Louis, Émile, Eugène, Leroy naît le 28 septembre 1902 à La-Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), chez ses parents, Léon Leroy, 31 ans, artisan serrurier, et Charlotte Liebert, son épouse, 33 ans, domiciliés au 107, rue de Condé. Louis a – au moins – trois frères et une sœur : Jacques, né le 25 novembre 1894, Georges, né le 20 juillet 1896, Pierre, né le 23 avril 1898, Jeanne, née le 31 janvier 1901, tous à La Ferté.
En 1912, son père, alors ouvrier mécanicien, amène sa famille habiter à Puteaux [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), dans un logement au 19, rue du Marché. Son épouse est peut-être alors décédée.
En décembre 1920, Louis Leroy commence (?) à travailler comme monteur en chauffage chez Roth et Rousseau, entreprise de chauffage central sise au 24, rue Diaz à Boulogne-Billancourt (92). C’est un ouvrier sérieux qui rapporte régulièrement sa paie à son père.
En juillet 1922, il travaille aux ateliers de l’Association de patrons fumistes, sise au 19, passage Dubail (Paris 10e).
En février, examiné par le Conseil de révision, il est reconnu bon pour le service armé et doit être incorporé avec le contingent de la classe 1922.
Le 29 octobre, Louis Leroy est arrêté sur les grands boulevards au cours d’une manifestation organisée par l’Union anarchiste, d’abord conduit au commissariat de police du quartier de la Porte-Saint-Martin, puis envoyé au dépôt de la préfecture de police. Poursuivi pour outrages et rébellion par le tribunal de première instance de la Seine, il est transféré à la prison de la Petite-Roquette. Cependant, il est mis en liberté provisoire le 31 octobre.
Le 1er novembre, un rapport de police (renseignements généraux ?) établi en urgence pour le juge d’instruction indique que Louis Leroy, 22 ans, est adhérent à la section communiste de Puteaux, « mais, jusqu’à présent, il n’a pas été signalé comme fréquentant les milieux anarchistes ».
Le 17 novembre, il est incorporé au 155e régiment d’artillerie afin d’accomplir son service militaire.
Le 9 décembre, son affaire vient devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de la Seine, mais est renvoyée au 6 janvier 1923.
Le 5 juin 1924, il est renvoyé dans ses foyers ; il adhèrera à l’Amicale des réservistes de Puteaux.
Le 24 décembre 1925 à Puteaux, son frère, Pierre Leroy se marie avec Jeanne Lucienne Mirat.
Le 24 décembre 1925 à Puteaux, Louis Leroy se marie avec Andrée Francine Mirat, née le 6 septembre 1904, également à La-Ferté-sous-Jouarre (?).
En juin 1928, un rapport de police indique que Louis Leroy est célibataire (?) et habite rue du Marché à Puteaux avec son frère Pierre. Il travaille alors comme monteur en chauffage à la Société française La Radio électrique, sise au 55, rue Greffuhle à Levallois (92). Il est adhérent de la cellule d’entreprise n° 139 du 7e rayon de la région parisienne du Parti communiste et membre de l’Union syndicale des travailleurs de la Métallurgie, voiture-aviation, maréchalerie et parties similaires de la région parisienne (unitaire).
Le 3 septembre suivant, Louis Leroy doit accomplir une période de réserve au 155e RA, caserné à Strasbourg (Bas-Rhin). Le service des RG – qui le surveille toujours – « apprend » qu’il doit y emporter des tracts antimilitaristes et se fait fort de provoquer des manifestations antimilitaristes au cours de sa période, ayant reçu de Maizières (probablement Marcel), militant connu chargé des amicales de réservistes au 106 rue Lafayette, les tracts et instructions nécessaires. Ce même 3 septembre, le cabinet du préfet de police transmet ce rapport au 2e bureau de l’état-major, au ministère de la Guerre.
Pendant un temps, Louis Leroy habite au 33, rue des Plaideurs à Nanterre [1] (92).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 53, rue Eugène-Eichenberger à Puteaux. Il travaillerait alors comme ajusteur.
Le 6 février 1941, Louis Leroy est arrêté chez lui par des agents du commissariat de police de la circonscription de Puteaux, qui lui disent que son nom a été relevé sur une liste saisie sur un militant précédemment arrêté. Ils l’emmènent après une perquisition de son domicile restée sans résultat. Le 9 février, il est incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) ; à vérifier…
Le 13 février, les services de la préfecture de police rendent compte qu’au « au terme d’une série d’enquêtes et de multiples surveillances », ils ont appréhendé 26 militants pour « recrutement d’éléments susceptibles de participer d’une manière particulièrement active à l’organisation de la propagande communiste clandestine à Puteaux » et confection, répartition et diffusion du « matériel de propagande (tracts, papillons, placards) », parmi lesquels Louis Leroy et André Arsène Bisillon, Lucien Pairière, Émile Poupleau, qui seront déportés avec lui. À l’exception de deux d’entre eux, laissés en liberté provisoire, tous sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et passent par le dépôt de la préfecture de police où ils sont mis à la disposition du procureur de la République.
Le 13 avril, Louis Leroy est relaxé par le juge d’instruction, mais reste détenu au dépôt.
Le 18 avril, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Louis Leroy, désigné comme un « militant communiste [ayant] prit une part importante dans le développement de la presse clandestine ».
Le 21 avril, Louis Leroy fait partie d’un groupe d’internés transférés (depuis le dépôt ?) au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise /Val-d’Oise).
Dans la nuit du 2 au 3 juin, lors d’une perquisition menée dans les chambres des internés, les gardiens confisquent un cahier sur lequel Louis Leroy a copié les couplets de chants révolutionnaires, ainsi que les conditions de transport pour recevoir des visites au départ de Puteaux.
Le 11 février 1942, Louis Leroy fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupations” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Louis Leroy est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45786 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Leroy est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Le 30 juillet, son nom est inscrit sur un registre de diagnostics du Block 21 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I. À une date restant à préciser, il est transféré au Block 28 de cet hôpital, en même temps que Joseph Germain, Gustave Nourry, Gustave Prothais et René Paillole.
Il meurt à Auschwitz le 7 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2]. La cause mentionnée pour son décès – tout en pouvant être mensongère – est crédible : typhus exanthématique (Fleckfieber).
(aucun des dix ou onze “45000” de Puteaux n’a survécu)
Avant le printemps 1952, un de ses proches (sa veuve, probablement), dépose une demande d’attribution du titre de déporté résistant.
À cette époque, Andrée Leroy habite toujours au 53, rue Eugène-Eichenberger à Puteaux et travaille à la Société des Véhicules industriels Saurer, sise au 131, rue de Suresnes (92).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Louis Leroy (J.O. du 21-10-1994).
Notes :
[1] Puteaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
S’agissant de Louis Leroy, c’est le 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 383 et 411.
Archives départementales de Seine-et-Marne, archives en ligne : état civil de La Ferté-sous-Jouarre, registre des naissances 1902-1907 (6E194/28), année 1902, acte n° 80 (vue 34/323).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1W71, 1W76, 1W80.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 943-41944).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 712 (28884/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 7-01-2019)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.