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Guy, Étienne, Victor, Lecrux naît le 26 juillet 1920 à Reims (Marne – 51), fils de Maurice Lecrux, 31 ans, et Juliette Peiffer, 31 ans, son épouse. Guy a une sœur ainée, Henriette Marguerite, née le 5 octobre 1918 à Paris (à vérifier…).
Au printemps 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Guy Lecrux est domicilié chez ses parents au 32, rue Camille-Lenoir à Reims. Il est célibataire.
Guy Lecrux est électricien (employé auxiliaire) à la gare SNCF de Reims.
- Reims, la gare dans les années 1920.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.
Secrétaire de la section rémoise des Jeunesses communistes, il devient secrétaire permanent pour le département.
Sous l’occupation, il est actif dans la résistance communiste. Il est l’adjoint de Cécile Ouzoulias-Romagon au niveau du département, et plus spécialement chargé de l’O.S. [1]
Le 22 janvier 1941, il est arrêté à son domicile par l’inspecteur principal Hincelin [2], sous l’inculpation de « menées tentant à la réorganisation d’association dissoute et de diffusion des mots d’ordre de la 3e Internationale » (décret du 26/09/1939). En même temps que lui sont arrêtés sa fiancée, Simone Bastien, et cinq autres personnes (Léon Bouleix, Vonehr, Mierement ?).
Guy Lecrux est écroué en détention préventive à la Maison d’arrêt et de correction de Reims, boulevard Robespierre. Le 26 février 1941, le Tribunal correctionnel de Reims le condamne à six mois d’emprisonnement et 100 F d’amende pour « propagande communiste, détention de matériel d’imprimerie, documents et imprimés mis en circulation, infraction au décret du 26 septembre 1939, reconstitution du Parti communiste et des Jeunesses communistes ». Il fait appel du jugement. La SNCF est informée du déroulement de la procédure.
Le 5 avril, il est transféré à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e, pour sa comparution devant la Cour d’appel de Paris. Le 20 mai, il passe devant la 10e chambre de cette juridiction. Remis à huitaine, le jugement est confirmé par la Cour le 27 mai.
Le 2 ou 3 juin, Guy Lecrux est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; n° d’écrou “correction homme” 8340. Le 7 juin, au lendemain de l’expiration de sa peine, le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Guy Lecrux semble néanmoins avoir été libéré (dans quelles conditions ?)
Le 23 juillet, il est de nouveau arrêté dans le cadre de l’opération Theoderich organisé par l’occupant en corrélation avec l’attaque de l’Union soviétique [3]. Détenu quelques jours à Châlons-sur-Marne, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager ; matricule n° 1442, bâtiment A2. En janvier 1942, il est inscrit sur la liste des jeunes communistes destinés à être déportés (avis d’Otto von Stülpnagel du 14/12/1942). Le 5 mars, il voit arriver les otages arrêtés dans la Marne le 26 février (essentiellement des Rémois).
Guy Lecrux participe activement à l’organisation communiste clandestine dans le cadre du “Comité des loisirs”. Il suit les cours d’italien, de géographie, d’instruction civique, d’électricité, dispensés par des détenus enseignants ou techniciens avant leur arrestation.
Entre fin avril et fin juin 1942, Guy Lecrux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Guy Lecrux parvient à jeter sur la voie un petit calepin avec un message prévenant sa compagne : « tous les Rémois dans le train (déportation) sauf Gaston Digrell ».
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Guy Lecrux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45756 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Guy Lecrux est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Dès le lendemain, assigné au Block 15 A, il est affecté comme monteur électricien.
Quand il se retrouve très affaibli, il est admis au Revier, « l’infirmerie » du camp.
Après en être sorti, Guy Lecrux se rend avec Pélissou devant le Block 24, près de l’entrée du camp, où des détenus autrichiens leur donnent un peu de soupe.
Au début d’octobre 1942, Karl Lill, déporté allemand, et Hermann Langbein, déporté autrichien, organisateurs du Comité international de Résistance, décident d’aider et de ravitailler systématiquement deux jeunes Français : avec de meilleures chances de survie, ceux-ci pourront reprendre des forces, aider leurs camarades français (très isolés) et participer à la Résistance clandestine. Sont désignés Robert Lambotte et Guy Lecrux. Effectivement, plus tard, Guy Lecrux transmet les mots d’ordre et instructions de la Résistance à plusieurs “45000” dont Gabriel Lejard.
En novembre 1942, amené à travailler à Birkenau, il entre en contact avec quelques camarades de son convoi, qui lui apprennent notamment que Roland Soyeux, cheminot de Reims, s’est fait admettre au Revier.
Le 4 juillet 1943, comme les autres “politiques” français (essentiellement des “45000” rescapés), Guy Lecrux reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.
Du 25 juillet au 25 septembre 1943, il est astreint à deux mois de Strafkompanie (SK), Kommandodisciplinaire alors installé à Birkenau dans le Block 11 du secteur BIId, et chargé de creuser le fossé central de drainage Königsgraben pour l’évacuation des eaux du camp vers la Vistule ; travail particulièrement exténuant consistant à creuser un fossé profond dans un terrain marécageux, à en renforcer les bords avec de l’osier, à leur donner la meilleure inclinaison et à les couvrir de gazon. Il est possible que cette punition soit levée le 14 août pour Guy Lecrux, c’est-à-dire avant son terme.
Ensuite, Guy Lecrux rejoint les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) et mis en “quarantaine” au premier étage du Block 11. Ceux-ci sont exemptés de travail et d’appel extérieur, mais témoins des exécutions massives de résistants, d’otages et de détenus dans la cour mitoyenne.
Le 12 décembre 1943, suite à la visite d’inspection du nouveau chef de camp, le SS-ObersturmbannführerArthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de “récupérer”, ils sont renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Au cours de sa détention à Auschwitz, Guy Lecruxl passe au moins une fois devant le service radiologique du camp.
Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [4] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “proeminenten” polonais) transférés au KL [5] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin (matricule 94266).
Le 5 octobre, il est parmi les huit “45000” transférés avec d’autres détenus à Kochendorf (Kommando de Natzweiler-Struthof), dans le massif du Neckar, une ancienne mine de sel aménagée en usine souterraine pour la construction des V2. Guy Lecrux reste en compagnie de Gabriel Lejard.
Fin mars 1945, le même groupe est dans une colonne de détenus évacués à marche forcée jusqu’à Augsbourg, puis en train jusqu’au KL Dachau, où ils arrivent le 8 avril (n° 149704).
Le 29 avril 1945, le camp est libéré par les troupes américaines, mais le typhus s’y est propagé. Guy Lecrux n’est rapatrié qu’en juin, après une période de convalescence. D’Allemagne, il écrit à ses parents pour les prévenir : « Je ne suis plus le gamin d’il y a quatre ans. J’ai vu trop d’atrocités. Il y a bien longtemps que je n’ai pas ri. J’en suis arrivé à avoir oublié la notion de la vie et de la mort. (…) Je n’ai rien, juste ma tenue rayée et mon numéro de bagnard tatoué, obligatoirement, sur le bras gauche. » Le 28 mai, il passe par le centre d’Emmendingen (Bade-Wurtemberg).
Le 5 juin, il est rapatrié en France par Mulhouse.
Dès le 15 juin 1945, il atteste pour l’épouse d’André Crépin, de Reims, que celui-ci est « entré à l’infirmerie fin septembre 1942 avec la dysenterie et les jambes enflées. Quelques jours après, l’hôpital fut vidé de ses occupants et ceux-ci conduits à la chambre à gaz ». Il ajoute à l’appui : « Le 3 mars 1943, nous savions par nos camarades allemands travaillant au secrétariat qu’il restait 144 Français [politiques] vivants au camp et qu’aucun n’était parti en transport. M. Crépin n’était pas parmi les survivants ». Il rédigera de telles attestations pour plusieurs épouses de ses compagnons de Reims morts à Auschwitz-Birkenau.
Le 27 février 1946, à Reims, il épouse Simone Bastien, née le 8 février 1921 dans cette ville, fille d’un apprêteur et d’une couturière. Membre des Jeunesses communistes à Reims en 1936, du Parti communiste en 1938, Simone Bastien fut emprisonnée en janvier 1941 à Reims et demeura détenue pendant huit mois. Libérée, elle se rendit à Rennes (Ille-et-Vilaine) puis à Brest (Finistère), participant à l’action clandestine du Parti communiste. Arrêtée fin 1942, elle fut déportée au KL Ravensbrück d’où elle revint.
Guy Lecrux reçoit la médaille de la Résistance (journal officiel du 11-07-1946).
Entre 1945 et 1952, il est domicilié au 91, route nationale à Witry-les-Reims (51).
Le 2 novembre 1949, il signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté résistant. Mais la commission départementale de la Marne portant un avis défavorable en avril 1952, celui-ci lui est refusé – il est seulement homologué comme déporté politique fin mai 1954 (carte n° 111 811 269)
En 1953, il est domicilié rue Curie à Saint-Brice-Courcelles (51).
Plus tard, il s’établit comme débitant de tabacs puis libraire à Précy-sur-Thil (Côte-d’Or), domicilié au 10, rue de l’église, sans parvenir à se remettre des souffrances endurées et de la maladie (troubles digestifs – ulcère de l’estomac opéré dès 1948 -, douleurs lombaires interdisant la station debout prolongée, asthénie migraines…) : il est pensionné avec un taux d’invalidité de 70 %.
Il décède dans un hôpital de Dijon le 3 juin 1963, à l’âge de 42 ans.
Les Anciens Combattants d’Ille-et-Vilaine, site Mémoire de guerre
Simone Bastien (Mme Lecrux) vient de mourir à Quétigny près de Dijon le 16 novembre 2006.
Elle fut la première internée politique de la prison de Reims. Ouvrière du textile, militante de l’Union des Jeunes Filles de France (Jeunesses communistes), c’est dès octobre 1940 qu’elle s’engage dans l’action résistante.
Le 21 janvier 1941, elle est arrêtée à Reims pour « propagande communiste et tentative de reconstitution de groupement dissous ». Elle n’a pas encore ses 20 ans qu’elle atteindra dans une geôle de la prison de Reims avant d’être transférée à la Roquette puis à Fresnes et à la centrale des femmes de Rennes où elle finira de purger ses 8 mois de condamnation. En même temps qu’elle, six jeunes gens de 18 à 22 ans ont été arrêtés, dont Guy Lecrux, jeune cheminot, son futur mari.
Sa peine accomplie, le 23 septembre 1941, elle rejoint la région de Châlons et Épernay où elle reprend son activité de Résistante, mais, en raison des risques de nouvelle arrestation, elle doit changer de région pour la Bretagne où, via Rennes, elle rejoint vers la mi-octobre les FTP de Quimper puis des Côtes-du-Nord sous sa nouvelle identité “Monique Deschamps”. Guy Lecrux libéré deux mois avant elle, a été de nouveau arrêté 15 jours après sa sortie.
À Rennes, elle est impliquée dans la réorganisation des groupes FTP suite à l’évasion spectaculaire de Louis Coquillet.
Chargée d’organiser des groupes de jeunes FTP dans le secteur de Plouaret, de septembre 1941 jusqu’à la date de son arrestation par la SPAC et les séides de Larrieux sur le secteur de Saint-Brieuc en août 1943 Armée, elle est blessée par balle et hospitalisée à Guingamp avant d’être transférée à la prison Jacques Cartier à Rennes après interrogatoire. Quarante personnes, 16 femmes et 28 hommes, ont été arrêtées sur le secteur de Saint-Brieuc au même moment. A la prison de Rennes elle partage la cellule de Madeleine Allard, la belle-fille du Général Allard, futur chef de l’Armée Secrète pour la zone M2, arrêtée avec sa belle-mère à Messac le 1er décembre 1943.
Le 7 mai 1944, Simone Bastien est extraite de sa cellule et placée sur un convoi pour Romainville. Le 6 juin 1944, avec une soixantaine d’autres femmes elle part de la gare de l’Est pour Sarrebruck (camp de Neue-Bremm). Regroupées à 100 ou 120 dans des wagons à bestiaux, le nouveau convoi arrive à Ravensbrück 26 juin 1944 (matricule : 43048). C’est là qu’elle retrouvera en septembre 1944 Madeleine et Marguerite Allard parties de Rennes la nuit du 1er au 2 août par le “Train de Langeais” alors que les Alliés étaient aux portes de la ville. Marguerite Allard disparaîtra au revier et au crématoire de Ravensbrück le 25 ou 26 février 1945. Après Ravensbrück, elle connait la prison de Leitmeritz, située au nord-ouest de Prague . Elle sera libérée le 10 mai 1945 à Teplitz-Schönau.
A son retour d’Auschwitz, Guy Lecrux reprendra son travail à la SNCF mais les séquelles de sa déportation ayant gravement détérioré sa santé, il décèdera prématurément en 1963, laissant Simone Bastien veuve avec quatre enfants en bas âge.
Simone Bastien avait elle aussi gardé de graves séquelles des bagnes nazis, ; il y a trois ans elle a dû quitter sa maison pour un foyer logement à Dijon, puis une maison médicalisée à Quétigny lorsque son état de santé s’est aggravé.
Elle avait été très affectée par la disparition accidentelle de son amie Madeleine Allard le 30 août 2004.
Décorations :
Sous-lieutenant F.F.I.
Déportée à Ravensbrück
Officier de la Légion d’honneur
Croix de guerre 35-45
Croix du Combattant volontaire de la Résistance
Médaille de la Résistance
Croix du Combattant – Citation à l’ordre de la Division de la XIe Région Militaire
Médaille de la déportation et des internés de la Résistance
Chevalier de l’ordre républicain et du Mérite civique et militaire
Jean-Claude BOURGEON
Le Bien Public, Les Dépêches, mardi 28 novembre 2006
Nécrologie
Simone Lecrux, grande dame de la Résistance
À Ravensbrûck, Simone Lecrux avait connu Marcelle Pardé, disparue en déportation. En 1995, elle avait accompagné 45 collégiens du collège où l’on avait commémoré de façon particulièrement solennelle le cinquantenaire de la disparition de Marcelle Pardé et Simone Plessis. De ce retour douloureux, elle dira : « En fait, on a toujours un pied là-bas. Il y a des moments, on a même l’impression de n’en être pas revenus »
Une grande dame de la Résistance nous a quittés. Simone Lecrux, née Bastien, vient de mourir à Quetigny près de Dijon. Ouvrière du textile, militante de l’Union des jeunes filles de France (Jeunesses communistes), c’est dès octobre 1940 qu’elle s’engage dans l’action résistante. Le 21 janvier 1941, elle est arrêtée à Reims pour « propagande communiste et tentative de reconstitution de groupement dissous », première internée politique. Sa peine accomplie, le 23 septembre 1941, elle rejoint Châlons et Épernay où elle reprend son activité de résistante, avant de partir pour la Bretagne. A Rennes, elle est impliquée dans la réorganisation des groupes FTP suite à l’évasion spectaculaire de Louis Coquillet. Guy Lecrux, qui avait été arrêté en même temps qu’elle et libéré deux mois avant, a été de nouveau arrêté 15 jours après sa sortie. En août 1943, Simone est arrêtée par la SPAC et les séides de Larrieux sur le secteur de Saint-Brieuc. À la prison de Rennes, elle partage la cellule de Madeleine Allard, la belle-fille du général Allard, futur chef de l’armée secrète pour la zone M2, arrêtée avec sa belle-mère à Messac le 1er décembre 1943.
Le 7 mai 1944, Simone Bastien est extraite de sa cellule et placée sur un convoi pour Romainville. Le 6 juin 1944, avec une soixantaine d’autres femmes, elle part de la gare de l’Est pour Sarrebruck. Le nouveau convoi arrive à Ravensbrûck le 26 juin 1944.
À son retour d’Auschwitz, Guy Lecrux reprendra son travail à la SNCF, mais il décédera prématurément en 1963, laissant Simone Lecrux veuve avec quatre enfants mineurs. Pendant dix ans, secondée par ses enfants, elle tient le tabac-presse de Précy-sous-Thil qu’elle a acheté en 1960.
Régulièrement, elle intervenait dans les collèges et lycées pour le Concours national de la Résistance et la Déportation, en particulier au collège Marcelle-Pardé.
Simone Lecrux avait gardé de graves séquelles des bagnes nazis ; il y a trois ans, elle a dû quitter sa maison pour un foyer logement à Dijon puis une résidence médicalisée à Quetigny. Simone Lecrux était officier de la Légion d’honneur.
Simone Lecrux, née Bastien, 85 ans, a été incinérée au crématorium de Dijon-Mirande le 22 novembre 2006.
Notes :
[1] O.S. : organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin créée à partir de septembre 1940, à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public, les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée.
[2] L’inspecteur Hincelin, responsable de nombreuses arrestations, sera suspendu à la Libération, mais réintégré en 1946.
[3] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[4] Les trente d’Auschwitz vers Sachso (ordre des matricules, noms de G à P) : Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).
[5] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.
Sources :
Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron : une notice est consacrée à Guy Lecrux et une autre à Simone Bastien, citant Eugène Kerbaul, 1640 militants du Finistère, 1988, Bagnolet.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 349, 358, 366 et 410.
Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7042).
Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Maison d’arrêt de Fresnes, registre d’écrou n° 151, “correction hommes” du 20 avril au 7 juillet 1941, cote 2742w18.
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Guy Lecrux (cote 21 p 482 683), dossier d’André Crépin (cote 21 p 439 224), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).
Cl. Cardon-Hamet, notice, citant les sources suivantes :
Irena Strzelecka, Les punitions et la torture, in Auschwitz 1940-1945, vol. II, Les détenus – La vie et le travail, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011, traduction Pierre Faulet, chapitre XI, pages 449-453.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).
Simone Bastien-Lecrux, sa veuve, a apporté son aide à Roger Arnould (documentaliste de la FNDIRP, décédé en 1994), a recherché les “45000” de la Marne et lui a apporté toute la documentation qu’elle pouvait rassembler.
Monique, sa fille, complète la documentation concernant son père pour l’exposition présentée à Reims par l’AFMD, le 4 décembre 2002, sur le convoi du 6 juillet 1942 et sur les “45000” de la Marne.
Témoignages : lettre de Georges Gourdon, de Creil (60), souvenirs de Gabriel Lejard, de Dijon.
Dessins-souvenirs de la main de Guy Lecrux : calendrier et plan de la prison de la Santé.
Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, Paris 1975.
Cécile Ouzoulias-Romagon, J’étais agent de liaison des FTPF, éditions Messidor, collection Documents, Paris 1988, page 90 (elle pense qu’il a été déporté dans le convoi de Marcel Paul et qu’il est mort en camp).
MÉMOIRE VIVE
( dernière mise à jour, le 8-09-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.