- Musée de la Résistance
de Blois. Cliché ARMREL.
Jean Matrisciano naît le 15 janvier 1923 à Chabris (Indre).
Au moment de son arrestation, il est domicilié à Selles-sur-Cher, quinze kilomètres à l’ouest de Romorantin (Loir-et-Cher) ; son adresse reste à préciser. Il est célibataire.
Jean Matrisciano est ouvrier céramiste, déclaré comme journalier au moment de son arrestation, certainement à l’usine de céramique de Selles, fabriquant du mobilier sanitaire.
Le 30 avril 1942, à Romorantin, cinq résistants communistes sont découverts par des soldats allemands alors qu’ils distribuent des tracts. Armés, ils ne se laissent pas arrêter et blessent les soldats dont un sous-officier qui succombe à ses blessures. Les mesures de représailles prévoient l’exécution immédiate de dix communistes, Juifs et de proches des auteurs présumés. Vingt autres personnes doivent être exécutées si au bout de huit jours les « malfaiteurs » ne sont pas arrêtés. Des rafles sont opérées dans la ville et dans le département afin de pouvoir « transférer d’autres personnes vers l’Est, dans les camps de travaux forcés. »
Le lendemain 1er mai, Jean Matrisciano est arrêté comme otage. D’abord détenu à Orléans (Loiret), il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Matrisciano est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Jean Matrisciano est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45862 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Matrisciano.
Il meurt à Auschwitz le 12 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Il a 19 ans.
Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Selles-sur-Cher, devant la Mairie, place du Marché, et sur la plaque apposée dans l’église abbatiale.
À une date restant à préciser (récemment), le Conseil municipal de Selles-sur-Cher donne son nom à une rue de la ville, une plaque lui étant dédiée est inaugurée le 8 mai 2012.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1995).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 413.
Archives départementales du Loir-et-Cher : fiche d’arrestation de Jean Matrisciano, dossier 889 (1375 W 64) ; fichier alphabétique des déportés du CRSGM (56 J 5).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : XLIII-89 (télégramme non daté du Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), signé par Carl Heinrich vonStülpnagel).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 789 (35486/1942).
Site Mémorial GenWeb, 41-Romorantin, relevé de Monique Diot Oury (04-2007).
La Nouvelle République du 10 mai 2012, article transmis par Denis Martin (Armrel).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 16-06-2012)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.