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Marcel, Henri, Eugène, Lenglet naît le 6 août 1907 à Airaines (Somme – 80), fils de Henri Lenglet, chauffeur (de chaudière ?) et d’Eugènie, son épouse. Lors du recensement de 1911, la famille habite au lieu-dit L’Abbaye, rue des Prés-Notre-Dame ; le père est ouvrier d’usine chez Dargicourt et la mère est brodeuse chez Deneux, entreprise textile locale.
De la classe 1899, ayant effectué son service militaire du 16 novembre 1901 au 19 septembre 1903, le père est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint l’armée du Nord et du Nord-Est à Abbeville au sein du 46e régiment d’infanterie le 4 août 1914. Le 16 novembre 1915, il passe au 128e R.I. Le 29 janvier 1916, au Bois de la Folie, il est fait prisonnier de guerre, puis interné à Munster. Il est rapatrié en France le 21 décembre 1918. Après une permission de 30 jours, il rejoint le 128e R.I. Le 24 février 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.
En mars 1923, la famille habite à Saint-Quentin (Aisne), au 10 rue Lecat.
Marcel Lenglet devient ouvrier tourneur, puis employé.
Fin 1925, ils habitent au n°7 cité de Mulhouse à Saint-Quentin.
Au moment de son arrestation, Marcel Lenglet est domicilié au 23, rue Paradis.
Il se marie une première fois en 1926.
En 1927, il milite activement au Parti communiste.
L’année suivante, il est secrétaire CGTU des Métaux de la ville. Pour exercer son activité militante, il prend le pseudonyme de Jean Roberty.
En 1932, il dirige la cellule communiste de la coopérative La Fraternelle et siège au bureau du rayon de Saint-Quentin.
Le 11 février 1934, lors de la réunion antifasciste de Soissons, Lenglet-Roberty lance un appel à l’union.
Il est élu secrétaire de l’Union départementale CGT au congrès des 15-16 avril 1939, A. Renard étantsecrétaire général. Il est bien connu « dans la cité » pour son engagement.
Dans ce cadre syndical, Marcel Lenglet fait l’objet de plusieurs procédures pénales pour manifestation et « entrave à la liberté du travail » (participation à des mouvements de grève).
Fréquemment orateur dans des meetings, il écrit des articles pour « la feuille départementale » du PCF,L’exploité de l’Aisne.
Il se marie une deuxième fois en 1940, avec Renée Watbled. Ils ont un fils, Claude, né le 7 avril 1938.
Du 6 janvier 1941 jusqu’à son arrestation, Marcel Lenglet travaille comme tourneur aux établissements Lamory, au 1, rue Ledru-Rollin à Saint-Quentin (fonderie et construction mécanique, fin d’exploitation en décembre 1992). Donnant toute satisfaction à son employeur, il l’assure qu’il se tient « à l’écart de tout clan politique ».
Le 8 mai 1941, le commissaire central de police de Saint-Quentin écrit au préfet de l’Aisne qu’il fait surveiller attentivement les agissements de Marcel Lenglet, qui a groupé autour de lui un petit noyau d’extrémistes composé de six autres employés de son entreprise. Lenglet et deux d’entre eux déjeunent au Café de la Paix, 163 rue de La Fère, sans s’isoler des autres clients. Selon le policier, l’affirmation d’absence d’activité politique « doit être acceptée sous la plus grande réserve, ce qui revient à dire que, si le sus-nommé ne se livre actuellement à aucune propagande apparente, il est capable, compte tenu de sa subtilité bien connue, à se livrer, dans cet ordre d’idée, à une besogne souterraine. Cependant, aucun fait probant n’est venu étayer cette hypothèse. […] Inutile de dire que mes services spéciaux sont toujours en alerte… »
Le 20 septembre 1941, le commissaire principal des Renseignements généraux de Laon transmet au préfet une liste des communistes notoires des plusieurs localités du secteur « qui semblent continuer leurs agissements anti-nationaux ». Avec Louis Galant, Marcel Lenglet est parmi les sept hommes désignés pour Saint-Quentin.
Il est possible qu’il soit interpellé par la police française, puis relâché, reprenant son travail…
Le 17 octobre, Marcel Lenglet est arrêté sur son lieu de travail comme otage communiste par des policiers allemands (?), sur ordre de la Feldkommandantur 602 de Laon ; un voisin le voit passer rue d’Isle, menotté. D’abord conduit au quartier allemand de la Maison d’arrêt de Saint-Quentin, Marcel Lenglet est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par laWehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 20 février 1942, il est probablement dans le même bâtiment que Léon Durville, de Soissons, quand celui-ci comprend que sa sortie du camp que viennent de lui annoncer des soldats allemands signifie son exécution le lendemain.
Le 9 avril 1942, le nom de Marcel Lenglet figure avec celui de Louis Galant dans un courrier de laFeldkommandantur de Laon au sujet de l’établissement des listes d’otages « conformément à l’arrêté du 12 février 1942 » (Bezirkschef A V.II b – V. 138/42 g.).
Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Lenglet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Léon Moniot, cafetier, et Ambroise C., marchand forain, arrêtés le même jour à Saint-Quentin, sont libérés ; le premier au mois de mai, le second le 4 septembre 1942 (celui-ci sera exécuté par la Résistance pour trahison le 22 mars 1944).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marcel Lenglet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45780 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
- Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Lenglet est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 1er novembre 1942 – dans la chambre (Stube) n°3 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb) où se trouvent également Marcel Colin, Germa, Faugeron, Nonnet, Nouvian, Paupy, Roux, Sansoulet et Vinsous – Marcel Lenglet reçoit six gouttes d’un bactéricide, l’Anisine, et deux comprimés d’aspirine. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus avec une injection mortelle dans le cœur… Le 10 novembre, au Block n° 7, Marcel Lenglet reçoit encore un comprimé d’aspirine, puis un autre quatre jours plus tard.
On ignore la date exacte de la mort de Marcel Lenglet à Birkenau ; probablement avant la mi-mars 1943 [1].
Le 5 mai 1953, sa veuve, remariée sous le nom de Galiègue, remplit en qualité de tutrice de leur enfant mineur un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant au nom de Marcel Lenglet. Comme elle n’y joint aucun certificat attestant des activités clandestines de son ex-mari, sa requête est déboutée par la Commission départementale le 1er juillet 1954. Le 25 octobre suivant, le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre établit la carte n° 1102.12935 de déporté politique.
Le nom de Marcel Lenglet est inscrit sur le monument aux morts de Saint-Quentin, près de la gare, mur de granit de 31 m de long sur 18 m de haut, dans la liste 1939-1945 (« Lenglet M. »).
Notes :
[1] Date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Marcel Lenglet, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éd. Ouvrières, 1990-1997 version CD-rom : citant : Arch. Nat. F7/12970 et F7/13130, Laon, 26 juillet 1932 – Arch. dép. Aisne, 2 M 1 175 – L’Exploité, 1930 – État civil d’Airaines.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 360 et 411.
Alain Nice, La guerre des partisans, Histoire des Francs-tireurs partisans français, Histoire de la Résistance ouvrière et populaire du département de l’Aisne, édition à compte d’auteur, janvier 2012, pages 34-36, 39-42 (commande à adresser à Alain NICE – 9 rue de la Tour du Pin – 02250 BOSMONT-SERRE).
Archives départementales de la Somme (AD 80), site internet du conseil général, archives en ligne : recensement de la population d’Airaines, année 1911 (6M13/2), page 50 (vue 26/33).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris, doc. XLIV-15 et XLIV-2.
Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copies des pages 4, 7, 10, 16 et 21 d’un registre de délivrance de médicaments aux détenus du Revier de Birkenau.
Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
Site Mémorial GenWeb, Saint-Quentin-02, relevé de Bernard Roucoulet (2000-2002).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Marcel Lenglet, recherches de Ginette Petiot (message 02-2014).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-09-2014)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.