- Louis Dusselier © Droits Réservés.
Louis, Jules, Dusselier naît le 10 février 1898 à Narcy (Haute-Marne – 52), fils de Léon Claude Dusselier, 44 ans, homme d’équipe, et de Marie Albertine Deschamps, son épouse, 36 ans. Louis a, au moins, une sœur, Léa, née vers 1890, et un frère, Alexandre, né vers 1894.
Habitant pendant un temps chez ses parents, dans le quartier de Saut-le-Cerf à Épinal (Vosges), Louis Dusselier commence à travailler comme manœuvre.
Le 17 avril 1917, il est mobilisé au 21e bataillon de chasseurs à pied. Le 7 octobre suivant, il rejoint le front au sein des armées du Nord et du Nord-Est (25e compagnie ?). Le 1er juin 1918, il passe au 121e B.C.P. Le 4 juin, son unité participe à la contre-offensive Mangin, réagissant à une grande offensive allemande dans l’Oise. Le 11 juin, à la côte 100 au sud-est de Courcelles, Louis Dusselier est victime d’une intoxication par les gaz de combat (ce jour-là, 9 chasseurs sont tués, 15 sont portés disparus, 69 sont blessés, ainsi que 3 officiers) ; il est évacué sur une ambulance, puis hospitalisé. Le 23 juillet suivant, il rejoint son corps aux armées. Le 12 mars 1919, il passe au 6e régiment de tirailleurs. Le 15 février 1920, il passe au 39e régiment d’infanterie. Le 4 juin suivant, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. Il sera pensionné pour les séquelles de son intoxication par les gaz, considérée comme blessure de guerre, « respiration rugueuse s‘accompagnant de râles ronflants et sibilants ».
Le 26 juin 1920 à Rozières-sur-Mouzon (88), il épouse Marie Louise Clotilde Hinderschid, née le 27 mars 1901 à Saint-Dizier. Ils auront cinq enfants : Berthe, née en 1921, Robert, né le 15 juin 1923, Daniel, né en 1934, Jean-Marie, né le 28 janvier 1937, et Annie (née en octobre 1939 ?).
Début 1921, ils s’installent au 186, avenue de la République à Saint-Dizier (52). En juillet 1935, ils sont au 111 ter, avenue de la République. En 1936, Louis Dusselier se déclare comme “expéditionnaire”. Sa fille Berthe, 15 ans, est alors apprentie coiffeuse à Audun-le-Roman (Meurthe-et-Moselle), à proximité de la frontière du Luxembourg.
Le 7 juin 1938, l’armée classe Louis Dusselier dans l’affectation spéciale comme mouleur au titre des usines Ch. Vermot à Saint-Dizier.
C’est un militant communiste.
Au moment de son arrestation, la famille est domicilié au 200, avenue de la République à Saint-Dizier (52).
Le 21 juin 1941, Louis Dusselier est arrêté à son domicile par la police allemande [1] en raison de ses activités politiques antérieures et emprisonné à la maison d’arrêt départementale de la rue du Val-Barizien à Chaumont (52).
Puis il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) où il est enregistré sous le matricule 585.
De septembre à mai 1942, Louis Dusselier est hospitalisé à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris 5e, où son fils Robert a pu le voir plusieurs fois, puis il est ramené au camp.
- Interné au Val-de-Grâce, hôpital militaire. © Droits Réservés.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Louis Dusselier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45517 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Dusselier.
On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943 [2].
Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”.
Le nom de Louis Dusselier est inscrit sur la plaque dédiée aux déportés politiques, aux déportés du travail et aux victimes civiles de la guerre 1939-1945 apposée dans le hall de l’Hôtel de Ville de Saint-Dizier.
Ses fils Robert et Jean-Marie adhèrent à l’association Mémoire vive des convois des 45000 et des 31000 d’Auschwitz-Birkenau, en même temps que leurs propres enfants. Robert, domicilié à Bettancourt-la-Ferrée conduit plusieurs sessions de recherches de documents dans les archives de la Haute-Marne. Jean-Marie, domicilié à Beynes (Yvelines), également membre du conseil d’administration, organise de nombreuses rencontres avec les scolaires et les étudiants, ainsi que des expositions avec les panneaux historiques de l’association.
Robert décède le 20 octobre 2018. Jean-Marie décède le 24 février 2021.
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Louis Dusselier, c’est le 15 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, 127 et 128, pages 367 et 403.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour Nicolas Dupeux et Jean-Marie Dusselier (01-2006, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – M. Savary (ADIRP de Saint-Dizier, 13-06-1992) – Robert Dusselier, son fils, réponses à un questionnaire (22-06-1992).
Message de Jean-Marie Dusselier, son fils (3-01-2008).
Robert Dupays et Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2004.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-02-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.