- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Jean, Georges, Émile, Bourget naît le 10 octobre 1906 à Cambremer (Calvados – 14), chez son grand-père maternel, qui habite le quartier du Nouveau-Monde, fils de Maurice Bourget, 25 ans, artisan pâtissier, et de Jeanne Bellebarbe, 24 ans, son épouse, domiciliés depuis janvier de cette année au 2 place Carnot à Mamers (Sarthe), dans le quartier saint-Nicolas.
En 1908, son frère Pierre naît à Mamers.
En 1911, son père emploie dans son commerce deux garçons pâtissiers de 16 et 13 ans.
Le 19 novembre 1914, Maurice Bourget est rappelé à l’activité militaire au 115e régiment d’infanterie. Le 25 mai 1915, il part « aux armées ». Le 25 octobre 1916, il passe à la compagnie hors rang (C.H.R.). Le 26 février 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et « se retire » à Mamers, y retrouvant sa boutique.
En 1921, âgé de 15 ans, Jean Bourget, habitant chez ses parents à Mamers, travaille en ville comme mécanicien. Son père peut salarier une jeune domestique en plus de ses ouvriers pâtissiers.
En 1926, Jean n’habite plus chez ses parents (il a 20 ans ; c’est l’année de son service militaire…). Son frère Pierre est devenu employé de commerce. Leur père héberge la mère de son épouse, Alphonsine Bellebarbe, 65 ans. En 1931, Pierre sera parti à son tour. Cette année-là, leur père emploie dorénavant quatre ouvriers pâtissiers…
Le 20 juillet 1934, à Dives-sur-Mer (14), Jean Bourget se marie avec Madeleine Bertrand, née en 1912 à Hyenville (Manche). Le 9 décembre 1931, ils ont eu un fils, Gustave Louis Célestin Désiré, né à Bénouville (14) sous le patronyme de sa mère.
En 1936 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 6, rue de l’Avenir à Dives-sur-Mer, dans les maisons ouvrières proches de l’usine divoise de la Société générale d’électrométallurgie, fonderie de cuivre et autres alliages (partiellement fermée au cours de l’occupation).
Jean Bourget est mécanicien, travaillant comme ouvrier métallurgiste pour cette entreprise.
Communiste, Jean Bourget est « entré dans la Résistance en juin 1940 » selon sa veuve.
Le 21 octobre 1941, il est arrêté par la Feldgendarmerie pour « propagande communiste » (tracts), comme Roger Goguet, Henri Greslon [1], et Pierre Lelogeais fils, de Cabourg.
Ils sont rapidement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 24 octobre, Jean Bourget est inscrit sur une liste d’otages, détenus en différents endroits, établie par la Feldkommandantur 723 de Caen.
Le 20 janvier 1942, il figure (n° 11) sur une liste de onze otages communistes du Calvados internés à Compiègne pour lesquels la Feldkommandantur de Caen demande à son échelon supérieur une « vérification » avant de les proposer pour l’exécution.
- Cinq futurs “45000” figurent sur cette liste d’hommes pouvant être fusillés ; le tampon « Geheim » signifiant « Secret »).
Son épouse a peut-être bénéficié, sur autorisation du ministère de l’Intérieur, d’une allocation spéciale au titre de famille nécessiteuse d’un interné administratif.
Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Bourget est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Henri Greslon, qui reste à Compiègne, écrit à sa propre femme le jour-même. Il lui signale le départ de cinq Calvadosiens, dont Bourget, pour une destination inconnue qu’il suppose être l’Allemagne.
- Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Jean Bourget est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45289 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [2]). Son visage apparaît particulièrement marqué, probablement par des coups récemment reçus.
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jean Bourget est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.`
Jean Bourget meurt du typhus au Block 20 (contagieux) de l’ “hôpital” (Revier, HKB) d’Auschwitz-I le 10 septembre 1942, selon les registres du camp.
Le 11 septembre 1947, par jugement rendu par le tribunal civil de première instance de Pont-l’Évêque, Jean Bourget est déclaré décédé « en Allemagne à une époque et en un lieu inconnu ».
À Dives-sur-Mer, son nom figure sur le monument dédié Aux victimes des camps de concentration nazis, sur la face où sont inscrits les Divais décédés dans les camps d’extermination….
Notes :
[1] Henri Greslon : né le 9 avril 1904, ouvrier d’usine domicilié au 49, rue de Normandie, est déporté le 24 janvier 1943 au KL Sachsenhausen. Il y meurt en août 1943.
[2] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 28 ; page 47.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 362 et 396.
Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, pages 135, 139 et 140, 151.
Archives départementales du Calvados, archives en ligne ; état civil de Cambremer N.M.D. 1903-1912 (cote 4 E 16166), registre des naissances de l’année 1906, acte n° 14 (vue 33/293).
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine, Paris ; cotes XL III-85 et XL III-79.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 123 (30252/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), relevé dans les archives du camp (communication 23-01-2009).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 1-09-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.