Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Marcel Algret naît le 18 juillet 1918 à Paris 10e, au 2 rue Ambroise-Paré, fils de Suzanne Algret, 28 ans, ménagère (?), domiciliée au 9 rue Pouchet, et de père non dénommé. Sa mère le reconnaît à l’état civil le 5 août suivant.

Lors de son recensement militaire, Marcel Algret est ouvrier agricole chez Madame Jouau-Provins à Chichery (Yonne), sa mère habitant alors au 26 rue Martin-Levasseur à Saint-Ouen.

Il adhère au Parti communiste en 1936 et en est membre jusqu’à la dissolution de celui-ci.

Le 1er septembre en 1938, il est appelé à effectuer son service militaire au 146 régiment d’infanterie. Mais, dès le 21 septembre suivant, la commission de réforme (C.R.) de Metz le renvoie dans ses foyers pour une crise constatée dans le service et confirmée par une enquête de gendarmerie rapportant de nombreuses crises survenues dans l’enfance. Le 1er février 1940, la 1re C.R. de la Seine le réforme définitivement.

Au moment de son arrestation, il habite en hôtel au 6, place Peyret à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis).

Il est manœuvre, sans travail à partir de l’invasion allemande.

Le 26 octobre 1940, Marcel Algret est arrêté à proximité de son domicile par deux inspecteurs de la brigade spéciale anticommuniste de Renseignements généraux de la préfecture de police. Fouillé, il n’est trouvé porteur d’aucun document suspect. Mais, « interpellé » (interrogé), il reconnaît avoir distribué des tracts et collé des papillons. La perquisition de son domicile amène la découvert de plusieurs tracts clandestins ronéotypés (La Voix populaire).

Il est pris dans la même affaire de détention et distribution de tracts que Maurice Alexis, le Père Massé et quatre autres militants clandestins. Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, ils sont conduits au dépôt de la préfecture de police deux jours plus tard, 28 octobre.

Le 2 novembre, sept inculpés dans la même affaire comparaissent devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Marcel Algret et Maurice Alexis sont condamné chacun à six mois d’emprisonnement.

Le 14 novembre, ils sont conduits à la Maison d’arrêt de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne). Dès le lendemain, 15 novembre, Maurice Alexis est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines), où Marcel Algret le rejoint six jours plus tard, le 21 novembre.

Le 10 janvier 1941, le procureur général interjette appel du premier jugement.

Le 3 février suivant, ils comparaissent devant la Cour d’Appel de Paris qui confirme la peine de Maurice Alexis, mais commue celle de Marcel Algret en trois mois de prison avec sursis. Celui-ci n’est pas libéré pour autant : le lendemain, – sur instruction des Renseignements généraux – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1940.

À une date restant à préciser, Marcel Algret est transféré au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 18 mars 1942, il est parmi les treize “jeunes” communistes « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; tous sont de futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942.
La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C, qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C,
qui semblent avoir souvent servi au regroupement des internés sélectionnés pour la prochaine déportation.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Algret est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46213, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté  Marcel Algret.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebucher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]). La cause mensongère indiquée pour sa mort est « septicémie avec phlegmon ». Il a 24 ans.

En juillet 1947, sa mère Suzanne, devenue Desmarest, habite toujours au 26, rue Martin-Levasseur à Saint-Ouen.

À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000.

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen
et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005
dans le square des 45000 et des 31000.

Notes :

[1] Saint-Ouen : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 386 et 393.
- Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 15 novembre 1940 au 20 janvier 1941 (D1u6-5851).
- Archives départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil ; archives de la prison de Fresnes, maison d’arrêt, registre d’écrou 148 (2742w 15), n° 4298.
- Archives de la préfecture de police (seine / Paris) : cartons “occupation allemande” : BA 2374 (camps d’internement…) ; BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941) ; classeur Inventaire BS1.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 21.
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : liste de détenus français morts au camp de concentration d’Auschwitz relevée par le S.I.R. d’Arlosen (26 P 821 – Auch. 1/7).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.