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IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri Nozières naît le 2 août 1904 à la maternité de l’hôpital Saint-Louis à Paris 10e, fils d’Henri Eugène Nozières, 31 ans, sellier, et de Louise Eugénie Lobjoit, 26 ans, son épouse, domiciliés au 24, rue du Terrage. Ses parents ont précédemment eu un premier fils, Eugène Auguste, né 22 août 1903, mais décédé chez eux un mois plus tard.

Après la naissance d’Henri, les Nozières ont deux filles : Lucienne, née le 25 octobre 1905, puis Marie Louise, née le 21 avril 1909, alors que la famille est domiciliée au 11, rue Sainte-Marthe.

En 1914, la famille a emménagé rue du Parc à Bobigny [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), probablement dans un nouveau secteur de lotissement divisé en terrains de petites tailles.

Dans la nuit du 1er au 2 février 1920, le père de famille, alors veilleur de nuit, décède route des Petits Ponts, devenue rue Henri-Barbusse, à Bobigny (décès déclaré par un garde champêtre et un appariteur de la ville).

Henri Nozières vit ensuite avec sa mère et ses sœurs dans une maisonnette en bois dite « Villa Bien Gagnée », située (en 1924) entre les n° 16 et 34, rue du Parc prolongée à Bobigny ; très probablement le domicile où ils vivent déjà depuis plusieurs années.

Le jeune homme commence à travailler comme mouleur ou fondeur à La Folie.

Le 20 novembre 1923, Henri Nozières est élu secrétaire du groupe de Bobigny des Jeunesses communistes de la Seine. Cinq jours plus tard, il est élu membre de la commission exécutive des Pupilles de la 4e Entente. Le 20 juillet 1924, il est élu membre du Cercle d’Études de cette C.E. Il est alors employé au service du nettoiement de la commune de Bobigny. En septembre de cette année, il fait l’objet d’une note des Renseignements généraux de la préfecture de police mentionnant ses engagements politiques, document qui servira une vingtaine d’années plus tard à justifier la répression le visant.

Entre temps, le 14 décembre 1923, sa sœur Lucienne s’est mariée à Bobigny, quittant le foyer.

Le 10 novembre 1924, Henri Nozières est appelé à accomplir son service militaire et rejoint, quatre jours plus tard, l’artillerie de la 3e division légère. Alors qu’il est sous les drapeaux, la Fédération nationale des JC lui adresse le journal La Caserne et son supplément La page de J. Le Goin du 20 février 1925. Le 8 mai 1926, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 2 avril 1927 à Drancy, Henri Nozières se marie avec Marthe Brigitte Bouvenot, née le 5 janvier 1905 à Pantin.

En 1931, Henri Nozières est employé communal comme cantonnier à Bobigny.

Il habite alors rue Louise-Michel avec son épouse, sa mère, alors ouvrière chez Rousselle, et sa sœur Marie, ouvrière chez Chire à Paris ; il est très probable que leur domicile soit resté le même, mais que la rue ait changé de nom sur décision du conseil municipal (à vérifier…).

Henri Nozières est employé communal (cantonnier).

Sa sœur Marie Louise se marie à Drancy le 3 décembre 1932, quittant à son tour le foyer.

Le 25 mars 1933, Henri et Marthe Nozières ont un fils, Daniel, né à Paris 10e.

Dans la période de lutte du Front populaire, Henri Nozières participe aux réunions politiques.

Le 2 septembre 1939, il est rappelé à l’activité militaire et affecté au 38e régiment d’artillerie divisionnaire (E.M.2), où il arrive six jours plus tard. Son unité rejoint la 7e division d’infanterie dans les Ardennes, à la frontière où auront lieu les premiers combats. Son unité ayant été réformée, il est reversé au 84e R.A. de la 59e division légère d’infanterie et participe à la bataille de la Marne (?) et à la défense de la Loire. Ayant fait l’objet d’une citation, il reçoit la Croix de guerre. Le 27 juin 1940, n’ayant pas été fait prisonnier, il est démobilisé par le centre de démobilisation du camp d’Uzerche (Corrèze), mais ne rentre chez lui qu’en août.

Le 18 septembre 1940, les Renseignements généraux rédigent un rapport accusateur sur la gestion de la commune de Bobigny par la deuxième Délégation spéciale nommée à la tête de la mairie en remplacement de ses élus. Henri Nozières est alors désigné parmi trois employés ex-militants considérés comme ayant un rôle plus effacé que d’autres, qui ne cachent pas le maintien de leurs opinions.

Son adresse est alors toujours mentionnée comme étant le 6, rue du Parc prolongée.

En juillet 1941, le commissaire de police de la circonscription de Pantin propose au préfet de police de prononcer l’internement administratif d’Henri Nozières, « en raison de l’active propagande antigouvernementale qu’il [poursuit] pendant son travail », lequel lui permet d’entrer en relation avec la population de Bobigny.

Le 19 juillet 1941, à la suite d’un arrêté pris par le préfet de police en application du décret du 18 novembre 1939, Henri Nozières est immédiatement appréhendé et conduit à la caserne désaffectée des Tourelles, 141 boulevard Mortier (Paris 20e), “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police et gardé par un groupe de gendarmerie. Enregistré comme « détenu communiste » sous le matricule n° 103, il est assigné à la chambre 18 du bâtiment A.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier. Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan. Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

La caserne des Tourelles, vers la Porte des Lilas, entre l’avenue Gambetta, à gauche, et le boulevard Mortier.
Le bâtiment A est parallèle au “stade nautique”, dont on aperçoit les gradins au deuxième plan.
Carte postale d’après guerre. Coll. Mémoire Vive.

Le jour même, le préfet de la Seine, informé par le maire de Bobigny de l’internement de quatre agents de sa commune, demande au préfet de police les raisons ayant motivé leurs arrestations afin de leur appliquer d’éventuelles sanctions administratives (le préfet de police ne transmettra les rapports demandés que le 23 janvier 1942).

Le 18 août suivant, dans l’après-midi, Henri Nozières est autorisé à assister aux obsèques de son beau-père à Drancy, escorté de deux inspecteurs de la 1re section des R.G.

Le 28 novembre, Henri Nozières écrit au préfet de police pour solliciter sa libération, puisque aucun motif justifiant son internement ne lui fût donné lors de son arrestation, et demandant qu’un supplément d’enquête soit réalisé à son sujet. Le 20 décembre, les RG rédigent une courte notice indiquant que c’est bien le commissaire de Pantin qui l’a désigné comme « meneur communiste particulièrement actif », tout en exhumant la note relative à son adhésion à la JC en 1923.

Le 23 avril 1942, son épouse écrit pour la deuxième fois au préfet de police, afin d’attirer son attention sur le cas de son mari, « Ayant appris par les journaux que des mesures de libération allaient être prises en faveur des internés administratifs » (probablement à l’occasion de la fête du 1er mai, récupérée par l’État français pétainiste). Elle explique : « De retour à la maison (après sa démobilisation), mon mari a repris son travail, ne s’occupant ni de politique, ni de quoi que ce soit pouvant nuire à l’intérêt du pays, menant une vie régulière et tranquille entre son fils qu’il aime tant et moi, sa femme. » Le 29 avril, la lettre est transmise aux RG, auquel il est demandé d’établir une nouvelle note.

Le 5 mai 1942, à l’aube, Henri Nozières fait partie des 24 internés des Tourelles, pour moitié anciens Brigadistes, que vient chercher une escorte de Feldgendarmes afin de les conduire à la gare du Nord, où ils rejoignent 13 communistes extraits du dépôt et 14 « internés administratifs de la police judiciaire ». Un train amène tous les détenus au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central.  Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)  Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 6 juin, le bureau du préfet demande aux R.G. de rédiger une nouvelle note concernant Henri Nozières avec « leur avis sur l’opportunité d’une intervention auprès des AA (autorités allemandes) en vue d’une libération ». Le 17 juin, les RG  concluent une notice “calquant” les précédentes par l’avis suivant : « sa libération ne paraît donc pas devoir être envisagée dans les circonstances actuelles ». Le 30 juin, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet demande au commissaire de police de Pantin de faire connaître à la demandeuse que « sa requête ne peut être accueillie favorablement dans les circonstances actuelles ». Le 2 juillet – sans doute convoquée au commissariat -, Marthe Nozières signe ce courrier afin d’attester qu’elle en a reçu communication.

Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Nozières a été sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandises d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandises
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Henri Nozières est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45932, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour) ; cependant, les quelques informations de physionomie enregistrées sur la page de registre de son matricule militaire n’entrent pas en contradiction avec le “portrait” de ce concentrationnaire : « Cheveux : bruns ; Yeux : bleus ; Front : rectiligne ; Nez : droit ; Visage : ovale… » (voir en haut de page).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Henri Nozières se déclare travailleur ou ouvrier (Arbeiter). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Nozières.

Il meurt à Auschwitz le 20 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) qui indique « pneumonie » (Lungenentzündung) pour cause, certainement mensongère, de sa mort.

Le 14 octobre 1942, Marthe Nozières écrit à l’administration du Bureau des réfugiés et internés administratifs afin d’obtenir un certificat attestant que son mari est bien vivant ainsi que son « lieu de séjour », afin que la mère de celui-ci, sans ressources, puisse toucher une pension de vieillesse. Elle ajoute : « Mon mari ayant quitté Compiègne le 5 juillet, ceci à ce jour fait 3 mois sans savoir où il est ». Le 26 octobre, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet demande au commissaire de Pantin de faire connaître à la demandeuse que « le sort de l’intéressé n’est pas connu de mes services et qu’il n’est pas possible, dans ces conditions, de lui donner satisfaction ».

Le 23 février 1944, les services de François (de) Brinon, Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, écrivent au préfet de police afin que celui-ci leur transmette les renseignements en sa possession concernant les motifs de l’arrestation d’Henri Nozières « par les Autorités allemandes » (sic).

Le nom d’Henri Nozières est inscrit sur la plaque apposée dans le hall de la mairie de Bobigny et dédiée par la section syndicale du personnel « à la mémoire des employés communaux morts en déportation, victimes du militarisme allemand ».

Le 4 novembre 1950, à la suite d’une demande de pension formulée par sa veuve (la date exacte de sa déportation étant alors connue), la direction interdépartementale des Anciens combattants et victimes de la guerre de Paris demande au préfet de police les motifs de l’arrestation d’Henri Nozières. Le 5 décembre, les services de préfecture renvoient un courrier rassemblant les informations concernant cinq déportés, dont Henri Nozières et Élie Gaudefroy.

Marthe Nozières se remarie le 16 juin 1951 à Bobigny avec André L. Elle décède à Argentat (Corrèze) le 31 décembre 1972.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès d’Henri Nozières (J.O. du 18-08-1995).

Notes :

[1] Bobigny : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 415.
- Archives de Paris, archives en ligne : registre des naissances du 10e arrondissement, année 1904 (10N 348), acte 3275 (vue 24/31).
- Archives de Paris : registres matricules du recrutement militaire, 1er bureau, classe 1924 (D4R1 2459), n° 2629.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, (BA ?) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 86-92398) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 1195-61550).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4061).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 874 (23244/1942).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23244/1942.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Bobigny, relevé de Frédéric Charlatte (11-2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-05-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.