Paul Le Corre naît le 16 octobre 1918 au 7 rue Bruant à Paris 13e, fils de Marie Le Corre, 25 ans, domestique, officiellement domiciliée au 4 rue du Pont à Brest (Finistère). L’enfant est présenté au bureau d’état civil par une sage-femme ayant assisté à l’accouchement. Le 23 mai 1922, à la mairie du 20e arrondissement, Paul est reconnu par Eugène Varenne, 24 ans, garçon de café. Le même jour, il est légitimé par le mariage de celui-ci avec sa mère, tous deux étant alors domiciliés au 5 rue d’Eupatoria ; les témoins sont deux voisins habitant à la même adresse.
Sa mère décède à Paris le 26 novembre 1923, âgée de 31 ans, lui-même ayant cinq ans. Il est alors pris en charge par la sœur de celle-ci, sa tante maternelle, Anne Le Floch, née Le Corre (à Douarnenez, Finistère), habitant Bobigny [1] (Seine / Seine-Saint-Denis). Paul y fréquente l’école communale jusqu’à quatorze ans, puis apprend le métier de fondeur en aluminium. Son père ne s’occupe pas de lui et se remarie en 1925 (il décèdera en 1943).
Au moment de son arrestation, Paul Varenne habite toujours chez sa tante – alors veuve -, au 11, rue Perrusset à Bobigny.
Il travaille comme riveur, à Paris.
En 1936, il fait partie d’un groupe de jeunes campeurs. Il assiste à plusieurs réunions du Centre laïque des Auberges de la Jeunesse, au 42, avenue Henri-Barbusse.
Pendant un temps, il serait secrétaire du cercle des Jeunes communistes de Bobigny.
Sous l’occupation, il milite clandestinement dans un groupe dirigé par Raymonde Salez. Il est plus spécialement chargé du contact au sein des usines, à l’écart de son domicile.
Le 5 décembre 1940, à la suite d‘une série de perquisitions menées chez dix-neuf militants de la circonscription de police et qui se révèle fructueuse à son domicile (un tract « récent » étant trouvé dans le tiroir de sa table de nuit !), Paul Varenne est arrêté par le commissaire de Pantin. Le 6 décembre, inculpé d’infraction à l’article 3.4 du décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste), il est conduit au dépôt de la préfecture de police.
Le lendemain, 7 décembre, il comparaît devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine.
Condamné à six mois d’emprisonnement, il est écroué à la Maison d’Arrêt de la Santé (Paris 14e). Il se pourvoit en appel auprès du Procureur de la République. Le 27 janvier 1941, la Cour d’appel de Paris confirme la condamnation. Le 3 février, Paul Varenne est conduit à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).
À l’expiration de sa peine, le 21 avril, il est « consigné préfecture ». Pour être effectivement libéré, il accepte de signer une déclaration qui lui a probablement été dictée et par laquelle il « déclare désapprouver formellement l’action communiste clandestine sous toutes ses formes [et s’]engage sur l’honneur de ne plus [se] livrer dans l’avenir directement ou par personne interposée à aucune activité communiste ».
Le 28 avril 1942, Paul Varenne est de nouveau arrêté, comme otage, lors d’une vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, avec le concours de la police française, et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin ayant précédemment fait l’objet d’une procédure judiciaire, avec ou sans condamnation, notamment de jeunes mineurs ayant été remis à leur famille. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Paul Varenne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Paul Varenne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46180 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Paul Varenne est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
À une date restant à préciser, il est assigné au Block 4.
Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) être une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est “listé” le matricule n° 46180.
Son nom est inscrit sur la plaque en « hommage aux héros de la résistance » apposée dans le hall de la mairie de Bobigny, parmi dix-huit Balbyniens, dont Pierre Cambouliu, Émile Larosière et Henri Nozières ; plaque située sous une autre dédiée à la mémoire de deux employés municipaux de Bobigny, Henri Nozières et Marius Barbier, de Saint-Ouen, cinq hommes déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
À l’automne 1957, sa tante dépose une demande d’attribution du titre de déporté politique.
Notes :
[1] Bobigny : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 422.
Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 15 novembre 1940 au 20 janvier 1941 (D1u6-5851).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais / cartons “occupation allemande”, (BA ?) ; dossier individuel des RG (77w1480) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1w510-13365) ; registre de main-courante du commissariat de police de la circonscription de Pantin, année 1940 (CB 89 56), actes n° 2515 et 2516
Archives départementales du Val-de-Marne (AD 94), Créteil : archives de la prison de Fresnes, détenus libérés le 21-4-1941 (511w-13).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1272 (25495/1942).
Site Mémorial GenWeb, 93-Bobigny, relevé de Frédéric Charlatte (11-2007).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 19-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.