- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Henri, Edmond, Robert, Duval naît le 21 juillet 1898 à Paris 19e, chez ses parents, Gervais Duval, 35 ans, comptable, et Marie Cucu, vingt-neuf ans, son épouse, domiciliés au 40 rue Secrétan.
Plus tard, Henri Duval habite avec ses parents dans un immeuble au 11, rue de Flandre (Paris 19e). Il commence à travailler comme ajusteur.
Le 16 avril 1917, il est incorporé au 31e régiment d’artillerie de campagne. Le 21 décembre suivant, il passe au 26e R.A.C. Le 9 janvier 1918, il passe au 250e R.A.C., sur le front. Le 1er novembre suivant, il est nommé à l’ordre de son régiment : « jeune téléphoniste plein d’entrain et de bravoure, a rendu les plus grands services au cours des offensives de septembre 1918 en coopérant activement de jour et de nuit au bon fonctionnement du service téléphonique de sa batterie dans des circonstances difficiles ». Il recevra la Médaille de la Victoire.
Il a un frère tué à la guerre (non identifié).
Le 24 avril 1919, il passe au 49e R.A.C. Le 5 décembre suivant, il passe au 5e régiment du Génie. Le 28 mai 1920, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
Au printemps 1922, Henri Duval travaille comme charcutier dans la boutique de la famille Caillette, sur le trottoir en face de son domicile.
Le 20 avril 1922 à Paris 19e, Henri Duval se marie avec Lucie Caillette, 18 ans, charcutière, la fille de la maison. Tous deux sont alors domiciliés au 10, rue de Flandre, chez les parents de Lucie, charcutiers. Mais, le 15 mai 1928, le tribunal civil de la Seine prononce leur divorce.
En 1928, Henri Duval se met en ménage avec Valentine Rosalie Guérin, née le 4 mai 1883 à Chémeré-le-Roi (Mayenne) ; ils ont quinze ans de différence d’âge.
En avril 1932 et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Duval est domicilié au 52, rue Marie-Anne-Colombier, à Bagnolet [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).
En 1936, “métallo”, il est chaudronnier aux usines Renault.
En octobre 1938, l’armée le classe dans l’“affectation spéciale” au titre de la S.A. des appareils G.A.L. (?), au 80 boulevard Bourdon à Neuilly-sur-Seine. Le 19 juin 1939, il est rayé de l’affectation spéciale et réintégré à sa subdivision militaire d’origine.
Le 15 octobre suivant, il est classé dans l’affectation spéciale jusqu’au 1er janvier 1940 au titre de la Société générale de Fabrication aéronautique (?) à Billancourt. Le 13 mai suivant, il est rayé de l’affectation spéciale « par mesure disciplinaire », mais est réintégré une semaine plus tard.
Sous l’occupation, le commissaire de police de la circonscription des Lilas le considère « comme communiste notoire et militant actif », « connu pour coller et distribuer des tracts » (“blanc” des R.G. de novembre 1963).
Dans la nuit du 3 au 4 juillet 1941, Henri Duval est arrêté à son domicile par des inspecteurs de police du commissariat des Lilas, sans obtenir de leur part ni de celle du commissaire « la moindre explication sur les motifs de cette arrestation ». Le jour même, il est interné administrativement en application du décret du 18 novembre 1939, comme « détenu communiste », à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris., « en attendant son transfert dans un centre de séjour surveillé » Il est assigné à la chambre 15 du bâtiment A.
Le 22 juillet, Henri Duval écrit au préfet de police : « Je vous demande de faire le nécessaire pour enquête qui prouvera mon travail assidu, ma moralité et mon honorabilité. Je vous serai donc vivement obligé, Monsieur le Préfet, de bien vouloir me faire connaître les motifs et la durée de ma détention, et, si rien de précis ne peut être retenu contre moi, comme j’en suis persuadé, de bien vouloir ordonner ma libération. Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, mes remerciements anticipés. »
Le 9 octobre 1941, Henri Duval est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.
Le 14 janvier 1942, le préfet de la Vienne écrit au préfet de police, direction des Renseignements généraux, à Paris : « Monsieur l’Ambassadeur de France, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, m’a transmis une requête tendant à la libération de Duval Henri […] Le commandant dudit camp me fait savoir que, depuis son internement à Rouillé, la conduite de Duval n’a donné lieu à aucune observation. Je vous serais obligé de me faire connaître votre avis sur la suite que comporte cette affaire. » Le 8 février, le bureau R.G.1 de la préfecture de police répond : « Le commissaire de police des Lilas, consulté sur l’opportunité de lever ou de maintenir la mesure d’internement prise à son égard, fait savoir ce qui suit : Il est possible que Duval soit revenu à de meilleurs sentiments. Mais il est à craindre qu’au contact de certains éléments résidant dans la localité, il ne reprenne son activité. En conséquence, la libération de Duval paraît actuellement inopportune. »
Le 22 mai 1942, Henri Duval partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Duval est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jour et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Henri Duval est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45519 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Duval.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).
Cette date est inscrite à l’état civil français le 20 novembre 1947.
Au printemps 1957, Valentine Guérin, qui se fait appeler Madame Duval (mariage incertain…), complète et signe un formulaire du ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander un “secours de compagne”.
En 1963, Valentine Guérin complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son compagnon à titre posthume (suite à vérifier…).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 30-05-1989).
Notes :
[1] Bagnolet : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 384 et 403.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 19e arrondissement à la date du 22-07-1898 (V4E 10578, acte n°1874, vue 28/31.
Jean-Pierre Gast, Bagnolet 1939-1940, éd. Folies d’encre, août 2004, liste « Résistants déportés » page 285.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, (BA ?) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 w 55-26899).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 78.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 248 (31610/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-05-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.