Julien Albert Jurion naît le 25 avril 1895 à Renwez (Ardennes), chez ses parents, Émile Jurion, 40 ans, “manouvrier”, et Thérèse Odile Martin, 37 ans, son épouse.
De la classe 1915, Julien Jurion n’est pas recensé « en temps utile par suite d’un cas de force majeure » (occupation du département par l’armée allemande ?).
Le 16 février 1915, il a un fils, Pierre Julien.
Le 30 septembre 1916 à Renwez, Julien Jurion se marie avec Jeanne Henriette Toussaint, née le 8 janvier 1897 à Montcy-Saint-Pierre [1].
Le 12 mai 1917, le couple une fille, Carmen, Amélie.
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Julien Jurion est domicilié rue Léon-Spekam à Renwez, toujours dans le quartier du Bout de la Ville. En 1936, Henriette Jurion est « débitante ».
Le 22 octobre à l’aube, il est parmi les sept détenus – dont Ernest Tréseux, de Sedan – conduits à la gare pour monter dans un wagon réservé. Le jour-même à 12 heures, ils arrivent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où Julien Jurion est enregistré sous le matricule n° 1842.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Julien Jurion est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45701 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Julien Jurion.
Il meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 245 du 21-10-1994).
Notes :
[1] Montcy-Saint-Pierre fusionne avec les communes de Charleville, Mézières, Mohon et Étion, le 1er octobre 1966, pour former la commune de Charleville-Mézières (préfecture des Ardennes), dont elle devient un quartier.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Julien Jurion, c’est effectivement le 6 juillet 1942 « en Allemagne » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 360 et 408.
Archives départementales des Ardennes (AD 08), site internet du Conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de Mézières, classe 1915 (1 R 286 – n° 999-1100), matricule 1035 (vues 67-68/182).
Archives départementales de l’Aisne (AD 02), Laon : dossiers du commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins, Ardennes, Somme et Oise (970w58).
P. Lecler, Le mémorial de Berthaucourt, martyrologe de la Résistance ardennaise, citant : une lettre de Jules Ruchot à Henri Manceau (11-01-1954) ; Archives départementales des Ardennes (« Cabinet du préfet, dossiers des personnes arrêtées par les autorités allemandes ») 1W42-55.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 523 (38075/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 10-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.