Léon, Clément, Poyer naît le 11 juin 1899 à Maromme (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76), chez ses parents, Alfred Poyer, 26 ans, et Léontine Tessel, son épouse, 26 ans, domiciliés au 45, au Bout du Bosc.
Le 16 avril 1918, Léon Poyer est incorporé au 1er régiment de zouave comme soldat de 2e classe, arrivant au corps le lendemain. Le 20 mars 1919, il passe au 8e zouaves. Le 22 juillet suivant, il est à Oran (Maroc). Le 1er janvier 1920, il passe au 6e régiment de tirailleurs. Le 11 mai suivant, il est en campagne “en Orient” (“unité combattante”. Le 14 avril 1921, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
Le 4 janvier 1922 à Maromme, Léon Poyer se marie avec Célina Juliette Déveaux, née le 8 octobre 1899 à Pavilly.
Fin 1925, le couple habite au hameau de la Maine (au Bout du Bosc), à Saint-Jean-du-Cardonnay (76). Léon est alors ouvrier teinturier (aux établissements G. Thaon ?). Célina est ouvrière à la Filature de coton corderie de mèches à bougies et usine de teinturerie Gresland, à Notre-Dame-de-Bondeville. Ils hébergent le frère de celle-ci, André Deveaux, né en 1908 à Rouen, ouvrier à la Filature de coton Charles Delaporte, rue des Martyrs à Maromme.
Au printemps 1927, il est domicilié sur la route de Duclair à La Vaupalière, commune limitrophe de Maromme et de Saint-Jean-du-C.
En septembre 1929 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 26, rue Lorraine, à Maromme.
Lors du recensement clôt le 15 mai 1936, Léon Poyer se déclare comme « planteur de sapins » (sic). Célina est toujours ouvrière en filature, comme la mère de celle-ci, qu’ils hébergent alors.
Puis il trouve un emploi d’ouvrier métallurgiste, selon Louis Eudier, plus précisément de mouleur en fer. En 1937, l’armée le classe dans l’affectation spéciale à la Compagnie Française des Métaux, à Déville-les-Rouen.
Il est adhérent du Parti communiste.
Le 7 juillet 1939, l’armée le raye de l’affectation spéciale et le réaffecte au centre mobilisateur d’infanterie n° 32.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Léon Poyer…
Dans la nuit du 21 octobre 1941, il est arrêté à Maromme lors de la grande rafle de Rouen et de sa banlieue [2]
Il est emmené à la caserne Hatry de Rouen, enchaîné à son voisin, Julien Villette.
Le 24 octobre probablement, avec les autres Normands arrêtés aux mêmes dates, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).
Dans un message sorti clandestinement, un camarade de Maromme, Marcel Lecour, demande de faire prévenir certaines personnes, parmi lesquelles M. Poyer, rue Lorraine, « que le membre de leur famille absent est en bonne santé et arrivé ce jour à Compiègne ».
Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Poyer est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Léon Poyer est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46010. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Léon Poyer est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
À une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies contagieuses (Block 20) de l’hôpital du camp.
Léon Poyer meurt à Auschwitz le 23 août 1942, d’après plusieurs registres établi par l’administration SS du camp.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955, afin de signifier sa position en aval du cours du fleuve.
[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.
(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.
[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 417.
Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre, Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, avril 2015, pages 23 et de 26 à 28.
Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet, archives en ligne : registre d’état civil de Maromme, année 1899 (4E 13734), acte n° 118 (vue 130/141).
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département, : cabinet du préfet 1940-1946 (cote à vérifier, 51 W …), recherches conduites avec Catherine Voranger.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 961 (24635/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20-08-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.