacué. Il rentre au dépôt le 17 novembre, mais est de nouveau évacué dès le lendemain. Il revient au dépôt le 15 décembre. Il part en renfort le 5 janvier (?) 1917. Le 26 février, il entre à l’hôpital pour un ulcère à la jambe droite. Rentré de convalescence le 17 octobre, il est évacué malade quatre jours plus tard. Le 26 décembre, il part en renfort. Le 13 mai 1918, étant en permission, il est évacué à l’hôpital du Tremblay. Il en sort le 22 juin, mais pour entrer deux jours plus tard à l’hôpital complémentaire 48 de Rouen – installé dans la caserne Hatry – , où il reste jusqu’au 2 août. Le 13 mars 1919, il passe au 129e R.I. Le 12 septembre, il est mis en congé illimité de démobilisation.
Le 14 septembre 1920 au Havre (76), Georges Delaunay se marie avec Marthe Osmont, née le 2 octobre 1899 au Havre. Alors représentant de commerce, il est domicilié au 58, rue Thiébaut.
Georges Delaunay devient cuisinier.
En mai 1929, il est domicilié au 128, boulevard Francois 1er, au Havre.
Rappelé à l’activité militaire le 1er septembre 1939, il rejoint dès le lendemain le 31e R.R. (régiment régional ?), 7e bataillon de défense passive. Le 15 octobre, il est affecté au dépôt d’infanterie 32, 5e bataillon de défense passive. Le 1er avril 1940, il passe au dépôt de rattachement des compagnies de travailleurs militaires, dépôt d’artillerie n° 303, à Vernon (dans l’Eure ?). Le 20 septembre 1940, il est démobilisé par le centre de Le Blanc et se retire au 128, boulevard Franiers, au Havre.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au Havre.
Le 13 février 1942, il est arrêté au Havre pour ses activités politiques (dossier de Brinon [2]).
À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Delaunay est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Georges Delaunay est enregistré à Auschwitz, peut-être sous le numéro 45439, selon les listes reconstituées. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Georges Delaunay se déclare comme cuisinier. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camsps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Delaunay.
Il meurt à Auschwitz le 22 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [4]. La cause mensongère indiquée pour sa mort est « valvulopathie cardiaque » (Herzklappenfehler).
Homologué comme “Déporté politique”, il est déclaré “Mort pour la France”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 25 du 30-01-2008).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Dossier (de) Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand (de) Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait eu lieu et leur faisait part de la réponse fournie par les autorités allemandes. Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur statut assimilé “NN”. La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC (anciennement archives du secrétariat d’État aux Anciens Combattants).
[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.
A partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Georges Delaunay, c’est le 30 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 375 et 401.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et les “31000” de Seine-Maritime, Rouen 2000, citant : Avis de décès (provenance ?) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne, registre des naissances de Graville-Saint-Honorine, année 1894 (4E 12403), vue 89/126, acte n° 232 ; registre matricule du recrutement militaire, bureau du Havre, classe 1914 (1 R 3362), matricule 2673 (2 vues).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 218 (23734/1942).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de A à F (26 p 840), acte n° 23734/1942.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 16-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.