Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Guiseppe (Joseph) Zerlia naît le 30 mai 1900 à Borgomanero (Italie). Il a deux frères dont l’un, Barthélémy, né le 1er janvier 1898, venu en France en 1921 sera mineur à Jarny, et cinq sœurs, toutes domicilées à Borgomanero en 1930.Au moment de son arrestation, Joseph Zerlia est domicilié à Droitaumont-Jarny, bassin de Briey (Meurthe-et-Moselle – 54) ; probablement dans la cité des mines (à vérifier…).
Jarny, la mine de Droitaumont. Carte postale oblitérée en 1936.  Collection Mémoire Vive.

Jarny, la mine de Droitaumont. Carte postale oblitérée en 1936. Collection Mémoire Vive.

Il est mineur de fer. Mais, au moment de son arrestation, il est désigné comme « poseur de lignes électriques ». C’est un militant syndical.

Selon une liste manuscrite de quarante-quatre internés établie ultérieurement par le chef du centre de séjour surveillé d’Écrouves, Joseph Zerlia “démissionne” de son syndicat, probablement lors de l’interdiction du Parti communiste à l’automne 1939, accompagnée de scissions au sein de la CGT.

En juillet 1941, Joseph Zerlia subit plusieurs jours d’internement administratif (à vérifier…).

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942, un groupe de résistance communiste mène une action de sabotage contre le transformateur électrique de l’usine sidérurgique d’Auboué qui alimente également dix-sept mines de fer du Pays de Briey. Visant une des sources d’acier de l’industrie de guerre allemande (Hitler lui-même s’en préoccupe), l’opération déclenche dans le département plusieurs vagues d’arrestations pour enquête et représailles qui concerneront des dizaines de futurs “45000”.

Le nom de Guiseppe Zerlia figure – n°44 – sur une « liste communiquée le 19 (février ?) au soir à la KK (Kreiskommandanturde Briey par le sous-préfet » pour préciser la nationalité de cinquante-trois hommes : il est désigné comme français.

Le 22 février 1942, Joseph Zerlia est arrêté par la police française – avec Giobbé Pasini et Antoine Corgiatti, de Droitaumont-Jarny – et remis aux autorités militaires allemandes. Le jour-même, il fait partie d’un groupe de quatorze otages transférés par la police allemande au centre de séjour surveillé d’Écrouves, près de Toul (54), en attente « d’être dirigés sur un autre camp sous contrôle allemand en France ou en Allemagne ». Le lendemain, ils sont rejoints par vingt-cinq autres otages.

Le 27 février, le nom de Joseph Zerlia est inscrit sur un état nominatif des otages transmis par le préfet Jean Schmidt à Fernand (de) Brinon à Vichy ; 35e sur la liste.

Le 5 mars, il est est parmi les trente-neuf (nombre à vérifier…) détenus transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Joseph Zerlia est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46211 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, il semble que Joseph Zerlia soit dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, le 27 octobre – en même temps que ceux de Roger Juilland et Paul Monnet -, son nom est inscrit sur le registre des malades admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I [3] avec la mention « K.L. Birkenau ». Le 5 novembre, il est transféré au Block 28 (convalescents), avec Paul Monnet.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Le Block 20 en 1962. © archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.

Joseph Zerlia meurt à Auschwitz le 26 novembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 46211 (le local en question est situé au sous-sol du Block 28) [2].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 30-04-1988).

Notes :

[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Chauffeur de taxi ? : son nom n’est pas relevé sur la stèle funéraire installée dans le cimetière de Levallois-Perret par « La Chambre syndicale des cochers-chauffeurs du département de la Seine – En hommage à ses camarades chauffeurs de taxi parisiens tombés dans les luttes pour l’émancipation des travailleurs pour la liberté, pour la démocratie, pour la France et pour la République ».

[3] L’hôpital d’Auschwitz-I : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.

[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Joseph Zerlia, c’est le 15 février 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74, 127 et 128, 367 et 422.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 117.
- Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, Nancy : W1304/23, 6M623 (dossier de naturalisation) et WM 312 (recherches de Daniel Dusselier).
- Jean-Claude et Yves Magrinelli, Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945, Jarville, avril 1985, pages 247, 346.
- Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), page 153 du registre du Block 20 de l’hôpital.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.