- Georges Mapataud © Droits Réservés.
Georges, Marcel, Mapataud nait le 9 juin 1922 à Paris 13e (75). Sa mère, Catherine Mapataud, ouvrière (mécanicienne) en usine, vit maritalement avec un homme qui décède en 1939 sans avoir reconnu leurs enfants.
Georges Mapataud a trois sœurs : Lucette, née en 1924 et décédée en 1989, Yvette Marguerite, née le 17 décembre 1932 et décédée en 2002, et Denise, née le 28 juin 1938.
Au moment de son arrestation, Georges Mapataud est domicilié chez sa mère, au 12, rue des Caillotins (devenue rue d’Estienne-d’Orves) à Créteil [1] (Seine / Val-de-Marne – 94), dans une maison aujourd’hui démolie.
Il est manœuvre spécialisé.
Au cours de l’été 1940, après les retours d’Exode, Paul Hervy (25 ans), ex-secrétaire de la section locale des Jeunesses communistes, tente de regrouper quelques jeunes de Créteil pour reprendre l’activité militante, tel René Besse. Avec celui-ci, il couvre en propagande l’est de la commune, tandis que Mapataud et Ménielle couvrent son secteur ouest.
Georges Mapataud réceptionne des tracts sur la route de Pompadour de la main d’un cycliste, après avoir été prévenu à domicile la veille de ce rendez-vous « soit par un homme, soit par une jeune fille ».
Le mercredi 9 octobre, à Bonneuil (94), Mapataud distribue des tracts avec Albert Duclos (19 ans, ajusteur) et Vialle (?), de la rue Louise, à Créteil.
Le 10 octobre au soir, Georges Mapataud reçoit chez lui Albert Duclos, habitant la même adresse, et Roger Ménielle (19 ans, marinier). Il répartit des tracts intitulés « Les masques sont tombés » et un numéro de L’Avant-Garde. Puis les trois garçons partent dans la Grande Rue (devenue rue du Général-Leclerc), voisine, où ils commencent à les glisser sous les portes, Mapataud et Ménielle sur un trottoir, Duclos sur un autre.
Mais ils sont surpris par des gendarmes de la brigade de Créteil, qui se saisissent d’abord de Duclos. Mapataud, identifié, tourne dans une impasse pour aller se réfugier au fond d’une cave abandonnée, où les gendarmes finissent néanmoins par le trouver. Roger Ménielle, qui se trouvait devant ses camarades, parvient à s’enfuir vers l’église, jetant ses tracts dans une bouche d’égout avant de rentrer chez lui. Georges Mapataud et Albert Duclos sont amenés à la brigade de gendarmerie pour y être interrogés. Dans un premier temps, Georges Mapataud refuse de dire le nom du fuyard. Le lendemain, 11 octobre, trois gendarmes de Créteil partent arrêter Roger Ménielle sur son lieu de travail, au pont de Sartrouville. Les procès-verbaux d’interrogatoire sont transmis au procureur de la République à Paris, au préfet de police et à la Kreiskommandantur.
Les considérant en infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, les gendarmes les conduisent devant le procureur. Le 12 octobre, ils sont sous mandat de dépôt.
Le lendemain, une fois inculpés, les trois jeunes militants sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).
Le 14 octobre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne chacun d’eux à six mois d’emprisonnement. Le 26 octobre, ils sont transférés à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (94), puis, trois jours plus tard, à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Val-d’Oise).
Le 4 avril 1941, à l’expiration de sa peine, Georges Mapataud est libéré, comme Roger Ménielle, probablement après avoir dû prendre l’engagement de ne plus avoir d’activité clandestine. Albert Duclos, lui, est interné administrativement et conduit au camp français d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise) le 21 avril.
Le 11 avril, Georges Mapataud s’inscrit au bureau de chômage de la mairie de Créteil. Puis il est embauché par le Commissariat pour la lutte contre le chômage et travaille comme terrassier sur le chantier n° 481 au lieu-dit Condorcet à Charentonneau, quartier de Maisons-Alfort (94). Bien noté sur son lieu de travail, « il est considéré comme un bon élément ne se faisant pas remarquer d’une façon particulière, notamment au point de vue politique » (rapport RG). Le 29 juillet, il arrive à Orléans (Loiret) pour être employé comme manœuvre à l’entreprise de démolition Campenon Bernard. Le 13 août, le préfet du Loiret envoie au préfet de police une liste de travailleurs du Bâtiment originaires notamment de Créteil, Alfortville et Maisons-Alfort, en lui demandant de préciser si ces individus sont connus de ses services comme militants communistes et quels sont leurs antécédents judiciaires. Le 8 septembre, les Renseignements généraux rendent un rapport mentionnant |’engagement passé d’un ex-militant des JC d’Alfortville et celui de Georges Mapataud, avec mention de sa condamnation. Cette information a-t-elle mis fin à son contrat de travail, par décision de son employeur ou par celle du préfet du Loiret ? À une date restant à préciser, il revient à Créteil.
Le 28 avril 1942, Georges Mapataud est arrêté à son domicile en tant qu’otage (comme Roger Ménielle et René Besse), lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement d’anciens militants communistes, dont certains ont précédemment fait l’objet de poursuites policières et/ou judiciaires pour activité clandestine (qu’ils aient ensuite été condamnés ou non). De nombreux militants de Paris-Est sont conduits en camions à la mairie de 12e arrondissement où ils sont mis en attente dans la cour, puis ils sont rassemblés dans un vélodrome – probablement celui du bois de Vincennes – pour le contrôle des listes. Après quoi, des autobus réquisitionnés, portant pour certains l’inscription « travailleurs volontaires en Allemagne », les amènent à la gare du Nord où ils montent, par groupe de cinquante, dans des wagons à bestiaux. Arrivés à la gare de Compiègne (Oise), sur la commune de Margny, ils sont escortés jusqu’au camp de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, Georges Mapataud est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Georges Mapataud est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45824, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement, et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Georges Mapataud.
Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]). Il a 20 ans.
Son camarade Roger Ménielle, sélectionné pour la chambre à gaz, meurt à Birkenau à une date inconnue ; probablement avant la mi-mars 1943.
Le jeune Albert Duclos est successivement interné dans les camps français d’Aincourt, Voves, Pithiviers (18 novembre 1943), puis, le 2 mars 1944, au camp allemand de Laleu à La Rochelle (Charente-Maritime), sous l’autorité de l’organisation Todt.
Début mai 1945, avant le deuxième tour des élections municipales, où se présente une liste d’union des forces de la Résistance, René Besse, seul rescapé cristolien du convoi, tout juste rentré, est amené à participer à un meeting dans la salle des fêtes de la mairie. On le pousse à raconter les épreuves traversées et cela l’amène à témoigner du sort de ses camarades disparus devant des familles dont il avait jusque-là éludé les questions sur le sort de leur proche. C’est probablement ainsi que la famille Mapataud apprend la mort de Georges.
Le nom de Georges Mapataud est inscrit parmi les déportés sur le Monument aux morts de Créteil, avenue du maréchal de Lattre-de-Tassigny.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-10-1994).
Notes :
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus sélectionnés à Auschwitz-I montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 387 et 412.
Témoignage de sa sœur, Denise Mapataud (02-2007) et document : attestation de la Fédération de la Seine du PCF (29-08-1947).
Laurent Lavefve, Mille et neuf jours, René Besse, la force d’un résistant déporté, Les Ardents Éditeurs, Limoges avril 2009 (ISBN : 978-2-917032-13-8), pages 83 et 84.
Archives de Paris : rôle correctionnel (D1u6 5850) ; jugements du tribunal correctionnel de la Seine (D1u6 3660).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; renseignements généraux, dossiers individuels de Mapataud Georges (77 W 1447-17383), de Ménielle Roger (77 W 1451-16473), de Perl Tadeusz (77 W 80-92879) ; cabinet du préfet, dossiers individuels de Ménielle Roger (1 W 1708-98855), de Duclos Albert (1 W 733-28366).
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 775 (31854/1942).
Site Mémorial GenWeb, 94-Créteil, relevé de Dominique Robichon (2000-2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 14-06-2016)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.