Lucien Moreau naît le 10 mai 1922 à Paris 6e, fils de Victor Henri Moreau et de Françoise Boisseau.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 9 ou au 178, rue du Château des Rentiers, ou au 18 rue Brillat-Savarin, à Paris 13e. Il est célibataire (il a 19 ans).
Lucien Moreau travaille comme polisseur sur métaux.
Le 30 janvier 1941, il est arrêté pour propagande communiste, avec Jean Roy et Lucien Borie. Inculpés d’infraction aux articles 1, 3 et 4 du décret-loi du 26 septembre 1939, ils sont conduits au Dépôt de la préfecture de police.
Le lendemain, 31 janvier, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Lucien Moreau et Jean Roy à quatre mois d’emprisonnement, et Lucien Borie à dix mois (les trois hommes feront appel le 22 février). Ils commencent à subir leur peine à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 12 février, Lucien Moreau et Jean Roy sont transférés à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (Seine / Val-de-Marne).
Le 25 mars, la 10e chambre de la cour d’appel de Paris confirme le jugement initial.
Le 30 avril, à l’expiration de leur peine, Lucien Moreau et Jean Roy sont libérés.
Le 28 avril 1942, Lucien Moreau et Jean Roy sont arrêtés chacun à leurs domiciles respectifs lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation, notamment de jeunes mineurs ayant été remis à leur famille. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Lucien Moreau et Jean Roy sont sélectionnés avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Lucien Moreau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45894, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Lucien Moreau.
Il meurt à Auschwitz le 14 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Il a eut vingt ans à Royallieu.
Notes :
[1] Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 414.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?).
Archives de Paris ; greffe correctionnel, 14 janvier-12 février 1941.
Archives Départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : prison de Fresnes, détenus libérés le 30-4-41 (511W 13).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 828 (36182/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 15-12-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.