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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Louis, Jérôme, Allaire naît le 31 juillet 1913 à la maternité de l’hôpital Tenon à Paris 20e, fils de Jérôme, Louis, Marie, Allaire, 33 ans, employé, et de Joséphine Pringent, 27 ans, son épouse, domiciliés dans un petit immeuble au 6, rue Masson, aux Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis). Breton natif de Quintin (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor – 22), , son père est venu s’installer en banlieue parisienne en mai 1906, déménageant trois fois au cours de cette année de Montreuil-sous-Bois, à Romainville, et à L’Haÿ-les-Roses, puis à Antony et Bagnolet .

De la classe 1899, âgé de 36 ans, Jérôme Allaire est rappelé lors de la Première Guerre mondiale. Le 3 août 1914, il est mobilisé comme 2e canonnier conducteur au 10e régiment d’artillerie. Le 22 janvier 1916, il passe au 57e RA, intégré à l’Armée d’Orient. Le 11 mai 1917, à l’hôpital temporaire n° 2 Princesse Marie à Salonique, il succombe à un accès de fièvre bilieuse contractée « en service commandé ».

Le 19 décembre 1919, Louis Allaire, 6 ans, est adopté par la Nation par Jugement du tribunal civil de Lannion (22).

À une date restant à préciser, sa mère se remariera avec Monsieur Le Maitre.

Au moment de son arrestation, Louis Allaire est domicilié au 57, rue Raspail à Levallois-Perret [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).

Louis Allaire est ouvrier à l’usine Astra d’Asnières [1] (92), 14 rue Pierre-Curie.

À la suite du décret de mobilisation générale du 2 septembre 1939, il semble qu’il soit rappelé à la 31e compagnie de passage, 505e RCA (Vannes ?).

Le 14 décembre 1940, il est arrêté une première fois par les services du commissariat de police de la circonscription de Levallois pour distribution de tracts communistes : il en a expédié quatre à un couple de Plouhérin (22) pliés dans le journal Paris-Soir. La perquisition effectuée à son domicile amène la découverte de 23 autres tracts. Au cours de son interrogatoire – peut-être dans les locaux de la BS1 à la préfecture de police -, il reconnaît les faits et met en cause François Dallet, qui les recevait lui-même de Camille Salagnac. Les deux hommes sont conduits au dépôt de la préfecture de police.

Le 19 décembre, le Procureur général ouvre une information contre eux pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 3 mars 1941, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine les condamne simultanément à une peine de prison (huit mois pour Dallet). Louis Allaire y reste (à la Santé ? à vérifier…) jusqu’au 1er mai 1941.

Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Louis Allaire est enregistré sous le matricule 4124 et affecté au bâtiment C1 (ancien “camp des Juifs”).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler)

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

transportaquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Louis Allaire est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45164 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Allaire est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».  « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ». « Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Il est assigné au Block 11, selon une note non datée (son nom orthographié « Aloise »).

Louis Allaire meurt à Auschwitz le 13 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), soixante-huit jours après l’arrivée de son convoi, âgé de 29 ans.

Le 31 janvier 1947, sa mère, veuve Allaire mais épouse Le Maître, alors domiciliée à Plounérin-bourg (22) remplit un formulaire du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré ». Le 18 mars 1947, un cadre du ministère lui répond : « Pour permettre à mes services de donner suite à votre demande […], j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir me faire parvenir, d’urgence émanant de l’organisation de résistance à laquelle appartenait votre fils, une attestation spécifiant son adhésion à cette organisation… » Le 12 avril, cette attestation est délivrée par le secrétaire administratif de la Fédération de la Seine du Parti communiste français certifiant que Louis Allaire faisait partie de la Résistance dans les rangs du Parti communiste français… (lequel n’a jamais été  officiellement reconnu comme une organisation de résistance). Néanmoins, à l’été 1947, faute du moindre témoignage établissant le décès de Louis Allaire, le ministère des ACVG établit à son nom un “acte de disparition” qu’il envoie à sa mère avant le 25 août de cette année.

Par la suite, Madame Allaire, épouse Le Maitre, semble ne pas poursuivre ses démarches ; est-elle décédée ? Toujours est-il que le décès de son fils n’est pas officiellement déclaré par le ministère à cet époque, document préalablement indispensable à son homologuation comme déporté.

Notes :

[1] Levallois-Perret et Asnières : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” industrielle, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 393.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : archives des Renseignements généraux de la préfecture de police (consultation sur écran), brigade spéciale anticommuniste, registre des affaires traitées 1940-1941 (G B 29) ; dossiers individuels du cabinet du préfet, dossier commun Dallet-Allaire (1 W 1098-55823).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 22 (29274/1942).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 417-583).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-03-2020)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.