Pierre, Roger, Lecomte naît le 28 mars 1906 à Moyenmoutier (Vosges), fils de Charles Lecomte et de Jeanne Mathis (?).
En 1939 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 1, rue Henri-Poincaré à Clichy-La-Garenne [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).
Il est marié, sans enfant.
Pierre Lecomte est mouleur sur machine.
Le 25 octobre 1940, à Clichy, il est arrêté par la police française – probablement par des agents du commissariat de police de la circonscription – pour propagande et détention de tracts communistes, en même temps que le jeune Georges Pavie, 22 ans, de Clichy, électricien. Une perquisition opérée dans la cuisine de Pierre Lecomte amène la découverte de huit exemplaires du tract « Travailleurs, Alerte ! », de deux exemplaires de L’Humanité, de deux exemplaires de La Voix Populaire, d’un lot de livres et brochures (?), et « sur l’étagère » de vingt-deux exemplaires de L’Humanité. Le lendemain, les deux hommes sont conduits au dépôt de la préfecture, probablement pour interrogatoire. Le 28 octobre, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de le Santé (Paris 14e).
Le 28 octobre, ils comparaissent devant la 12e Chambre du Tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Pierre Lecomte à six mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939.
À une date restant à préciser, celui-ci est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
À l’expiration de sa peine, considéré comme un « meneur très actif », il n’est pas libéré : le 19 avril 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Le 24 avril, Pierre Lecomte est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise ), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.
- Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte
montrant les points d’impact après le bombardement
par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines, cote 1W71.
Le 5 mai 1942, Pierre Lecomte est parmi les 149 internés d’Aincourt transférés au camp français de Voves (Eure-et-Loir).
Le 10 mai, il est parmi les 81 internés (dont 70 futurs “45000”) « remis aux mains des autorités d’occupation » à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Pierre Lecomte est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45752, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Lecomte.Il meurt à Auschwitz à une date inconnue ; probablement avant mars 1943 (son acte de décès n’a pas été retrouvé par les archivistes du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau [2]). L’état civil français a fixé la date du 15 août 1942.
Après la guerre, son épouse – qui est alors revenue vivre à Moyenmoutier, rue de la Haute-Pierre – contacte René Petitjean, de Clichy, pour lui demander une attestation de décès.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-03-1994).
Il est parmi les derniers trouvés dans la liste des déportés de ce convoi : en 2005, son nom ne figure pas encore dans Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942 [3].
Notes :
[1] Clichy-La-Garenne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp.
[3] Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, de Claudine Cardon-Hamet, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, notice pour Mémoire Vive (2006), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives de Paris : rôle du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 15 mai-15 novembre 1940, D1u6 5849.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; registre de main courante du commissariat de Clichy du 8-08-1940 au 10-04-1941(C B.84-35), n° 937 et 938 ; dossier couplé “Pavie-Lecomte” au cabinet du préfet (1 W 858-37260).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Archives communales de Clichy : listes électorales, archives de la section locale de la FNDIRP.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 14-02-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.