Ce matin-là, atteint par une avant-garde de l’Armée Rouge, le camp de Buna-Monowitz (Auschwitz-III) est le premier des grands camps nazis où un nombre important de déportés a été libérés. Dans l’après-midi, ce fut le tour de Birkenau et du camp principal, Auschwitz-I.
Dès 1944, des camps avaient été découverts par les armées alliées lors de leur progression vers le Reich : Lublin-Maïdanek atteint en septembre sur le front Est ; le Struthof (Natzweiler) découvert sur le front Ouest le 23 novembre. Mais tous deux avaient été auparavant évacués. Les rares journalistes qui témoignèrent de ces découvertes pour la presse ou la radio ne pouvaient décrire qu’à partir d’installations désormais inhabitées ce qu’ils imaginaient avoir été le sort des déportés.
À Maïdanek, évacué le 23 juillet 1944, les crématoires n’avaient pas été démantelés. Les Allemands n’avaient eu le temps non plus de détruire ni de transférer vers le Reich les énormes magasins remplis des effets apportés par les familles juives (valises, vêtements, chaussures…). L’ampleur du génocide commençait à se deviner.
Déclaré zone de guerre en août 1944, le camp du Strutohf avait été évacué du 31 août au 4 septembre, les 2000 premiers détenus étant transférés vers Dachau d’où certains repartirent vers divers Kommandos. Au cours d’une nuit de cette période d’évacuation, on exécuta au crématoire plusieurs dizaines de résistants du réseau Alliance.
Depuis le complexe d’Auschwitz, d’août 1944 à janvier 1945, environ 65 000 hommes et femmes furent progressivement transférés à l’intérieur du Reich comme main d’œuvre. Puis le front se rapprocha brusquement.
Un dernier appel général a lieu le 17 janvier, qui dénombre 31 894 prisonniers à Auschwitz-I et Birkenau, 35 118 à Monowitz et dans les camps satellites. Entre le 17 et le 20 janvier, par un froid polaire, environ 58 000 hommes et femmes déjà exténués sont extraits des divers camps et Kommandos et jetés sur les routes par les SS. Il s’agit d’une « marche de la mort » ; mort d’épuisement, de froid, par exécution individuelle de ceux qui ne peuvent suivre ou par massacres collectifs. Certains durent monter dans des wagons découverts où ils mourûrent littéralement de froid. Dans les mois qui suivirent, à des dates différentes, les nazis entraîneront ainsi des dizaines de milliers de détenus sur les routes pour empêcher leur libération par les armées alliées.
Le 20 janvier 1945, il ne reste plus à Auschwitz qu’environ 7000 hommes et femmes. Ceux qui étaient incapables de marcher et ceux qui avaient fait le pari risqué de se soustraire au départ en se faisant porter malade, ou en se cachant : ce même jour, 200 femmes juives sont encore fusillées. Les SS font encore des incursions à l’intérieur du camp pour détruire les dernières traces du crime (“Canada” incendié, crématoires dynamités…). Pendant sept jours, les détenus demeurent sous cette menace, sans nourriture, sans chauffage ni soins, dans les camps abandonnés et jonchés de cadavres.
Parmi eux, deux “45000” et une “31000”.
Eugène GARNIER | André FAUDRY | Marie-Jeanne BAUER |
Article paru dans le bulletin n° 23 de Mémoire Vive de janvier 2005