Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Louis, Maurice, Welscher naît le 10 juin 1900 à Bar-le-Duc (Meuse), fils naturel d’Anne Welscher, 37 ans, veuve.

Dans les années suivantes (accompagnant sa mère ?), Louis Welscher arrive à Noisy-le-Sec [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), habitant au 17, rue de la Madeleine à Noisy-le-Sec (future rue Pierre-Sémard) jusqu’au moment de son arrestation. Il acquiert une formation d’ajusteur mécanicien.

De la classe 1920, il s’engage volontairement pour trois ans le 28 août 1918 à la mairie du 8e arrondissement au titre du 2e dépôt des équipages de la Flotte, à Brest, qu’il rejoint trois jours plus tard (la guerre n’est pas achevée). Le 7 décembre suivant, il est nommé « à la 2e classe mécanicien ». Le 1er septembre 1918, il embarque à bord du cuirassier Jauréguiberry, engagé en 1915 dans les Dardanelles, mais alors désarmé au mouillage à Port-Saïd, en Égypte au débouché du canal de Suez, puis ramené à Toulon le 5 mars 1919. Du 1er avril au 24 juillet suivant, Louis Welscher navigue à bord du croiseur cuirassé Ernest Renan ; les 18 et 19 juin 1919, ce navire, affecté aux côtes du Liban et de Syrie, participe avec la canonière Décidée et le torpilleur Bambara à la défense de Mersina (?). Puis, du 2 mars au 30 juin 1920, Louis Welscher embarque de nouveau sur le Ernest Renan.
Le 8 septembre 1921, il est renvoyé dans ses foyers et se retire à Noisy, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 25 septembre 1922, il entre comme ajusteur à la Compagnie des chemins de fer de l’Est. Son dossier d’agent de la SNCF victime de guerre indique que sa résidence de service est « entretien Ourcq », c’est-à-dire l’atelier d’entretien du dépôt-garage de l’Ourcq à Pantin, près du canal ; une courte notice du Maitron concerne un nommé Jean [!] Welscher, délégué CGT de ce dépôt avant la guerre, mort en déportation…

Collection Mémoire Vive.

Collection Mémoire Vive.

Le 6 octobre 1923 à Noisy-le-Sec [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), Louis Welscher se marie avec Louise Jérôme, née le 26 décembre 1898 dans cette commune. Ils n’ont pas d’enfant.

Au cours des années 1920 et jusqu’au moment de son arrestation, Louis Welscher est domicilié au 17, rue de la Madeleine à Noisy-le-Sec (future rue Pierre-Sémard).

II milite à la Confédération générale du Travail unitaire (CGTU). Le 11 mai 1932, présenté par son syndicat, il est élu délégué titulaire du personnel. En octobre de cette année-là, il fait l’objet d’une note des services de police.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.  Collection Mémoire Vive.

Carte syndicale CGT, Fédération des chemins de fer.
Collection Mémoire Vive.

Selon celle-ci, il est membre du rayon communiste de Noisy. Lecteur assidu de L’Humanité, « il assiste régulièrement aux réunions et manifestations organisées par les groupements auxquels il appartient ».

Parmi ses camarades dans l’action militante se trouve le jeune Rolland Delesque (dit “R2L”).

La mobilisation du 2 septembre 1939 le maintient dans l’affectation spéciale sur son poste de travail.

Sous l’occupation, la police française considère Louis Welscher comme un « communiste notoire, propagandiste acharné et dangereux ».

Le 26 octobre 1940, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application des décrets des 18 novembre 1939 et 3 septembre 1940, parmi 38 personnes visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Le jour même, Louis Welscher est interpellé par deux inspecteurs de la préfecture, puis conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt, lieu « désigné par le Ministre, secrétaire d’État à l’Intérieur ».

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Son épouse, arrêtée le même jour, est conduite au camp de Vouillé (Vienne) ; à vérifier…

Le 4 décembre 1940, Louis Welscher fait partie d’un groupe d’une centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés, par mesure préventive ou disciplinaire (?), à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [2], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, dont une vingtaine de jeunes.

Fontevraud, l’entrée. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Fontevraud, l’entrée. Carte Postale. Collection Mémoire Vive.

Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes en attente de transfert.

Ce nouveau convoi les amène à la gare de Clairvaux (Aube) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.

Le 14 mai, 90 d’entre eux sont transférés au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Atlantique), parmi lesquels plusieurs seront fusillés le 22 octobre. Louis Welscher est de ceux qui restent à Clairvaux, et qui doivent bientôt partager les locaux qui leur sont assignés avec quelques “indésirables” (condamnés de droit commun).

Le 26 septembre 1941, Louis Welscher est parmi la centaine d’internés administratifs de Clairvaux transférés en train, via Paris, au “centre de séjour surveillé” de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Welscher est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet 1942, Louis Welscher est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46208 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Welscher.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Welscher est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Pendant un temps, il est assigné au Block 4.

Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).

Louise, son épouse, a poursuivi le combat clandestin. Le 3 mars 1943, elle est arrêtée par la brigade spéciale des renseignements généraux au 12, rue de Constantinople à Paris 8e où elle vit sous une fausse identité, servant d’agent de liaison entre plusieurs membres du Parti communiste clandestin. À une date restant à préciser, elle est condamnée à deux ans d’emprisonnement par la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine, puis détenue à la Maison d’arrêt de la Petite Roquette, d’où elle est libérée le 17 août 1944.

Après la Libération, Louise Welscher est élue conseillère municipale de Noisy-le-Sec sur la liste du PCF. et désignée comme maire-adjointe. Le 11 novembre 1946, elle est réélue conseillère municipale.

Le 21 octobre 1945, le PCF présente Louise Welscher en sixième position sur sa liste de sept candidats au scrutin de la 6e circonscription de la Seine pour les élections à l’Assemblée nationale constituante, derrière Jacques Duclos, Charles Tillon et Fernand Grenier (élus).

Avant octobre 1961, Madame veuve Welscher dépose une demande au titre la Résistance intérieure française (RIF) pour son mari.

Le nom de Louis Welscher est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés sur le Monument aux morts de Noisy-le-Sec, situé dans l’ancien cimetière, et sur la stèle 1939-1945, place du maréchal-Foch, ainsi que sur la plaque dédiée « À la mémoire des agents SNCF tués par faits de guerre », apposée dans la gare de Pantin, côté quai.

Notes :

[1] Noisy-le-Sec : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 385 et 423.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 35.
- Archives départementales de la Meuse, site internet, archives en ligne, registre d’état civil de Bar-le-Duc, cote 2 E 29 (123), année 1900, acte n° 203 (vue 52/414).
- Archives de Paris : registres matricules du recrutement militaire, classe 1920, 1er bureau de la Seine, volume 4001-4500 (D4R1 2174), matricule n° 4364.
- Hervé Barthélémy / association Rail & Mémoire : fichier des victimes de guerre de la SNCF (Lm ??? p ???).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1501-1502.
- Henri Hannart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers dactylographiés par son fils Claude, notamment une liste page 23.
- Message de Claude Delesque, fils de Rolland dit “R2L” (08 et 09-2011) ; texte Les lettres d’Aincourt et les 45000.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397), chemise “liste des personnes se livrant à une activité de propagande” (BA 2447) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt ; cabinet du préfet, dossiers individuels (1w243-74240).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 184.
- Archives départementales de la Vienne, Poitiers : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1327 (31746/1942).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Noisy-le-Sec, relevés de P. Caulé (2000-2002) et de Ch. Level-Debray (10-2003) ; 93-Pantin, relevé de Stéphane Protois (03-2012).
- Site Le Maitron en ligne, citant Pantin, éd. Temps actuels, 1982.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.