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Georges, Louis, Jean-Baptiste, Picot naît le 14 novembre 1892 à Saint-Amand-Montrond (Cher), fils d’Étienne Picot, 33 ans, tailleur d’habit, et de Louise Durand, 29 ans, son épouse, domiciliés au 64 (?), route du Pondy (8e quartier). Les témoins pour l’enregistrement à l’état civil sont deux vignerons. Georges, Louis a une sœur de trois ans plus âgée : Noémie. La famille a changé d’adresse lors du recensement de 1911.

Georges Picot commence à travailler comme tailleur d’habits, habitant à Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher).

Le 10 octobre 1913, Georges Picot est incorporé au 170e régiment d’infanterie afin d’effectuer son service militaire. Le 13 juin 1914, il passe au 62e régiment d’artillerie. L’ordre de mobilisation générale publié le 2 août suivant le maintient sous les drapeaux : il est mobilisé durant toute la Première Guerre mondiale. Il fait l’objet de deux citations et reçoit la Croix de guerre. Le 16 mai 1919, il passe au 7e régiment d’artillerie. Le 26 août suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Saint-Amand, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 14 février 1920, à Saint-Amand-Montrond, il se marie avec Renée D., 19 ans, employée de commerce. À une date restant à préciser, ils divorceront.

De ce premier mariage probablement, Georges Picot a une fille, Jeannine, née le 10 décembre 1923 à Saint-Amand.

Le 11 juillet 1931, à Paris 18e, il épouse en secondes noces Claudia, Louise, Garric, née le 25 avril 1898 à Carmaux (Tarn). Il habite alors au 13, rue Boinod, dans le même arrondissement. Fin novembre, ils demeurent au 71, avenue d’Italie (Paris 13e). Ils auront une fille, Simone, née le 2 octobre 1934, à Paris 16e, et un autre enfant âgé de 17 ans en 1941.

À partir de 1935 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 55, rue Planchat, à Paris 20e, vers la rue de Bagnolet.

Georges Picot est tailleur d’habits aux magasins de la Samaritaine. Son épouse y est confectionneuse.

Illustration d’un papier à en-tête pour un courrier envoyé en mai 1935. Collection Mémoire Vive.

Illustration d’un papier à en-tête pour un courrier envoyé en mai 1935.
Collection Mémoire Vive.

Communiste, Georges Picot milite activement dans son quartier : le dimanche, il vend la presse de son parti. Il a pour ami Augustin Gaye, délégué syndical du personnel des magasins de la Samaritaine, « congédié en raison de son attitude révolutionnaire », domicilié au 71, avenue d’Italie, membre de la section du 13e de la Région de Paris-ville.

Licencié à la suite des grèves de 1936, Georges Picot ne trouve plus que de « petits emplois ». À la veille de son arrestation, il est au chômage depuis deux mois.

« Aux début des hostilités », il est signalé à la police « comme tenant des propos défaitistes et distribuant des tracts ».

Son ami Augustin Gaye, mobilisé en septembre 1939 comme brancardier au 44e régiment de Pionniers, est fait prisonnier de guerre à Dunkerque en mai-juin 1940, puis interné au Stalag VI D, à Dortmund (libéré et rapatrié au début 1942, il fera alors l’objet d’une lettre de dénonciation au préfet de police).

Le 23 juin 1941, vers 23 h 30, « au cours d’une battue », des gardiens en civil du 20e arrondissement remarquent « l’apposition toute récente de papillons grossièrement façonnés au composteur et ainsi libellés : “Vive la République française des Soviets – Thorez au pouvoir” ». Sur l’indication d’un passant, ils arrêtent au carrefour de la rue d’Avron et de la rue des Pyrénées, Georges Picot et un autre militant, Eugène M., garçon de recettes âgé de 64 ans, beau-père de René Arrachard, ex-secrétaire de la Fédération du Bâtiment, alors prisonnier de guerre. Sur le point d’être appréhendé, Georges Picot jette par terre deux papillons. Il est également trouvé porteur d’un papillon identique plié dans son porte-monnaie. La perquisition effectuée à son domicile par le commissaire de police du quartier de Charonne n’amène la découverte d’aucun autre document ou tract clandestin. Par contre, chez Eugène M. est trouvée un fascicule d’Instruction et conseils aux chefs de groupes indiquant comment s’y prendre pour apposer des inscriptions et signé du responsable régional à la propagande de Paris-Ville, ainsi qu’une lettre manuscrite à l’amiral Darlan, Président du Conseil, « et qui est injurieuse ». Pris en « flagrant délit d’apposition de papillons communistes », les deux hommes sont envoyé au Dépôt  à la disposition du procureur de la République. Inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et Georges Picot est écroué dès le lendemain à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 4 juillet 1941, un délateur anonyme – qui s’y prend avec retard – écrit au préfet de police : « En ce moment où notre pays a besoin de vrais Français et que nombre d’individus font une propagande abjecte au profit des Soviets, j’ai l’honneur de vous informer que je connais un monsieur qui se permet de critiquer les anciens combattants 39-40 et distribue des tracts et imprimés communistes. Je vous prie donc de faire faire une enquête sérieuse au sujet de cet individu. Respectueuses salutations. Mr Louis Picot, 55 rue Planchat, Paris XXe ».

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 18 août 1941, les deux hommes comparaissent devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Georges Picot à six mois d’emprisonnement. Il est écroué à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, Georges Picot n’est pas libéré : le 13 février 1942, il est dans un groupe de vingt-quatre « militants communistes » – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité). Le 26 mars, le préfet signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939, officialisant la situation.

Le 26 mars, deux inspecteurs le conduisent à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu pour une consultation d’ophtalmologie.

Le 16 avril, Georges Picot fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 105.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Georges Picot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Georges Picot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45983, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Picot.

Il meurt le 19 septembre 1942 à Auschwitz, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]).

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).

Après-guerre, une plaque commémorative fut apposée sur la façade de sa dernière adresse, rue Planchat (… disparue aujourd’hui, janvier 2024).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 381 et 419.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Madame Picot, sa veuve (entretien avec Roger Arnould, avril 1972) – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste établie à partir d’un des registres des morts d’Auschwitz).
- Archives départementales du Cher (AD 18), site internet du Conseil général, archives en ligne : recensement de population de 1911 à Saint-Amand-Montrond (6M 0150 – vue 116/141) ; registre des matricules militaires, bureau de Bourges, classe 1912 (2R 707), matricule n° 1612 (vue 224/640).
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 5 juin au 22 septembre 1941 (D1u6-5857).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel des Renseignement généraux (77 W 22 – 88.680).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 927 (31834/1942).
- Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.