- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Henri, Joseph, Marie, Rolland naît le 18 décembre 1922 à Paris 11e, fils de Joseph Marie Rolland, 22 ans, et d’Agnès Kerguen.
Le 30 janvier 1918 à Lorient (Morbihan), son père s’était engagé volontairement pour trois ans comme apprenti-marin au 3e dépôt des équipages de la Flotte. Le 21 septembre, il passait matelot de 2e classe-gabier, navigant sur les croiseurs cuirassés Le Gueydon et Le Montcalm, puis sur l’aviso Le Duperré. Le 30 janvier 1921, renvoyé dans ses foyers, il se retirait chez ses parents, au lieu-dit Kernantec à Baud (Morbihan).
En décembre 1923, la famille habite au 5, passage Courtois à Paris 11e. En février 1925, elle a déménagé au 25 rue du Four, à Saint-Maur (Seine / Val-de-Marne). En septembre 1930, elle loge au 3, rue des Braves, à Montreuil-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). En juillet 1935, elle demeure au 101, rue Fontaine à Fontenay-sous-Bois (93).
À partir de 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Rolland continue à habiter chez ses parents au 78, rue des Amandiers à Paris 20e, vers la rue Élisa-Borey. Il est célibataire (il a 18 ans…).
Henri Rolland travaille comme jardinier.
Le 1er décembre 1937, âgé de 15 ans, il est appréhendé pour un vol de bicyclette, puis envoyé en “maison de redressement”. Un an plus tard, il est rendu à ses parents à leur demande et ne se fait plus ensuite remarquer par la police.
À partir de janvier 1941, il travaille à Étampes (Seine-et-Oise / Essonne), pour le compte des autorités allemandes, probablement comme manœuvre.
Il est membre des Jeunesses communistes.
Le 28 juin 1941, il est arrêté par des agents de police du commissariat de quartier de la Folie-Méricourt « en flagrant délit de distribution de tracts » ; accompagné d’un camarade plus jeune, étudiant, il lançait des poignées de tracts communistes sur la voie publique. Le 30 juin, inculpés d’infraction au décret du 26-09-1939 (dissolution et interdiction du PC), ils sont conduits au Dépôt de la préfecture de police (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité), à disposition du procureur de la République. Puis Henri Rolland est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.
Le 21 août, la chambre des mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois d’emprisonnement.
Le 30 septembre, il est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), probablement dans le quartier des mineurs, puis à la Maison centrale de Poissy (Yvelines).
Au cours du mois de novembre, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise onze notices de détenus de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours du mois suivant. Le 22 novembre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services de Renseignements généraux. Le 1er décembre, le préfet de police demande au directeur de la Maison centrale de maintenir en détention treize prisonniers, dont Henri Rolland (neuf seront déportés le 6 juillet 1942).
À l’expiration de sa peine, le 7 décembre, il n’est pas libéré, mais reste en prison avec un statut de “détenu administratif”.
Le 13 février 1942, Henri Rolland est dans un groupe de vingt-quatre « militants communistes » – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police. Le 26 mars 1942, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, officialisant la situation.
Le 16 avril, Henri Rolland fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 95.
Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Rolland est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Henri Rolland est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46067 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Henri Rolland se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Henri Rolland est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 16, avec d’autres “45000”.
À une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies contagieuses (Block 20) de l’hôpital des détenus.
Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) et une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, sur lequel est “listé” le matricule n° 46067 [1]. Il a 19 ans.
Une plaque commémorative a été apposée à sa dernière adresse, rue des Amandiers.
La mention « mort en déportation » a été ajoutée sur les actes d’état civil, avec une date de décès fictive [1] (arrêté du 14-12-2012 paru au JORF du 15-02-2013)
Notes :
[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Henri Rolland, c’est le 12 juillet 1942 qui a été dernièrement retenu pour certifier son décès, résultat d’un simple calcul administratif ajoutant six jours à la date connue du départ de son convoi (arrêté du 14 décembre 2012 paru au JORF du 15/02/2013). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 374 et 419.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, fichier central, Caen.
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel des RG (77 W 1694-89065).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1W69).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1013 (25497/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre de détenus du Block 16 (sans date).
Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 17-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.