Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Jules Crampon naît le 17 novembre 1895 à Saint-Quentin (Aisne), fils de Louis, Marie, Crampon et de Maria Levéan, son épouse. Tous deux seront décédés avant son arrestation.

Pendant un temps, Jules Crampon habite au 107, quai d’Orléans, au Havre (Seine-inférieure / Seine-Maritime [2] – 76). Il travaille alors comme journalier.

Le 18 décembre 1914, il est mobilisé au 128e régiment d’infanterie, arrivant au corps trois jours plus tard. Le 11 mars 1915, il part « aux armées » avec le 411e R.I. Le 25 septembre suivant, il passe au 69e R.I. Le 28 juin 1917, il passe au 35e R.I. Le 8 août, il part pour l’Armée d’Orient. Le 20 août suivant, il passe au 260e R.I. Le 3 mars 1919, il est rapatrié en France. Aussitôt, il participe à l’occupation de la Rhénanie, en Allemagne. Le 24 mai, il passe au 129e R.I. Le 16 septembre suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Pendant un temps, il habite au 31, rue J.-Mazurier, au Havre.

À une date restant à préciser, Jules Crampon épouse Victorine Bechet, décédée au moment de son arrestation.

Il est peintre (probablement ouvrier du Bâtiment).

Le 6 septembre 1939, Jules Crampon est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et classé comme “affecté spécial” au titre des usines « à démarrage rapide », au Tréfilerie et Laminoirs du Havre, quai du Garage. Le 16 novembre, il est “rayé” de l’affectation spéciale et affecté d’office au dépôt d’infanterie 31. Le 1er avril 1940, il passe au dépôt d’artillerie n° 303. Le 3 septembre 1940, il est démobilisé par le centre de Montréal-du-Gers (Gers) et se retire au 34, rue Édouard-Lang [1] au Havre.

À des dates et pour un motif restant à préciser, Jules Crampon est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jules Crampon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45409. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée. Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Jules Crampon est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment de médecine interne (Block 28) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.

Il meurt à Auschwitz le 11 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée de son convoi. La cause indiquée pour ; un mois après l’arrivée de son convoi. La cause indiquée par l’administration SS pour sa mort est « phlegmon par faiblesse corporelle » (Plegmone bei Körperschwäche).

Notes :

[1] La rue Édouard-Lang : du nom d’un premier adjoint au maire pendant l’entre-deux-guerre, anciennement rue de la Halle (?), située dans le quartier Notre-Dame, détruit par les bombardements alliés.

[2] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Son nom (avec le prénom « Julien ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n° 3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 401.
- Archives départementales de Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1915 (1 R 3381), matricule 1179.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 187 (19958/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 30-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

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Le quartier Notre-Dame et la rue de Paris
vus depuis le quai de Southampton après la Libération.
Carte postale (recadrée), coll. Mémoire Vive.