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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Marius, Joseph, Amiel naît le 11 janvier 1913 à Tuchan (Aude), fils de Joseph Amiel et de Marie Moly.

Du bureau de recrutement de Carcassonne, il effectue son service militaire en 1933.

Le 14 décembre 1936, il est embauché par la compagnie de chemin de fer Paris-Orléans qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1].

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 58, rue Clisson à Paris 13e, à l’angle de la rue J.-S.-Bach (à cette adresse se trouve aujourd’hui – 2014 – une crèche de la Ville de Paris).

À une date restant à préciser, il s’est marié avec Marie Antoinette Madeleine Malosse. Le couple a une fille, née au cours de l’été 1939.

Marius Amiel est alors homme d’équipe à la gare de Paris-Austerlitz (région Sud-Ouest).

Paris 13e. Gare d’Austerlitz, la cour des départs. Carte postale des années 1940. Collection Mémoire Vive.

Paris 13e. Gare d’Austerlitz, la cour des départs.
Carte postale des années 1940. Collection Mémoire Vive.

Il adhère au Parti communiste quelques semaines avant la dissolution de celui-ci (septembre 1939), sans pratiquement y militer.

Au printemps 1941, il rencontre Albert Mariel, également manœuvre à Austerlitz, ancien camarade de parti, qui lui demande s’il veut bien se charger « de procéder à la diffusion de matériel clandestin dans les voies de la gare » (d’Austerlitz). Il accepte et, une huitaine de jours plus tard, il trouve des imprimés communistes dans son placard de vestiaire qu’il diffuse dans les conditions qui lui ont été indiquées, sans les remettre de la main à la main. Par la suite, il reçoit une dizaine de dépôt du même genre. Il prépare également cinq feuilles manuscrites intitulées : « Collectes en faveur des victimes de la répression », mais ne recueille pas lui-même d’argent. Parallèlement, il est receveur du Syndicat de Paris Sud-Ouest de la Fédération nationale des travailleurs des Chemins de fer. Au sein du triangle communiste clandestin, il est également en contact avec Maurice Daudin, lui aussi manœuvre à Austerlitz, qu’il connaît par son patronyme, chargé du même travail de diffusion de propagande.

Quelqu’un qui semble le connaître dénonce Marius Amiel au commissaire de quartier (?) :

« PARIS le 5 juillet 1941
Monsieur le Commissaire
J,ai l;honneur de vous informer qu’il existe dans votre quartier,placé sous votre surveillance,un lot de jeunes gens,pour la plupart, pères de famille,qui se livrent à une propagande Communiste éffrénée et ce,depuis longtemps, au lieu de s’occuper de leurs familles qu’ils délaissent et méprisent parce qu’elles ne partagent pas leurs idées; ces jeunes gens préfèrent suivre les réunions secrètes,obéir à des ordres étrangers et effectuer des voyages en Province soi-disant ravitailler les leurs’mais en vérité pour distribuer des tracts dans les campagnes de banlieue et de province:
Je sais que cette dénonciation doit vous paraître osée mais j,èspère que vous ferez tout votre devoir, afin que cessent les menées de ces mauvais Français ‘
Je me permets de vous citer des Noms:
Amiel Marcel employé de chemin de fer au P.O, Gare Austerlitz demeurant 58 rue Clisson Paris 13° qui possède des documents chez lui — à faire suivre
Dandin — à faire suivre
Mariel — à faire suivre
etc — etc —etc —etc —
Il est inadmissible qu’en ces temps ci ces gens là travaillent contre la France leur Patrie , contre les intérets de leur Famille et prétendent imposer leurs piètres idées à leurs proches,
J’ose espérer que vous réussirez dans votre enquète discrète à mettre ces gens là à la raison,
UN PERE DE FAMILLE »

L’affaire est prise en charge par la brigade spéciale anticommuniste des Renseignements généraux de la préfecture de police, qui s’attribuera seule mérite de cette découverte dans ses rapports ultérieurs : « Une recrudescence de la propagande communiste clandestine ayant été constatée dans les milieux de cheminots, notamment à la gare d’Austerlitz, les inspecteurs […] ont procédé à une minutieuse enquête et à des surveillances, au cours desquelles ils ont acquis la certitude que le nommé Amiel Marius s’occupait très activement de la diffusion de tracts communistes clandestins […] ».

Le 23 juillet, deux inspecteurs de la B.S. se rendent au domicile de Marius Amiel pour y effectuer une perquisition. Le cheminot ne peut dissimuler un lot de 200 tracts divers, des listes, plusieurs souches de tickets de souscription pour les prisonniers politiques et dix cartes postales adressées à M. de Brinon : il admet son activité clandestine. Arrêté, il est ramené dans le service du commissaire André Cougoule (remplacé par le commissaire David en mai 1941 ; à vérifier…), à la préfecture de police, sur l’île de la Cité, pour y être interrogé.

Dans la journée, les mêmes inspecteurs interpellent les deux autres suspects à leurs domiciles respectifs. À leur arrivée, Albert Mariel tente en vain de faire disparaître dans ses WC l’opuscule de Lénine, La maladie infantile du Communisme. Sur lui, les policiers trouvent une feuille manuscrite portant l’adresse de Maurice Daudin. Lors des interrogatoires, et des confrontations, Albert Mariel nie tout activité clandestine. Maurice Daudin, s’il ne peut qu’admettre la présence chez lui deux carnets de souscription et plusieurs tracts du numéro spécial de L’Humanité et L’URSS vaincra, affirme n’avoir jamais appartenu au parti communiste et être seulement syndicaliste. Il nie toute activité de propagande : selon sa déclaration aux policiers, il aurait trouvé le lot de tracts communistes (L’Humanité]  sur la voie de chemin de fer au pont de Tolbiac la nuit précédant son arrestation, et les aurait mis tels quels dans sa poche sans les avoir lu et sans aucune intention de les diffuser.

« Attendu [que les trois hommes] ont été trouvés en possession de tracts diffusant les mots d’ordre de la IIIe internationale ou d’organisme s’y rattachant », le commissaire Cougoule, officier de police judiciaire, les inculpe d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et les fait conduire au dépôt (la Conciergerie, au sous-sol du Palais de Justice), à disposition du procureur de la République.
Dès le 26 juillet, la 14e chambre du tribunal correctionnel de la Seine prononce son jugement : Marius Amiel et Maurice Daudin sont condamné à huit mois d’emprisonnement, et Albert Mariel [2], considéré comme leur supérieur, à dix mois.Après avoir été écroués à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) – à vérifier… – les trois hommes sont transférés le 16 août à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Marius Amiel est libérable le 17 mars 1942, mais le directeur de la centrale en averti la préfecture de police et les forces d’occupation, appliquant la circulaire du 19 septembre 1941 du général Schaumburg, chef des forces militaires en France qui exige l’autorisation préalable des autorités allemandes pour toute libération de personne condamnée pour activité communiste.

Le 25 mars 1942, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Marius Amiel par décision du ministre secrétaire d’État à l’Intérieur, en application du décret du 18 novembre 1939 autorisant l’internement des personnes jugées dangereuses pour la défense nationale ou l’ordre public. Avec Maurice Daudin et cinq autres détenus de Poissy, Marius Amiel est transféré au dépôt de la préfecture de police.

Le 16 avril, il fait partie d’un groupe d’internés du dépôt transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 62.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marius Amiel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45170 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marius Amiel est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon le témoignage d’Étienne Pessot, de Cachan (92).

On ignore la date exacte de la mort de Marius Amiel à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943.

En mars 1945, son épouse est entendue dans le cadre d’une enquête d’épuration concernant un des deux inspecteurs ayant arrêté son mari.

En 1954, sa veuve est domiciliée à Valréas (Vaucluse).

Le 17 mai 1946, « sur la base des éléments d’information figurant au dossier », l’officier de l’état civil au Ministère des Anciens combattants et victimes de guerre déclare Marius Amiel décédé – “Mort pour la France” – à Auschwitz (Haute-Silésie) le 31 décembre 1942 ; cette date semble utilisée pour situer globalement le décès au cours de l’année écoulée.

Marius Amiel est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-05-1987).

En 2005, le visage de Marius Amiel a été choisi pour illustrer le couverture du livre de Cl. Cardon-Hamet paru aux éditions Autrement (voir les sources, ci-dessous).

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Albert MARIEL, né le 10 mai 1894 à Marcillac (Dordogne), est déporté dans le convoi d’hommes parti le 24 janvier 1943 de Compiègne et arrivé le 25 janvier au KL Sachsenhausen (mat. 58798). Transféré au KL Buchenwald, il sera rapatrié. Livre-mémorial de la FMD, convoi I.74, tome
1, édition 2004, page 630.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 393.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : classeur inventaire BS1 ; dossier de la brigade anticommuniste des RG (BS1), Affaire Amiel-Mariel-Daudin (332) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1717-93731).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (cote 0110LM0108).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.