- Collection du Musée de l’Histoire vivante, Montreuil.
Marceau, Charles, Henri, Vergua naît le 7 août 1896 à Blois (Loir-et-Cher – 41), fils de Charles Vergua, 24 ans, jardinier, et d’Élisabeth Renaud, son épouse, 18 ans, journalière, domiciliés au 30, rue de la Butte (son patronyme est parfois orthographié de manière fantaisiste, y compris à l’état civil : « Wuarga », « Warga », « Vergat »…).
Petit ouvrier agricole pour différents patrons, le père de Marceau déménage souvent avec sa famille. Lors du recensement de 1896, et avant la naissance de son fils, il habite dans le quartier du Four à Chaux à Saint-Aignan(-sur-Cher – 41), au sud du département. En avril 1898, il est domicilié à Saint-Gervais(-la-Forêt – 41), près de Blois. Aîné de la famille, Marceau a un frère et deux sœurs : Ismaël, né le 1er septembre 1898 à Mareuil-sur-Cher (41), village proche de Saint-Aignan où habitent les parents d’Élisabeth, des vignerons (le nouveau-né est déclaré à l’état civil par son grand-père maternel), France, née le 23 avril 1900, et Lucienne, née le 9 août 1901, toutes deux à Saint-Aignan où la famille est recensée en 1906, au 14, rue des Chèvres.
En février 1911, la famille est domiciliée à Montreuil-sous-Bois [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), au 10, sentier des Poiriers.
Le jeune Marceau Vergua commence à travailler comme boulanger.
Le 12 avril 1915, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 113e régiment d’infanterie. Le 9 juin, une fois ses “classes” effectuées, il passe à la 5e section de C.O.A (commis et ouvriers d’administration). Le 29 mars 1916, il réintègre le 113e R.I.
Le 27 mars 1916, bien qu’ayant – semble-t-il – été dispensé de service militaire en 1892 pour une blessure antérieure à la jambe droite, Charles, le père de famille, est mobilisé dans un service auxiliaire au « service des GVC, secteur B, section P, groupe 4, poste 3 » (“gardes-voies et communications” ?). Mais, quatre jours plus tard, il décède de maladie à l’hôpital militaire n° 245 à Corbeil (Seine-et-Oise).
Le 11 mars 1918, Marceau Vergua passe au 8e régiment d’infanterie coloniale. Il est « en Orient » à partir du 21 mai. Le 10 octobre suivant, il passe au 37e R.I.C. Le 1er juin 1919, il passe au 4e R.I.C., maintenu au service armé. En octobre 1921, la 4e commission de réforme de la Seine lui accorde un taux d’invalidité inférieur à 10 % pour séquelles de paludisme. Il sera membre de l’Association républicaine des Anciens combattants (ARAC).
Le 11 février 1922, à la mairie de Montreuil-sous-Bois, il épouse Anna Ricquebourg, née le 4 décembre 1892 à Wiencourt-l’Équipée (Somme), repasseuse, qui vit déjà sous son toit. Sa sœur France, habitant la maison familiale, est témoin à leur mariage. Marceau et Anna auront une fille.
Peu après, le couple est domicilié au 2, ruelle aux Loups, à Montreuil.
Le 21 juillet 1923, à la mairie de Montreuil, Marceau Vergua est témoin au mariage en secondes noces de sa mère, Élisabeth, avec Henri Bourdon, 45 ans, “journalier”, veuf lui aussi, qui habite déjà chez elle.
Marceau Vergua est un militant communiste. Pendant un temps, il est secrétaire du comité local du Secours Rouge International.
Il est gérant de la Maison du Peuple de Montreuil, sise au 100, rue de Paris, jusqu’en mars 1934 (il habite à cette adresse dès le 1er juillet 1926, probablement dans un logement de fonction).
Ensuite, jusqu’à son arrestation, il est domicilié au 35-bis, rue aux Loups – devenue rue Émile-Raynaud – à Montreuil, dans un pavillon lui appartenant.
C’est un militant communiste. Pendant un temps, il est secrétaire du comité local du Secours Rouge International.
En novembre 1934, il gère la Coopérative du Haut-Montreuil, et s’occupe de la société “L’Étoile de Montreuil”. De 1935 à septembre 1940, il est officiellement chef cantonnier à la mairie de Montreuil.
En mars 1939, il sollicite l’autorisation d’ouvrir un colombier de pigeons-voyageurs dans les dépendances de son pavillon. Adhérent à la société colombophile Le Message Montreuillois, il dispose de trois couples de pigeons non entraînés.
Le 3 décembre 1939, une perquisition effectuée à son domicile par les services du commissariat de Montreuil amène la découverte de sa carte du Parti, de nombreuses brochures et livres politiques (probablement datés d’avant l’interdiction de l’organisation).
Au début 1940, il serait encore gérant du restaurant de la Maison du Peuple, selon la police (à vérifier…).
Le 19 février, il serait affecté au dépôt d’infanterie coloniale n° 219.
Le 7 avril, une nouvelle perquisition à son domicile se révèle infructueuse.
Sous l’occupation, la police française le considère comme un « communiste très actif, (participant) à la propagande clandestine ». Dans cette période, il vivrait séparé de son épouse, laquelle n’habiterait plus sous le même toit.
Le 5 octobre 1940, Marceau Vergua est appréhendé par la police française lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Le 13 novembre, Julette J., de Montreuil, domiciliée au 14, rue du général-Galliéni, écrit à Jean-Pierre Ingrand, représentant le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Vichy,pour lui demander une autorisation de visite afin d’aller voir son « ami » Marceau Vergua. Le 16 novembre, elle écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter « la permission de voir nos maris, internés au camp sanatorium d’Aincourt (S.-et-O.), détenus politiques, desquels nous sommes séparées depuis deux mois ». Les suites de ces démarches sont inconnues.
Mais Marceau Vergua est probablement mis en cause par un camarade arrêté après lui, car est inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939.
Le 2 février 1941, Marceau Vergua est extrait du camp pour être conduit devant un juge d’instruction ; il est probablement écroué au dépôt de la préfecture ou à la Maison d’arrêt de la Santé à Paris 14e.
Le 26 avril, Marceau Vergua est assigné à comparaître avec douze autres inculpés montreuillois, dont Jean Renard et Fernand Vandehove, devant la 15e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine, dédiée aux mineurs, un inculpé de 15 ans étant présenté à l’audience. Marceau Vergua est condamné à deux mois d’emprisonnement, peine probablement considérée comme ayant été effectuée au cours de sa détention préventive.
Il réintègre Aincourt le 28 avril…
Le 6 septembre, Marceau Vergua est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci. Assigné à la baraque n° 10, il est désigné comme responsable de réfectoire.
Le 14 septembre, Juliette “Vergua” écrit à un « camarade » (non nommé) resté interné à Aincourt pour lui donner des nouvelles des transférés. Le service de censure de l’administration d’Aincourt intercepte cette correspondance à l’arrivée. Le 20 septembre, le commandant du camp communique ces courriers et leurs transcriptions au cabinet du préfet de Seine-et-Oise pour suggérer le laxisme avec lequel est géré le camp de Rouillé : « la population parvient à communiquer avec les détenus »
Le 22 mai 1942, Marceau Vergua fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marceau Vergua est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46187, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marceau Vergua.Il meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Il est homologué comme “Déporté politique”.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).
Son nom figure sur la plaque commémorative apposée en mairie à la mémoire des élus et employés communaux morts pour la France de 1939 à 1945.
Son nom est également parmi les 58 inscrits sur la stèle commémorative apposée devant le siège de la section du PCF, au 10, rue Victor-Hugo, pour rendre « Honneurs aux communistes de Montreuil tombés pour une France libre forte et heureuse ».
Notes :
[1] Montreuil-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
– Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 43, page 143.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection Mémoires, Paris 2005, pages 385 et 422.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 32, citant : FNDIRP de Montreuil, lettre de Daniel Tamanini (23-4-1989).
Anne Kalasz, née Renaud, petite-cousine de Marceau Vergua par la mère de celui-ci ; résultat de ses recherches généalogiques (messages et relecture 06-2016).
Site Mémoires des Hommes, ministère de la Défense, Morts pour la France de la Première Guerre mondiale, fiche de Charles Vergua.
Archives départementales du Loir-et-Cher (AD 41), archives en ligne ; registre des matricules militaires, bureau de Blois, classe 1892 (2 MI 48/R43), liste départementale du contingent, volume 4, n° 1501 à 2000, Charles Vergua, matricule 1893 (vue 1179/1319) ; recensements de population, commune de Saint-Aignan-sur-Cher 1886-1906 (2 MILN R225), année 1896 (vue 153/277), année 1906 (vue 236/277), mal orthographié « Warga ».
Archives communales de Blois, site internet : registre des naissances de l’année 1896 (cote 2 E 46), acte n° 310 (vue 39/144).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : renseignements généraux, dossiers individuels (77 W 1455-16112).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W71, 1W76), notice individuelle (1W157).
Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, jugement du samedi 26 avril 1941 (D1u6-3744) ; registre des matricules militaires, classe 1916, 4e bureau de recrutement de la Seine, volume 3501-4000 (D4R1 1940), n° 3984.
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 180.
Archives départementales de la Vienne, Poitiers : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1275 (34185/1942). “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 17-03-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.