Pour la majorité d’entre eux, antifascistes, hommes et femmes à l’esprit rebelle, ils ont été des militants actifs du puissant mouvement social de 1936, ou – pour les plus jeunes – ont grandi dans ce contexte de luttes et d’espoir.
Avec la montée des fascismes en Europe et une tentative de coup de force de l’extrême droite, les années qui avaient précédé le Front populaire avaient été qualifiées par Léon Blum de « temps fasciste ». C’est contre cette menace qu’un grand mouvement populaire s’était organisé. Combattant l’exploitation, refusant la soumission, et haïssant la guerre, ils étaient animés par un idéal de fraternité et d’internationalisme, l’enthousiasme et l’espoir que leurs chants exprimaient : « L’internationale sera le genre humain », « Allons au-devant de la vie, allons au-devant du bonheur !.. » Pouvaient-ils imaginer que leur quête de bonheur, de fraternité les conduirait vers un lieu de haine, d’horreur, de mort ?
Engagés pour la plupart dans l’action politique, syndicale ou associative avant la guerre, leur entrée dans la résistance contre le régime de Vichy et l’occupant a été le prolongement et la traduction de leurs convictions.
Sous l’occupation, la police et l’administration françaises accentuent la répression engagée dès 1938 et légalisée en 1939, en internant militants et militantes en différents lieux, notamment des camps créés ou aménagés pour cet usage.
Contraints à la clandestinité dans un climat politique de revanche sociale, ils ont diffusé “sous le manteau” leur presse qui avait été interdite, distribué des tracts et organisé ou participé à diverses manifestations dénonçant l’occupant et la collaboration.
À partir de 1941, ces hommes et ces femmes se sont engagés dans des actions de sabotage et des attentats contre l’armée allemande.
Par mesure de représailles, l’occupant – avec l’aide de la police française – mit alors en place une politique d’otages, fusillant par dizaines des hommes maintenus en détention sans jugement. Ces exécutions sommaires ne mirent pas fin aux actes de résistance et eurent pour effet, au contraire, de développer une hostilité croissante dans la population. C’est pourquoi, Hitler et ses généraux ont eu l’idée de faire disparaître « dans la nuit et le brouillard » une partie des otages destinés jusque-là au peloton d’exécution : ils pensaient qu’une menace permanente pesant sur le sort d’un grand nombre de militants, dont personne ne saurait rien, paralyserait l’action patriotique de leurs compagnons et de leurs proches.
1175 hommes regroupés au camp de Royallieu à Compiègne (Oise) sont choisis avec soin pour être déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Plus de mille d’entre eux sont militants ou sympathisants communistes. À leurs côtés, se trouvaient également des personnalités non communistes qui avaient exprimé leur hostilité à l’occupation nazie et à la collaboration du gouvernement de Vichy et, sur une liste séparée, les 50 derniers otages juifs du secteur C de Compiègne.
Ils furent entassés dans des wagons à bestiaux pour être déporté vers une « destination inconnue » : Auschwitz-Birkenau, à la fois le plus grand complexe concentrationnaire et le principal centre d’extermination des juifs européens mis en place par les nazis.
Il en fut de même, quelques mois plus tard, pour les 230 femmes déportées dans le convoi du 24 janvier 1943. Généralement arrêtées plus tard, beaucoup étaient davantage impliquées dans les mouvements et réseaux de résistance. Un certain nombre d’entre elles avait appris l’exécution de leur mari. Presque toutes furent internées au fort de Romainville.
Ces deux grands convois de déportés politiques sont les seuls partis de France avec Auschwitz-Birkenau pour destination définitive. Les autres convois de la déportation de répression ont été en effet acheminés vers d’autres camps.
Les hommes et femmes de ces deux convois sont dénommés les « 45000 » et les « 31000 » à cause du matricule qui les désignait et qui fut tatoué sur leur avant-bras, comme pour la plupart des détenus enregistrés à Auschwitz.
Sur les 1175 hommes déportés le 6 juillet 1942, seulement 119 ont survécu. Sur les 230 femmes déportées le 24 janvier 1943, 49 sont rentrées.