Le terme Auschwitz est très souvent utilisé pour désigner, de manière symbolique, l’ensemble du processus d’extermination des Juifs d’Europe. La réalité historique du lieu est plus complexe : plusieurs sortes de crimes, touchant différents groupes humains, y furent perpétrés.

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Plan Auschwitz 1944

En mai 1940, constatant que la répression qu’ils mènent contre la résistance et les élites polonaises entraîne une forte surpopulation carcérale, les Allemands décident de créer un camp de détention en Haute-Silésie (annexée au Reich), dans le sud de la Pologne. Ils choisissent comme base une caserne désaffectée située à proximité de la petite ville d’Oswiecim – l’occupant lui redonne l’ancien nom d’Auschwitz – choisie à cause de sa proximité avec un nœud ferroviaire important. Envisagé à l’origine comme simple camp de transit, il devient rapidement camp de concentration. Par mesure de sécurité, les alentours sont vidés de leur population jusqu’à dessiner une « zone des intérêts du camp » de 40 km2 au confluent de la Vistule et de la Sola.

Le 20 mai 1940, trente prisonniers allemands de droit commun sont transférés depuis Sachsenhausen pour fournir l’encadrement des prisonniers (et 100 autres le 29 août). Un premier convoi de 728 détenus Polonais arrive de la prison de Tarnow le 14 juin. Le camp étant également un centre de police pour le secteur, la cour fermée entre les Blocks 10 et 11 sera le lieu d’un grand nombre d’exécutions par fusillade – comme notre Mont-Valérien – essentiellement des Polo­nais et des résistants des pays proches (Tchécoslovaquie…).

Le 1er mars 1941, Himmler, chef suprême de la SS, demande le triplement de la superficie du camp initial (pour 20 000 détenus) et la création d’un camp annexe sur la commune de Brzezinka pour accueillir 100 000 prisonniers de la guerre qui est déjà planifiée contre l’Union Soviétique. La construction de ce dernier camp entraîne la mort de milliers de détenus, notamment des soldats de l’Armée Rouge.

Dans la même période, suite à un accord passé avec la firme de produits chimiques IG Farben, Auschwitz acquiert une fonction industrielle qui va entraîner l’aménagement d’un troisième camp, Auschwitz-III, en octobre 1942 sur le site de Monowitz près duquel un complexe industriel pour la production de fuel et de caoutchouc synthétique a été mis en chantier.

Tous ces travaux font du camp d’Ausch­witz le plus grand complexe concentrationnaire du IIIe Reich et celui qui compte le plus de détenus (jusqu’à 135 000 détenus en août 1944). Il ne va cesser de s’étendre jusqu’en octobre 1944, date à laquelle le rapprochement du front de l’Est commence à le menacer.

Heinrich Himmler choisit le site isolé d’Ausch­witz comme centre pour la mise en place de la « solution finale ». En septembre 1941, le premier gazage de détenus a lieu au Stammlager, effectué au Zyklon B à titre expérimental sur plusieurs centaines de prisonniers de guerre soviétiques et de malades “irrécupérables”. La morgue du crématoire du Stammlager est transformée en chambre à gaz, mais le “rendement” de l’ensemble est faible. Après la conférence de Wannsee (20 janvier 1942), des centaines de convois de Juifs en provenance de Pologne et de divers pays d’Europe vont converger vers Auschwitz pour y être assassinés.

Discrètement aménagées, de l’autre côté du camp de Birkenau, une première puis une deuxième maison paysanne deviennent également des chambres à gaz. Les corps sont d’abord enfouis dans des fosses creusées à proximité, puis rapidement celles-ci seront utilisées pour les incinérer. Le centre de mise à mort se met en place.

À partir de juillet 1942, “sélectionnées” d’un regard à la descente du train, les personnes jugées inutiles pour les besoins du camp – essentiellement vieillards, handicapés, malades, enfants seuls ou accompagnés de leur mère – sont immédiatement gazées (non immatriculées dans les effectifs).

Enfin, la création de grands crématoires avec chambres à gaz (Krematoriums II à V, mis en service successivement de mars à juin 1943) dans l’enceinte de Birkenau transforme en processus industriel l’exécution de milliers d’êtres humains. L’usine de mort trouve son achèvement quand une dérivation de la voie ferrée amène directement les trains à proximité des crématoires (extermination immédiate de 200 000 Juifs de Hongrie de mai à août 1944 – 1/4 des personnes gazées à Birkenau).

Cette politique raciste de génocide entraîne la mort à Auschwitz-Birkenau d’environ un million de Juifs raflés dans toute l’Europe occupée et de 21000 Tziganes. Cependant les chambres à gaz sont également utilisées pour l’élimination des “inaptes au travail” et des malades “irrécupérables” jusqu’en avril 1943.

Par ailleurs (surtout au Block 10 du Stamm­lager), les médecins S.S. soumettent certains détenus hommes et femmes, essentiellement juifs et tziganes, à des expériences médicales mutilantes ou mortelles visant, entre autres, à mettre au point une méthode d’extinction des populations par stérilisation. La mortalité des détenus immatriculés dans les camps d’Auschwitz sera, en toute période, supérieure à celle des autres grands KL. C’est pourquoi y a été systématisée la pratique du tatouage, permettant d’identifier les très nombreux cadavres rapidement dépouillés de leurs vêtements (sur lesquels étaient cousus les numéros matricule). Ce marquage, initié sur la poitrine des prisonniers de guerre soviétiques et des malades en septembre 1941, a été porté sur l’avant-bras gauche des déportés Juifs enregistrés dans le camp à partir de mars 1942 puis généralisé pour tous les détenus (exceptés les Volksdeutsch) en février 1943.

Au printemps 1944, quand les autorités su­périeures du Reich décidèrent d’exploiter toute la main d’œuvre disponible dans les camps de l’Est pour l’effort de guerre – y compris les détenus Juifs ou Tziganes considérés comme “aptes au travail” – Auschwitz devient également un camp de transit et de location d’esclaves pour toutes les entreprises allemandes de l’intérieur.

En résumé, le Konzentrationslager ou K.L. Auschwitz comprend :

  • Le camp de base ou Stammlager, (Auschwitz-I) : il correspond à la caserne aménagée (28 Blocks en dur avec un étage) et aux premiers bâtiments de son extension (habitations et ateliers). Il abrite aussi la direction du complexe.
  •  Le camp de Birkenau (Auschwitz-II) : il correspond au nouveau camp construit à la hâte sur un sol marécageux, sans la moindre infrastructure, ni le moindre équipement sanitaire véritable, à trois kilomètres du Stammlager. Il comprend trois parties – BI, BII, BIII – elles-mêmes divisées en sous-camps. L’ensemble forme un immense rectangle de 1,7 km sur 0,72 km environ. Première construite, avec des bâtiments ci­mentés et des écuries préfabriquées en bois, la partie BI deviendra le camp des femmes. Les parties BII et BIII sont uniquement constituées de baraques en bois. La partie BIII (“Mexique”) ne sera jamais achevée et une extension BIV ne sera pas réalisée. Birkenau est cependant le plus grand ensemble du complexe d’Auschwitz. Les exploitations agricoles et les fermes d’élevage situées dans la Zone d’intérêt du camp lui sont administrativement rattachées. Dans des enceintes séparées, Birkenau intègre les principaux éléments du centre de mise à mort conçu pour l’extermination des Juifs d’Europe et utilisé également pour d’autres détenus (Tziganes, malades…).
  • Le camp de Monowitz (Auschwitz-III) : il correspond au camp spécialement ouvert à sept kilomètres de la ville d’Ausch­witz pour installer la main-d’œuvre nécessaire aux usines de fabrication de caoutchouc et d’essences synthétiques implantées par la firme IG Farben (Buna-werke).

Des camps annexes (Kommandos extérieurs), créés pour exploiter les ressources d’un large secteur, sont administrativement intégrés à Auschwitz-III.

Une quarantaine de filiales existeront ainsi de 1942 à 1944 au service direct de l’économie SS (comme celle qui doit achever la construction de l’Académie Technique SS à Brno en Tchéquie), ou, le plus souvent, au service d’entreprises industrielles allemandes plus ou moins importantes. Les “inaptes au travail” et les cadavres des Kommandos les plus proches sont ramenés aux Kremato­rium de Birkenau.

Quand l’armée soviétique est toute proche, les détenus du camp d’Auschwitz sont évacués vers d’autres camp (17-20 janvier), lors de marches ou de transports “de la mort”, seuls les malades incapables de marcher étant laissés sur place.

Le 27 janvier 1945, l’avant-garde de l’Armée Rouge arrive dans les camps d’Auschwitz, reste quelques heures avant de poursuivre son avancée. D’autres régiments soviétiques arrivent ensuite et organisent un poste médical avec la Croix-Rouge polonaise.

Dans une première période, le complexe concentrationnaire d’Ausch­witz fonctionne donc comme un camp de concentration au régime particulièrement sévère calqué sur le modèle de ceux existant depuis 1933 en Alle­magne : jusqu’à l’été 1942, les détenus enregistrés sont majoritairement Polonais. Il constitue également un complexe industriel au service de la machine de guerre allemande et au bénéfice de la SS. L’utili­sation de Birkenau comme grand camp de prisonniers de guerre n’a pas abouti. Il devient finalement le plus grand centre de mise à mort immédiate des populations juives d’Europe (90 % des victimes du camp, dont les 4/5 sont assassinées immédiatement).

 

Du 27 mars 1942 au 11 août 1944,

69 convois transportèrent de France à Ausch­witz-Birkenau

69 000 personnes désignées comme juives,

dont 7400 enfants demoins de 14 ans.


Les 50 déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942 ne furent pas gazés à l’arrivée, mais ils subirent la persécution infligée aux porteurs d’étoile à l’intérieur du camp, confor­mé­ment au projet d’extermination et la poli­tique de hiérarchie et de division des détenus instituée par les SS. Seuls deux ont survécu. Les autres “45000” connurent tous Birkenau dans la première semaine de leur arrivée. Quand ils furent séparés en deux groupes égaux, la moitié rejoignit Auschwitz-I. À eux tous, ils ont connu un nombre important des divers Blocks et Komman­dos de ces deux camps. Avec la complicité d’un membre du Sonder­kommando, trois “45000”, “installeurs” amenés à travailler près du Krema­torium IV ou V, ont assisté à l’ouverture de la porte d’une chambre à gaz. Les “31000” connurent toutes le camp des femmes de Birkenau – ne retournant à Aus­ch­witz-I que pour l’enregistrement. Quelques-unes furent admises au Kommando expérimental de Raïsko où elles avaient davantage de chances de survie.

Depuis le Kommando de couture de Birke­nau, situé près de la rampe, certaines assistèrent en juin 1943 aux “sélections” des convois de Juifs de Hongrie.

Ni les “45000” ni les “31000” n’ont d’expérience de Buna-Monowitz (Auschwitz-III).

Marion Queny et Pierre Labate

 

Article paru dans le bulletin n° 23 de Mémoire Vive de janvier 2005