- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Paul, Hyppolyte, Feuvrier naît le 24 février 1898 à Vaucluse (Doubs – 25), fils de Charles Auguste Feuvrier, 33 ans, artisan horloger, et de Cécile Girard, 21 ans. À sa naissance, Paul a – au moins – une sœur, Laure, née en 1896 à Frambouhans (25).
En 1903, la famille a déménagé à Batenans-Varin (25), où sa sœur Annette naît le 3 mars de cette année. Ils y sont encore en 1906, mais en sont partis en 1911.
Puis les Feuvrier vont s’installer à Maîche (25), où la petite Olga naît le 10 juin 1913 (et où les jumeaux Claire et Gaston naîtront le 7 mai 1917). Paul commence à travailler comme électricien.
Le 28 mars 1917, à la mairie de Besançon (25), Paul Feuvrier s’engage volontairement pour quatre ans comme soldat de 2e classe au titre du 4e régiment de hussards, rejoignant cette unité trois jours plus tard. Le 25 septembre, il est “aux armées” contre l’Allemagne. Le 10 février 1919, il passe au 4e chasseurs d’Afrique. Le 17 août, il part dans l’Armée d’Orient. Le 24 août suivant, il passe au 3e régiment de spahis. Le 28 septembre suivant, il est nommé brigadier. Le 24 octobre, il est dans l’Armée du Levant. Le 24 novembre, il est cassé de son grade et rétrogradé comme soldat de 2e classe. Le 12 janvier 1921, il passe au 11e régiment de spahis. Le 28 mars suivant, il est renvoyé dans ses foyers.
Au printemps 1921, ses parents habitent à Pont-de-Roide (25), sur le Doubs, 18 km au sud de Montbéliard. Son père est alors ouvrier aux usines Peugeot, grand fournisseur d’emplois de la ville.
Le 2 juin 1921 à Pont-de-Roide, Paul Feuvrier se marie avec Gabrielle Suzanne Bédat, née le 23 juin 1900 dans cette commune.
En juin 1922, le couple habite aux Immobilières à Pont-de-Roide. Son fils Marcel Charles Jules naît le 7 février de cette année. En octobre 1923, ils habitent au 18 rue de l’Industrie à Besançon, puis, fin juillet 1924, au 59 rue des Arènes à Dôle (« inspecteur d’assurance » ?).
En novembre 1925, ils sont revenus à Pont-de-Roide, cités Émile Peugeot, et au printemps 1926, dans les cités d’Autriche. Paul Feuvrier est alors ouvrier chez Peugeot. Son fils Raymond naît en 1927. Sa fille Andrée naît en 1931.
En juillet 1932, ils s’installent au hameau de Larochère à Autechaux-Roide, petite commune voisine.
En mars 1936, la famille est revenue habiter à Pont-de-Roide, au 205 rue de Montbéliard. Paul Feuvrier est polisseur chez Feller, à Autechaux. Son fils Marcel, seize ans, est ouvrier chez Gaudmet à Pont-de-Roide.
Le 9 avril 1939, l’armée le classe “affecté spécial, personnel de renforcement”, comme polisseur sur métaux au titre des Forges de Bologne (Haute-Marne).
Au moment de son arrestation, Paul Feuvrier est domicilié à Pont-de-Roide. Il est déclaré comme marchand de primeurs (suite à un licenciement ? à vérifier…).
À une date restant à préciser, il est arrêté avec Roger Berne [1] et René Bordy, de Pont-de-Roide, pour « avoir fait circuler un numéro clandestin du journal “L’Humanité” et avoir détenu des tracts communistes ainsi qu’un écrit intitulé “Le crime d’avoir raison” ». Tous trois sont inculpés d’infraction au décret du 29 septembre 1939 « portant dissolution du parti communiste » et probablement écroués en détention préventive (à vérifier…).
Le 28 février 1941, le Tribunal correctionnel de Montbéliard condamne Roger Berne à trois mois de prison, René Bordy à deux mois et relaxe Paul Feuvrier. Mais le substitut de Montbéliard, estimant les condamnations insuffisantes, interjette appel le 1er mars « à l’égard des trois prévenus ». La suite des démêlés judiciaires de Paul Février reste à préciser, mais il n’est probablement pas incarcéré.
Le 22 juin 1941, il est arrêté à l’initiative des autorités d’occupation [2], comme Pierre Lana, d’Audincourt ; leurs noms sont inscrits à la fin d’une liste de vingt-trois militants communistes et syndicalistes de la Haute-Saône (dont les sept futurs “45000” du département et Georges Cogniot) ; n° 24 sur la liste. Il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Paul Feuvrier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Paul Feuvrier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45538 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Paul Feuvrier.Il meurt à Auschwitz le 11 août 1942, d’après deux registres du camp ; un mois après l’arrivée de son convoi.
Notes :
[1] Roger Berne, né le 21 août 1900 à Pontarlier (25), domicilié rue de Besançon à Pont-de-Roide, est transféré au Fort de Romainville, commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis) à une date restant à préciser et fusillé par les Allemands le 15 décembre 1941, parmi cinquante otages de représailles, au Fort du Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine).
[2] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total (bilan au 31 juillet), 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Sources :
Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 363 et 404.
Archives départementales de Côte-d’Or : Arrestations par les autorités allemandes-correspondances », liste de la Haute-Saône (sic), 1630 W, article 252.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 284 (19367/1942).
Site Mémorial GenWeb, 25 – Doubs, Pont-de-Roide, relevé de Gilbert (5-2008).
Concernant Roger Berne, Serge Klarsfed, Le livre des otages, Les éditeurs français réunis, Paris 1979, page 43.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 2-01-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.