Henri, Marcel, Quéruel naît le 15 février 1891 à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine), chez ses parents, Charles Quéruel, 36 ans, jardinier, et Cécile Mars, son épouse, 32 ans, blanchisseuse, domiciliés au 1, rue des Arts. Par la suite, la famille emménage au 80, rue du Bois, toujours à Levallois-Perret.
Pendant un temps, alors qu’il habite encore chez ses parents, Henri Quéruel travaille comme cocher.
Le 1er octobre 1912, il est incorporé au 29e régiment de dragons afin d’accomplir son service militaire. Le 7 juillet 1914, il passe au 13e dragons, où le déclenchement de la Première Guerre mondiale le rattrape. Le 9 novembre 1915, il passe au 38e régiment d’artillerie et, le 23 décembre suivant, au 9e groupe d’artillerie d’Afrique. Son unité part combattre sur le front d’Orient. Le 1er février 1917, il est évacué à destination d’Avignon (Vaucluse). Le 10 avril, suivant il est admis à l’hôpital de Troyes, puis, le 24 avril, à l’hôpital de Brive, et enfin, le 9 mai, à l’hôpital de Limoges. Le 12 juillet suivant, il rejoint le dépôt du 38e régiment d’artillerie. Le 1er décembre 1917, il passe au 276e régiment d’artillerie de campagne.
Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1918, le P.C. de groupe du bois de la Hazelle (Meurthe-et-Moselle) subit un violent bombardement d’« obus toxiques et vésicants » (gaz de combat). Henri Quéruel, qui est à son poste de téléphoniste, est intoxiqué et subit une inflammation des paupières et des yeux. Il est évacué et soigné en hôpital jusqu’à la fin avril. Entre temps, le 15 février, il est cité à l’ordre de [l’artillerie ?] ; il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.
Le 20 août 1918, à Thonnance-les-Joinville (Haute-Marne – 52), toujours soldat artilleur, Henri Quéruel se marie avec Cécile Adeline Burot, née le 19 novembre 1896 à Vecqueville (52). Ils auront quatre enfants : Henriette, née en 1915, et Gabrielle, née en 1919, toutes deux à Vecqueville, puis Charlotte, née en 1921, et Maurice, né en 1926, tous deux à Saint-Dizier (52)..
Le 15 septembre 1918, Henri Quéruel est affecté au 47e RAC. Le 18 octobre, il passe au 7e RAC. Trois jours plus tard, il est évacué. Il rentre au dépôt le 15 janvier 1919. Le 14 février, il est dirigé sur le 106 régiment d’infanterie à Châlons pour être affecté à la Compagnie des chemins de fer de l’Est (article 42 ?). Il est démobilisé le 18 août suivant.
Le 16 février 1920, Henri Quéruel est titularisé dans la même compagnie ferroviaire [1]. En octobre 1927, l’armée le classe réserviste dans l’affectation spéciale comme conducteur à la gare de Saint-Dizier (52).
Au printemps 1921 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée rue de l’Aune, dans le quartier de Lanoue, à Saint-Dizier. Au printemps 1936, ils habitent au n° 104 de cette rue. Cette année-là, sa fille aînée, Henriette, 21 ans, est employée au Réveil économique.
Toujours affecté à la gare SNCF de Saint-Dizier, Henri Quéruel est surveillant à l’Exploitation, travaillant probablement avec Georges Fontaine et Yves Thomas.
Le 12 août 1941 – comme Pierre Gazelot -, il est arrêté, interrogé à la Feldkommandantur de Saint-Dizier, puis conduit à la prison de Chaumont (52).
À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 1566.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière de la zone annexée, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Henri Quéruel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46027 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Henri Quéruel est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Il meurt à Auschwitz le 6 septembre 1942, d’après un registre de l’hôpital et un relevé clandestin du registre de la morgue d’Auschwitz-I (Leichenhalle) réalisé par le groupe de résistance polonais des détenus.
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Armand Saglier, de Marcilly-sur-Tille (Côte-d’Or), et Léon Thibert, domicilié à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).
Le nom d’Henri Quéruel est inscrit sur la plaque dédiée « aux déportés politiques, aux déportés du travail et aux victimes civiles de la guerre 1939-1945 » apposée dans le hall de l’Hôtel de Ville de Saint-Dizier. Il figure également sur la stèle commémorative du quai de la gare de Saint-Dizier dédiée « à la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre ».
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-05-1998).
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 367 et 418.
Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Levallois-Perret, année 1891 (E NUM LEV N1891), acte n° 147 (vue 40/278).
Archives de Paris : registre des matricules militaires, recrutement de Paris, classe 1911, 2e bureau, volume 4001-4500 (D4R1 1623), Quéruel Henri Marcel, matricule 4404.
Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 45.
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 1231.
Site internet Mémorial GenWeb, Raymond Jacquot et Henri Dropsy, (2004).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 24-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.