Kléber, Henri, Meunier naît le 13 août 1888 à La Ferté-Bernard (Sarthe), chez ses parents, Henri Meunier, 26 ans, arçonnier [1], et Esther, Alphonsine (Victoire ou Victorine) Caillère, 18 ans, couturière, son épouse, domiciliés rue Notre-Dame.
Le 7 octobre 1909, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 102e régiment d’infanterie afin d’accomplir son service militaire. Le 24 septembre 1911, il est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
Le 25 septembre 1911, Kleber Meunier habite rue Molière, à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne). Entre juin 1912 et juin 1913, il demeure au 6, rue de l’Amiral-Mouchez, à Paris 14e.
Le 20 décembre 1913, à Paris 13e, Kléber Meunier se marie avec Madeleine Gauthier. Ils auront trois enfants.
En janvier 1914, le couple habite au 24, rue Vandrezanne, à Paris 13e.
Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale publié le 2 août 1914, il rejoint son unité le lendemain. Celle-ci part « aux armées » le 7 août. Le 9 septembre 1914, à Nanteuil-le-Haudoin (Oise), Kléber Meunier est blessé par balle à la main gauche. Il rejoint le dépôt le 10 octobre suivant et retourne au front dix jours plus tard. Le 25 juillet 1915, à Jonchery-sur-Suippes (Marne), il est blessé par une bombe qui lui cause une plaie thoracique et une surdité de l’oreille gauche. Il rentre au dépôt le 1er décembre 1915 et retourne aux armées le 25 janvier 1916. Le 2 août 1917, il est évacué malade.Il rejoint les armées le 31 octobre suivant. Le 14 mars 1918, il manque à l’appel. Quinze jours plus tard, il est placé en détention préventive. Le 8 août, le conseil de guerre de la 7e division d’infanterie le condamne à cinq ans de travaux publics pour abandon de poste en présence de l’ennemi, tout en lui reconnaissant des circonstances atténuantes. Deux jours plus tard, le général commandant la 7e D.I. décide de suspendre l’exécution de la peine en application de l’article 150 du code militaire (elle sera amnistiée début 1925). Le 11 août, Kléber Meunier passe au 104e R.I. qui part aux armées. Il passe au 69e R.I. le 19 juin 1919. Le 2 août suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire au 79 bis, rue du Gaz, à Paris.
En décembre 1923, Kléber Meunier habite rue des Cerisiers, à Sanvignes-les-Mines (Saône-et-Loire). En février 1926, il demeure au Bois du Leu, toujours à Sanvignes.
En 1931, la famille est domiciliée au 46 rue du Moulin de la Pointe, dans le quartier de Maison-Blanche à Paris 13e, Kléber travaillant alors comme ouvrier cimentier. Madeleine travaille dans une raffinerie (?).
En 1936, la famille habite toujours à la même adresse. Kleber se déclare alors comme ouvrier maçon dans le 8e arrondissement, Madeleine étant concierge dans le 12e !
Au moment de son arrestation, Kléber Meunier est domicilié dans l’immeuble du 9-11, avenue Stephen-Pichon à Paris 13e, située derrière l’École Nationale supérieure d’Arts et Métiers de l’avenue de l’Hôpital.
Kléber Meunier est de nouveau déclaré comme cimentier ; il est possible que, pendant un temps, l’entreprise qui l’emploie travaille pour un chantier de la SNCF.
C’est un militant communiste et un syndicaliste. Il est inscrit au carnet B (3e groupe) le 15 mai 1930 (on lui connaît un pseudonyme : “Jean”).
Le 7 octobre 1941, il est arrêté « par les Autorités allemandes à la suite d’une perquisition ayant amené la saisie de tracts communistes ». À une date et dans des conditions restant à préciser, il est relâché par celles-ci.
Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les Autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Kléber Meunier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Kléber Meunier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45874, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Kléber Meunier se déclare alors comme maçon. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Kléber Meunier.
Il meurt à Auschwitz le 16 septembre 1942,selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2]. La cause mensongère indiquée est une « entérite [diarrhée] avec faiblesse corporelle » ; « Darmkatarrh bei Körperschwäche »
Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 18-08-1995).
À son domicile du 9-11, avenue Stephen-Pichon à Paris 13e, une plaque rappelle sa mémoire.
- Cliché © Mémoire Vive.
Après la guerre, sa veuve est employée à la SNCF, femme de ménage à la gare d’Austerlitz (ligne S.O. ?) au 1er M.RT., au 5bis boulevard de l’Hôpital à Paris.
Notes :
[1] Arçonnier, subst. masc.,sellerie. Ouvrier spécialisé dans la fabrication des arçons et des armatures de selle. Synon. sellier. Source : CNRTL
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Kleber Meunier, c’est le 1er septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 414.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Témoignage d’Auguste Monjauvis.
Archives départementales de la Sarthe (AD 72), site du conseil général, archives en ligne ; registre des naissances de La Ferté-Bernard, année 1888 ( 5Mi 140 40), acte n° 58 (vue 184/366) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Mamers, classe 1908, matricules de 1 à 500 ( 1 R 1184), matricule n° 477 (vue 628/624).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) cartons “occupation allemande” BA (?) ; cartons “carnet B”, BA 1774 (…).
Comité du 13e arrondissement de l’ANACR, La résistance dans le treizième arrondissement de Paris, imprimé par l’École Estienne en 1977, page 89.
Louis Chaput, Auguste et Lucien Monjauvis (entre autres), Le 13e arrondissement de Paris, du Front Populaire à la Libération, les éditeurs français réunis, Paris 1977, pages 115 et 228.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 803.
Acte de décès à Auschwitz (30947/1942), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).
Association Mémoire et création numérique, site Les plaques commémoratives, sources de mémoire.
Hervé Barhélémy, association Rail & Mémoire, message et pièce jointe (05-2012).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 7-12-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.