Jacques, Jean, Henri, Mazein naît le 16 novembre 1920 à Trelazé (Maine-et-Loire), commune limitrophe d’Angers à l’Est, fils de Jean Julien Mazein, 33 ans, et d’Augustine Cochereau, 24 ans, son épouse.
Jacques est l’aîné de ses cinq frères : André, né le 4 avril 1922 à Trelazé, Jean, né le 15 juin 1924, Marcel, né en 1928, tous deux à Angers (49), Karl Marx, né le 29 juillet 1929, et Robert, né en 1933, tous deux à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire – 37) limitrophe de Tours à l’ouest, entre le Cher et la Loire. En 1931, la famille est domiciliée au lieu-dit Les Justices dans cette commune où leur père est employé municipal.
Au recensement de 1936, les Mazein habitent rue Léon-Dubresson à Saint-Pierre-des-Corps. Avant-guerre, le père de famille, qui est adhérent au PCF, travaille comme secrétaire de mairie.
Au moment de son arrestation, Jacques Mazein habite toujours chez ses parents. Il est célibataire. Il travaille comme électricien pour la Maison Lecote, rue Inkerman à Tours.
Il semble avoir été mobilisé en 1939 (portrait en uniforme sur le site Mémorial GenWeb). Sous l’occupation, il est actif dans le résistance au sein du Front national comme agent de liaison.
Début février 1942, une sentinelle allemande en faction rue du Sanitas à Tours est “exécutée” par un résistant armé (Marcel Jeulin, 21 ans). Les autorités d’occupation font insérer dans le journal local, La Dépêche du Centre, un avis selon lequel des arrestations auront lieu, suivies d’exécutions et de déportations vers l’Est, si les coupables ne sont pas découverts.
Le 10 février, Jacques Mazein est arrêté à Sainte-Maure, où il est en déplacement professionnel, comme otage de représailles par des « agents de la Gestapo », et conduit au centre d’internement installé dans la caserne de l’ex-501e régiment de chars de combat. Une perquisition opérée par la Feldgendarmerie au domicile familial n’amène aucune découverte de matériel ou document compromettant. Quelques jours après, il est transféré à la Maison d’arrêt de Tours. Lors d’un interrogatoire, il est suspecté de cacher un poste émetteur, en raison de son métier. Ils sont dix soupçonnés d’activité communiste clandestine à subir le même sort, dont le jeune André Marteau et Stanislaw Tamowski…
Début avril, Jacques Mazein est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Jacques Mazein est enregistré à Auschwitz ; peut-être sous le numéro 45866, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jacques Mazein est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I. En effet, Stanislaw Tamowski – qui a été maintenu à Birkenau – témoignera plus tard qu’il y a aperçu le jeune homme de temps en temps avant de le perdre de vue.
Jacques Mazein meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]). Il a 21 ans.
Le nom de Jacques Mazein est inscrit sur le Monument aux morts 1939-1945 de Saint-Pierre-des-Corps. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-03-1995).
Notes :
[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 364 et 413.
Archives départementales d’Indre-et-Loire, Tours : dossiers de la commission départementale des déportés et internés résistants, dossiers de M à Q (50 W 34), dossier de Jacques Mazein ; de Q à Z (50 W 35), dossier de Stanislaw Tamowski ; dossier résistance du Parti communiste clandestin (1877 W 3).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 793 (31807/1942).
Site Mémorial GenWeb, relevé de Stéphane Le Barh et Catherine Rouquet, informations de Denis Mazin, n° identification : bp03-726665.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 13-12-2021)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.