Jean, Charles, Pollo naît le 18 novembre 1909 à l’hôpital du 4e arrondissement de Lyon (Rhone), fils de Jean, Alfred, Pollo, 32 ans, né en Italie, cordonnier, et de Marguerite Balla, son épouse, 32 ans, cuisinière. Il a une sœur, Anna, née en avril 1911.
Le 8 février 1934 à Lyon 1er, Jean Pollo se marie. Mais le couple divorcera le 16 janvier 1941, par jugement du Tribunal civil de Lyon.
Le 25 novembre 1939, Jean Pollo est emprisonné au fort de Poillet (région lyonnaise) par la gendarmerie.
Le 14 mars 1940, il est mobilisé dans une Compagnie de Travailleurs. “Démobilisé” en août, il est conduit au fort de Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence), d’où il s’évade en janvier 1941 (avec Jean Quadri ?).
Il gagne Paris (son adresse reste à préciser).
Lors d’une opération de police, il est trouvé « en possession de faux papiers d’identité au nom d’Albert Moret » et condamné à un an de prison le 19 avril 1941.
À l’expiration de sa peine, effectuée à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines), il est ramené au dépôt de la préfecture de police (sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité).
Le 5 mai 1942, il fait partie des 14 internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec 37 communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Pollo est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Jean Pollo fait partie des quelques hommes du convoi déportés comme “associaux”.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Jean Pollo assiste à l’évasion de Jean Corticchiato (repris) et de Julien Becet (échappé) à la hauteur de la gare de Metz, ville située de l’autre côté de la nouvelle frontière après l’annexion de la Moselle. Le convoi repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Jean Pollo est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45998 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.
À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.
A la fin de l’été 1944, il est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps.
Le 15 janvier 1945, il y effectue son ultime corvée : la distribution de boules de pain “pour la route”. Jean Pollo est parmi les vingt “45000” incorporés dans les colonnes de détenus évacuées vers le KL [1] Mauthausen (matricule n° 120190).
Le 28 ou 29 janvier, Jean Pollo est parmi les douze “45000” qui sont affectés au Kommando de Melk. Le 15 ou 17 avril, ce groupe est évacué en marche forcée vers Ebensee, province de Salzbourg, où des usines souterraines sont en cours d’aménagement.
Le 6 mai 1945, ce camp est parmi les derniers libérés, par l’armée américaine.
Très atteint par la dysenterie, intransportable, Jean Pollo est hospitalisé à l’hôpital de Bemberg. Il doit convaincre son ami Jean Corticchiato, qui refuse de le quitter, de partir sans lui.
Ce n’est qu’en septembre que Jean Pollo regagne Paris par avion, pour séjourner durant un mois à l’hôpital Bichat.
Il est homologué comme “Déporté politique” (22/07/1959).
Le 5 mai 1951 à Paris 14e, il se marie une deuxième fois.
Jean Pollo décède à Leucate (Aude) le 2 avril 2000.
Notes :
[1] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 352 et 353, 359, 370 et 417.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Jean-Charles Pollo (cassette enregistrée et réponse à un questionnaire biographique 01-1988) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 1837 (internés aux camps de Vaujours… – Tourelles).
Archives de la Ville de Lyon, site internet, registre des naissances du 4e arrondissement, année 1909, 19 novembre, vue 97/110, acte 531.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 3-12-2011)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.