Justine (Germaine) Lagarde naît le 1er janvier 1903 à Sireuil (Charente – 16), fille de Jean Lagarde, 30 ans, cultivateur, et de Marguerite Marie Marchive, 22 ans, son épouse, demeurant ensemble au lieu-dit Bellevue.
Justine (Germaine) a un frère aîné, Jean Lagarde, né à Champs-Romain (Dordogne) le 9 mai 1897.
Le 21 mars 1907 à Angoulême, sa mère – alors domiciliée au lieu-dit Bouillon, commune de Gond-Pontouvre (16) – donne naissance à une sœur, Blanche Marthe Lagarde ; mais celle-ci décède prématurément le 24 juin 1908, âgée de 15 mois, au domicile familial, alors au village du Château, commune de Sireuil ; le père est manœuvre à la Mégisserie.
À des dates restant à préciser, les parents se séparent, puis divorcent…
Jean Lagarde père se (re-)marie avec Marie Déchamp le 6 mars 1915 à Gometz-le-Chatel (Seine-et-Oise / Essonne). En avril 1916, Jean Lagarde père est domicilié au 37 Grande Rue à Bourg-la-Reine (Seine / Hauts-de-Seine) ; lors du mariage de son fils, le 17 février 1919, patron-cultivateur, il est domicilié au 35 rue de Fresnes à (Chevilly-)Larue (Seine / Val-de-Marne), avec Marie, née en 1878 à Manot (Charente).
Le 21 juillet 1928 à Trappes (Seine-et-Oise / Yvelines), Justine (Germaine) Lagarde épouse Aristide Gaston Drapron, né (Caillé) le 21 décembre 1893 à Thairé(-d’Aunis) (Charente-Maritime), cheminot.
Ils ont une fille, Jeannine, née le 15 juillet 1929 à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime).
Sous l’Occupation, le couple Drapron habite à Saintes et milite clandestinement au sein du Front National [1].
Le 21 septembre 1942, un cheminot, ami du beau-père de Germaine, arrive chez eux, porteur d’une valise contenant des tracts qu’il a l’intention de leur laisser en dépôt. Mais ce militant clandestin était filé (circonstances à préciser…). Le couple est arrêté.
Germaine Drapron est emprisonnée à la prison militaire allemande de Lafond à La Rochelle (installé dans un hôpital psychiatrique évacué et réquisitionné), où se trouvent déjà Emma et Hélène Bolleau. Le 30 octobre, toutes trois sont à la Maison d’arrêt d’Angoulême, 112 rue Saint-Roch.
Le 18 novembre 1942, Germaine Drapron est transférée – avec Emma et Hélène Bolleau, Marcelle Bureau et Alice Varrailhon – au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, gardé par la Wehrmacht. Germaine Drapron y est enregistrée sous le matricule n° 1225.
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (Oise) : leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » (transférée à Compiègne le 22.1 ).
Le lendemain, Germaine Drapron fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept du quartier allemand de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camions à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes – dont Gaston Drapron – ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen [3] (Gaston y est enregistré sous le n° 58095), tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Germaine Drapron y est enregistrée sous le matricule n° 31809. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, toutes sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie allemande : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photos d’immatriculation de Germaine Drapron n’a pas été retrouvée).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive).
Le 3 août 1943, Germaine est parmi les survivantes placées en quarantaine dans une baraque en bois située en face de l’entrée du camp des femmes (celles qui ont été envoyées travailler au Kommando agricole de Raïsko étant considérées comme bénéficiant déjà d’une situation protégée). Charlotte Delbo précise : « La quarantaine, c’était le salut. Plus d’appel, plus de travail, plus de marche, un quart de litre de lait par jour, la possibilité de se laver, d’écrire une fois par mois, de recevoir des colis et des lettres. » Néanmoins, cinq Françaises, trop épuisées, y succombent encore. Pour les “31000”, cette période dure dix mois.
Dans la même période – après que leur présence ait “fuité” à la suite de quelques avis de décès parvenus en France -, les détenu·es politiques français·es d’Auschwitz et Birkenau survivant·es reçoivent la permission d’écrire à leurs proches (en allemand, sous visa de la censure du camp…).
En juin 1944, les “31000” de la quarantaine sont renvoyées au travail, mais affectées dans un atelier de couture moins épuisant où elles ravaudent les vêtements laissés par les Juifs « à l’entrée de la douche ». Des fenêtres de cet atelier, elles assistent à l’arrivée des convois de Juifs de Hongrie, débarqués sur une dérivation de la voie de chemin de fer qui se prolonge désormais à l’intérieur du camp.
Après le débarquement allié en France, un nouveau front s’y est créé que le courrier ne franchit plus.
Le 2 août 1944, Germaine fait partie des trente-cinq “31000” transférées au KL Ravensbrück où elles arrivent deux jours après ; la plupart étant enregistrée comme détenues “NN” (pas de travail hors du camp, pas de transfert dans un Kommando) et assignées à un Block réservé.
Le 2 mars 1945, Germaine Drapron est parmi les trente-trois “31000” transférées au KL Mauthausen, en Haute-Autriche (annexée au IIIe Reich) à environ 22 km de Linz, où elles arrivent le 5 mars après un voyage très pénible.
Ensuite, en les transportant de nuit, on conduit la plupart d’entre elles à la gare de triage d’Amstetten pour boucher les trous d’obus et déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine (trois “31000” seront tuées sous les bombes).
Le 22 avril 1945, Germaine fait partie des trente “31000” prises en charge par la Croix-Rouge internationale et acheminées en camion à Saint-Gall (Sankt Gallen), au sud du lac de Constance, en Suisse alémanique.
Germaine Drapron est homologuée au grade fictif de soldat de deuxième classe dans la Résistance intérieure française (R.I.F.).
Gaston Drapron décède à Saintes le 21 mars 1984, âgé de 90 ans.
Notes :
[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).
[2] Les Lilas : Jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[3] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 97-98.
Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine : registre du fort de Romainville (microfilm MIC/F/9/5578).
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, convoi I.74, tome 1, pages 577-579, 582 et 611.
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 18-10-2024)
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