Henri, Albert, Breton naît le 20 septembre 1896 à Saint-Sauveur-la-Pommeraye (Manche), fils d’Albert Valentin Breton, 25 ans, « employé au chemin de fer », et de Maria Felicia Rene, 25 ans, couturière, son épouse, Henri a un frère plus jeune, Lucien, Eugène, né le 20 août 1897 à Romilly-sur-Andelle (Eure).
En 1899, ses parents se sont installés au 25, cité Grenet à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [2] – 76), où sa sœur Georgette naît le 28 novembre.
Pendant un temps, Henri Breton habite chez ses parents au 14, rue Boïeldieu à Sotteville.
En 1911, il entre comme chaudronnier en fer aux Chemins de fer de l’État (où est employé son père), compagnie qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1].
Le 11 avril 1915, Henri Breton est incorporé comme soldat de 2e classe au 129e régiment d’infanterie. Le 1er décembre suivant, il passe au 24e R.I. Le 25 avril 1916, il passe au 69e R.I. Le 30 juillet suivant, lors de la Bataille de la Somme, à Curlu (Somme), il est blessé au cours d’une offensive française vers les tranchées allemandes. Le 28 avril 1917, dans le secteur de Verneuil-Moussy (Aisne), sous le Chemin des Dames, après la prise du village de Braye-en-Laonnois, il est de nouveau blessé. Le 29 septembre suivant, il est cité à l’ordre de son régiment : « Bon soldat, brave au feu ». Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.
Le 22 août 1918, lors d’une offensive française pour reprendre le village de Bieuxy (Aisne), il est blessé pour la troisième fois. Le 22 décembre suivant, il passe au 60e régiment d’infanterie territoriale, dans une compagnie alors affectée au triage des prisonniers de guerre français rapatriés. En octobre 1924, la commission de réforme de Rouen lui accordera une pension d’invalidité de 20 % pour « sclérose du sommet gauche imputable au service ». En juin 1932, il recevra la Médaille militaire.
Le 10 avril 1919, Henri Breton reprend son métier de chaudronnier au dépôt de Sotteville-lès-Rouen.
Le 10 janvier 1916, son frère Lucien a également été mobilisé dans l’infanterie. Soldat de 2e classe au 32e R.I., il a été blessé à l’avant-bras droit par éclat d’obus le 23 juillet 1917 dans le secteur de Craonne. Par la suite, il a été hospitalisé à plusieurs reprises pour maladie. Envoyé en congé illimité de démobilisation le 25 septembre 1919, il s’est d’abord retiré au 32, rue Victor-Hugo, puis le 10 octobre, au 2, rue Dumont. Le 5 novembre 1925, le conseil de réforme de Rouen lui allouera une pension d’invalidité de 100 % pour bacillose pulmonaire bilatérale imputable au service (réformé définitif n°1).
Le 15 octobre 1921, à Amfréville-la-Mivoie (76), Henri Breton se marie avec Augustine Virginie Pouchard, née le 29 mars 1898 dans cette commune, mécanicienne chez Rousseau, et jusque-là domiciliée chez ses parents au 45 route de Paris. Ils n’auront pas d’enfant.
En septembre 1928, le couple est domicilié au 103, “boulevard” du 14 Juillet à Sotteville-lès-Rouen (76).
Le 12 mars 1929, son frère Lucien – qui a été également employé des Chemins de fer de l’État comme facteur – décède à Sotteville, âgé de 32 ans.
À la mi-novembre 1931, Henri Breton est domicilié au 12, rue Dumont, à Sotteville.
Le 23 mars 1932, le commissaire spécial de Rouen établit une notice individuelle à son nom, le désignant comme « militant et propagandiste du parti communiste et du syndicalisme unitaire […] ne semble pas être dangereux au point de vue national et ne paraît pas devoir être inscrit au carnet B » ; il habite alors avenue du 14 Juillet à Sotteville-lès-Rouen (76).
En 1932 et 1933, Henri Breton est membre du Conseil d’administration de la Maison du Peuple de Sotteville, sise au 323, rue de la République (il est possible qu’il y occupe un logement de fonction). En 1934, il est trésorier de la 19e U.R.U., puis gérant du bar Renaissance, propriété de la Maison du Peuple.
À la mi-février 1936, il retourne rue Dumont ; au moment de son arrestation, il est domicilié au n° 75 de cette rue.
Le 10 janvier 1938, le préfet de Seine-Inférieure demande au commissaire spécial de police de Rouen de faire procéder à une enquête discrète sur le Parti communiste dans l’arrondissement de Rouen en vue de le renseigner exactement sur le siège des sections et des cellules, leurs dirigeants et leurs principaux membres (enquête qui compléterait celle de 1934-1935). Quatre jours plus tard, le commissaire de police de Sotteville rend son rapport au commissaire spécial : la cellule du dépôt de Sotteville, directement attachée au rayon (la section du PC) siégeant à la Maison du Peuple, réunit 56 adhérents. Henri Breton et Marcel Dumont reçoivent les cotisations.
En 1939, Henri Breton héberge chez lui Hubert Laubach, “apatride” natif d’Allemagne, ancien légionnaire et ancien brigadiste en Espagne, qui assure la liaison entre les groupes communistes de Sotteville, de Saint-Étienne-de-Rouvray et d’Oissel. Augustine, l’épouse d’Henri Breton, est membre du Comité mondial des femmes contre le fascisme et la guerre.
Après l’interdiction du Parti communiste, le commissaire de police de Sotteville sollicite du préfet de Seine-Inférieure la possibilité d’effectuer des visites domiciliaires chez quinze militants de la commune, dans la perspective d’y trouver des documents pouvant les compromettre. « Il y aurait intérêt à ce que ces perquisitions soient faites dans un délai assez bref – un samedi de préférence – et à un intervalle minimum les unes des autres ; s’il était possible que plusieurs officiers de police judiciaire en soient chargés et puissent y procéder simultanément, en se déplaçant chacun en automobile, les chances de succès en seraient augmentées. Je mets ma voiture personnelle à la disposition de l’administration pour ces opérations. » Henri Breton – soupçonné de détenir des tracts communistes ainsi que des documents de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) – ainsi que son hôte allemand sont les premiers sur la liste. La suite est inconnue.
Quoi qu’il en soit, selon la police, Henri Breton et Hubert Laubach restent actifs dans la clandestinité, selon la police, en contact – entre autres – avec Émile Billoquet.
Le 29 novembre 1941, Henri Breton est arrêté par la police française pour le compte de la Felkommandantur de Rouen, « soupçonné d’avoir participé à l’attentat contre la librairie allemande de Rouen [3] », de même que plusieurs cheminots de Sotteville-Octeville (François Pelletan, André Poirier, Marius Vallée…).
Le 15 janvier 1942, Henri Breton est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Henri Breton est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 46224, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Breton.Il meurt à Auschwitz le 17 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Lucien Matté, de Paris 12e, et Étienne Pessot, de Cachan (94).
En 1945, Augustine Breton, sa veuve habite au 21, rue J.-Lebac à Petit-Quevilly. Elle décède le 19 février 1948 à Etrépagny (Eure).
Le nom d’Henri Breton est inscrit sur le monument aux morts SNCF du dépôt de Sotteville-lès-Rouen et sur le monument aux morts de Petit-Quevilly.
À Rouen…
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
[2] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[3] Selon Albert Ouzoulias : « Le 28 novembre (1941), Lefebvre (Marc), un jeune cheminot breton qui travaille à Sotteville, lance une bombe dans la vitrine de la librairie allemande de Rouen, rue Jeanne-d’Arc ; l’engin a été confectionné avec un bout de tube de chaudière de locomotive du dépôt de Sotteville. » in Les Bataillons de la Jeunesse, 1967, p. 200. … ce qui explique la désignation comme otages de militants arrêtés dans ce secteur (la date du 26 novembre est aussi donnée). L’engin n’a pas explosé.
[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 62 (note), 150 et 153, 377 et 397.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et les “31000” de Haute-Normandie, Rouen 2000, citant : documents allemands du S.D. (Sichereitsdienst, service de renseignement de la SS), feuillet 55, Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris – Liste établie par Louis Jouvin (45697), du Grand-Quevilly.
Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’hôtel du département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Bl à Bu (51 W 411), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : Archives restituées par la Russie, commissariat spécial de Rouen 1920-1940 (20010223/2, doc. 96-98).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 132 (36325/1942).
Site du Groupe Archives Quatre-Mares (GAQM).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 275-276.
Base de données des archives historiques SNCF : service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne, de A à Q (0110LM0108).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-12-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.